Revue de presse


Le Ramadhan, ses saveurs et ses attraits


le 13.08.11 | 01h00

Ammi Mahmoud entame sa journée tôt le matin. Du haut de ses 60 ans, ce retraité, enfant de la médina de Constantine, n’a rien perdu de sa verve et de sa bonne humeur. « Même durant le mois de Ramadhan, je ne change pas mes habitudes », dit-il d’un ton jovial.
Dès 7h, ammi Mahmoud prend le bus du centre-ville à partir de la cité Sakiet Sidi Youcef où il habite depuis les années 1980, après avoir quitté la maison de ses parents à Souika. « Je garde toujours des liens avec mon quartier natal que je visite tous les jours », relève-t-il. Comme pour une escapade, il commence par une virée à la rue Mellah Slimane. « Chaque Ramadhan a un cachet inédit et inusité dans ce vieux quartier où les gens de la ville, quel que soit leur statut social, viennent même de loin faire leurs emplettes ici, où ils trouvent de la marchandise à bon prix, notamment la viande, mais aussi tous les ingrédients et les produits alimentaires pour faire des plats à la saveur typiquement constantinoise, même si les traditions et les mœurs ont beaucoup changé », assure-t-il. Il est vrai que certains profitent aussi de ce mois pour faire des affaires au gré des « humeurs du ventre ». L’image des ces vendeurs de petit-lait, servi dans des bouteilles en plastique ou même des sachets de congélation, confirme les clichés qui collent encore à ce mois, durant lequel certains consommateurs, assommés par le jeûne, n’hésitent pas à «ramasser» toutes sortes d’abats exposés aux poussières et visités par des nuées de mouches.
Des vendeurs de djawzia (nougat au miel et aux noix), de loukoum (halwet halkoum), de halwet turque et autres confiseries sorties de nulle part occupent les petits espaces qui restent entre les petites échoppes ne laissant qu’un infime passage aux piétons. Après les salamalecs d’usage à l’endroit des vendeurs de fruits secs, pruneaux et abricots séchés, l’on se dirige tout droit vers la place d’El Batha, en empruntant la rue Sidi Nemdil. Le local de Chabani Abdelaâdhim, maître incontesté de la fameuse harissa au miel, ne désemplit guère. La canicule de ce mois d’août n’a pas dissuadé une foule qui assaillit les lieux comme les abeilles, une ruche. « Tu me donnes une snioua (un petit plat dans lequel on sert la harissa) bien arrosée au miel, car celle d’hier, était presque sèche », s’écrie une dame voilée dont le corps a pris la moitié du comptoir. La harissa de ammi Chabani, succulente et fondant dans la bouche, est très célèbre même en dehors de Constantine. « C’est devenu presque une marque que certains commerçants véreux ont exploité à leur propre compte en prétendant vendre la harissa d’El Batha un peu partout dans la ville et même dans des wilayas voisines », dira ammi Mahmoud. Le patron des lieux a même collé un avis sur le devant de sa boutique. Une sorte d’avertissement pour ces clients afin d’éviter d’acheter « une fausse harissa d’El Batha », chez un commerçant « chinois ». Comme quoi, on n’hésite pas à usurper la fonction d’un préparateur de harissa. A 11h, le mercure monte, la chaleur devient insupportable dans ces venelles où l’on se dispute le moindre petit bout d’ombre.
Des vagues humaines à Trik Djedida
Sur le chemin vers la rue Larbi Ben M’hidi, plus connue par Trik Djedida (ex-rue Nationale), le passage par la rue Sellahi Tahar, dans le quartier de Sidi Bouannaba, du nom d’un saint de la ville, est inévitable. Difficile de se frayer un chemin entre une nuée de vendeurs proposant des bouteilles de jus et de « gazouz », du pain sous toutes ses formes et ses couleurs, des galettes maison, du «matloû» et des feuilles de bourek. Parmi les piétons, il y a plus de curieux que d’acheteurs.
Les rues à Constantine ont beaucoup plus d’importance que les édifices et les logements. « Les gens, regardez-les, sont des maniaques de la déambulation ; ils tournent en rond comme dans une cour de prison ou un camp de concentration. Que deviendraient-ils si l’on n’avait pas ouvert dans la ville toutes ces artères, bien qu’elles soient étroites et sinueuses ?», est-on tenté de paraphraser cheikh Abdelmadjid Boularouah, héros du roman Ezilzel (le Séisme) de Tahar Ouettar. Ammi Slimane évite de s’attarder sur les lieux. Il a d’autres chats à fouetter. « Je dois faire un saut à Rahbet Essouf (la place de la laine), ex-place des Galettes, où je dois passer voir mon ami Hadj Rabah, celui qui prépare la fameuse zlabia, format Boufarik », lance-t-il. Il faut jouer des coudes pour traverser la rue Kadid Salah, ex-rue Combes, devenue un souk spécial où l’on vend tout ce qui est féminin, de la petite lingerie, aux gandouras, en passant par le cosmétique. « C’est un véritable souk enssa (souk des femmes) qui occupe une partie importante du vieux quartier de R’cif ; les seuls hommes qu’on y trouve sont les commerçants », ricane ammi Slimane. Après un raccourci par le quartier El Djezzarine, qui abrite les petites échoppes des tripiers, on arrive devant le sabat (passage voûté) de la mosquée Sidi Lakhdar, qu’on traverse à la hâte pour se retrouver à Rahbet Essouf.
Téléphérique
Curieusement, il n’y a pas assez de monde devant le vieux local de ammi El Hadj Rabah. Ce dernier, la soixantaine bien entamée, garde toujours sa forme. Assis tranquillement face à un grand poêle, vêtu d’un tablier blanc, une chéchia sur la tête, une serviette mouillée autour du cou, il manie la pâte avec dextérité. Sans jamais s’arrêter, il joue avec un ustensile en forme d’entonnoir pour dessiner des morceaux de zlabia grand format, qui prennent une couleur dorée une fois plongés dans une bassine de miel. «Malgré le poids des années et les tentations du commerce lucratif, El Hadj Rabah n’a jamais pensé délaisser un métier qu’il exerce avec passion et patience», explique ammi Slimane. Ce dernier, après avoir acheté deux kilos de zlabia dorée, reprend le chemin du retour après une journée harassante. A quelques encablures de là, il y a la station du téléphérique, juste à proximité du vieux quartier Echaraâ, dans le temps celui des juifs de Constantine. « J’adore prendre ce moyen de transport, histoire de contempler le rocher et ses merveilles avant de rentrer chez moi », dit-il.
 Arslan Selmane




La médina de Constantine


Souika, une ville séculaire au bord du ravin


le 11.07.11 | 01h00

« à tout jamais, ma ville s’est réfugiée derrière l’image qu’on s’en fait. Concédant une attitude et tolérant une silhouette, jalon entre deux infinis, elle veille sur le passé, et, relais du soleil, elle monte la garde au pied des espérances. Elle est une présence, elle est un rêve qui continue. »

Malek Haddad, Une clé pour Cirta, 1965


Pour le commun des Constantinois, laccès vers le vieux quartier de Souika passe inévitablement par une halte à Bab El Djabia. Un lieu hautement symbolique qui abritait lune des portes de la ville du Vieux Rocher, où une source émergeait des entrailles de la terre et ramenait leau à la cité. Certains trouvent une explication au mot El Djabia : celle qui apporte leau. Comme pour le Tout-Constantine, les odeurs de Souika vous accueillent, vous accompagnent, vous poursuivent, vous prennent à la gorge ; on les reconnaît avant davoir fait deux pas, elles vous portent sur les nerfs et vous soulèvent le cœur, pour paraphraser le personnage du roman Ezzilzel (le séisme) de Tahar Ouatar, Cheikh Abdelmadjid Boularouah.
Par ces chaudes journées de juillet, les ruelles étroites de ce «petit souk» offrent une fraîcheur tant recherchée par les amateurs des escapades dans le passé. A la rue principale Mellah Slimane, ex-rue Perregaux (pour les anciens de la ville), le décor na pas beaucoup changé depuis les dernières décennies. Les marchands de fruits secs nont pas quitté les lieux, en dépit des travaux de rénovation de quelques anciennes maisons. Des travaux qui durent toujours. «Pendant le Ramadhan, ou autres fêtes religieuses, Souika devient La Mecque des Constantinois, ceux désireux de trouver quelque chose doriginal, dauthentiquement ancien, ou ceux à la recherche doccasions rares à des prix intéressants ; mais ses enfants, ceux qui lon quittée pour dautres cieux, y reviennent souvent sy ressourcer, comme pour un vrai et éternel pèlerinage»,dira Ammi Saïd, un enfant de cette cité.

Lui, par contre, il na jamais pensé un seul jour la quitter. Malgré la concurrence qui lui est livrée par dautres quartiers, Souika, où chaque pavé a une histoire à raconter, demeure un haut lieu du commerce, où se mêlent, paradoxalement, légal et informel. Sa particularité est cette suite interminable de petites boucheries qui côtoient, sans encombres, depuis Bab El Djabia jusquau Chatt, les petites épiceries, les vieilles échoppes où lon vend de tout, mais aussi les petites boutiques de torréfaction et autres herboristes. Tout le monde y trouve son compte et son espace, y compris les vendeurs dabats, de merguez, pizza et mahdjouba. Même les bouquinistes et les vendeurs dantiquités ont une place au soleil. Souika est un véritable petit espace cosmopolite riche par ses lumières, ses ombres, ses anciennes maisons, défiant le temps, et qui descendent en cascades pour narguer le ravin, ainsi que ses innombrables curiosités qui néchappent pas aux regards «fouineurs».


Sur les traces des saints


Décrite comme une presquîle originelle sortie des entrailles du rocher, quartier pittoresque en dépit des sévices du temps et de lingratitude des hommes, Souika demeure toujours le cœur palpitant de Constantine. Elle puise surtout sa sacralité dans un privilège quon ne trouve pas dans dautres quartiers de la ville des Ponts, privilège attribué par la proximité du mausolée de Sidi Rached, le saint patron qui veille sur la ville, et qui est enterré à quelques mètres, en contrebas du fameux pont éponyme ; cependant, lhistoire et la vie de ce dernier demeurent, à nos jours, entourées de mystères.



Souika, qui attire pèlerins, touristes, simples badauds, chercheurs, artistes et autres curieux et nostalgiques en quête de souvenirs et de repères, est aussi riche en vestiges historiques et architecturaux, quen monuments inspirés de la civilisation musulmane et des lieux de culte : la mosquée Sidi Afane (un autre saint de la ville), construite à la fin du XVe siècle, située à quelques mètres de Kouchet Ezziat, une petite placette qui abrite à proximité dun passage voûté (appelé Sabat) la maison de Daïkha, la fille dAhmed Bey, la rue Benzegouta (ex-Morland) en direction de la rue Abdellah Bey, plus connue par Essayeda, en référence à Sayeda Hafsa, dont une mosquée située dans les lieux porte le nom, et aussi un autre lieu de culte, Sidi Moghrof.



Ce dernier est un autre saint dont on ignore aussi lhistoire, et même lorigine de son nom. De là, en traversant le lieudit Zenqet El Mesk, les pas nous mènent forcément vers la mosquée de Sidi Abdelmoumène, une halte inévitable pour les fidèles de ce lieu vénéré, qui côtoie lui-même deux zaouias : Sidi Mhamed Ennedjar, fermée depuis des lustres, et Bouabdellah Cherif, lieu de rencontre préféré des adeptes de la confrérie des Aïssaoua. Au même titre que celles des Taybia, Rahmania, Tidjania et Qadiria, les zaouias sont profondément enracinées dans les traditions des Constantinois. Chaque coin de Souika recèle une histoire tout aussi fabuleuse que la précédente. Comme par superstition, les visiteurs, ici, ne reviennent jamais sur leurs pas : ils traversent le quartier afin de profiter de cette longue venelle, dun bout à lautre. Une si longue traversée exige que lon sy prépare, il faut donc avoir du temps pour découvrir chaque pan de cette petite cité : ses bains, ses cafés maures, ses fontaines, ses sabats, ses placettes et ses ruelles enchevêtrées. Le visiteur aura toujours le sentiment de vouloir revenir un jour. «A Souika, les gens sont des êtres inassouvis, car ils sont à la recherche de choses enfouies dans la mémoire collective, bien que les anciens et tous ceux qui ont vécu lâge dor de ce quartier, le plus mythique des quartiers érigés au cœur de la vieille ville, sur lun des versants les plus escarpés du Vieux-Rocher, disent aujourdhui quil a perdu son âme et toute la magie dantan», regrette ammi Saïd.


Arslan Selmane


Bas-fonds du Vieux Rocher

Une catastrophe écologique annoncée
le 15.05.11 | 01h00
Rien ne justifie l’état de dégradation avancé dans lequel se trouvent les sites sous les ponts,-rochers et Rhummel-, plus particulièrement le remblai de Sidi Rached, devenu un gigantesque dépotoir.
Une grande partie du paysage, surprenant, -rochers et luxuriante végétation en fusion-, qui fait la singularité de Constantine, est exposé, à court terme, à une dégradation sans pareille. Il n’y a qu’à emprunter le pont Sidi Rached, le plus grand pont de pierre au monde, et observer des deux côtés des parapets pour découvrir une vie grouillante, incessante, au milieu de montagnes d’immondices effarantes, déversées au quotidien par les innombrables marchands de bric-à-brac. Aucun ne semble mesurer la gravité de la chose. Nous avons abordé plusieurs de ces revendeurs, dont la plupart sont des habitués des lieux.
Quelques-uns viennent occasionnellement écouler de tout : vêtements et chaussures d’occasion, fripe, vieille quincaillerie, et plein d’objets hétéroclites, difficilement identifiables, mais qui, curieusement, trouvent preneur. Rien ne se jette, tout se négocie. C’est un peu notre marché aux Puces à nous. Un marchand, que nous appellerons Brahim, nous dira, avec un sourire gêné, que tout le monde jette ses ordures où bon lui semble. « Je veux bien participer à la propreté de l’endroit, mais c’est quand même le travail de la commune », concède-t-il. Un autre de renchérir : « L’APC doit nous aider en nous fournissant du matériel, et même des agents de nettoiement, on ne peut pas ramasser tout ça sans grands moyens. »
Un vieux fripier, un peu méfiant, pointera du doigt des vendeurs occasionnels venus des régions limitrophes : « Ce sont ces gens-là qui laissent toutes ces saletés derrière eux en retournant chez eux le soir ; ils s’en fichent, ce n’est pas leur ville, pourtant elle leur donne à manger. » En somme, c’est une minorité qui donne l’impression d’être incommodée par les immondices. En été, les odeurs sont insupportables, nous diront quelques habitants de Souika. Il ne s’agit pas seulement d’ordures ordinaires, mais de déjections humaines, en l’absence de toilettes publiques, qui d’ailleurs ne sauraient être présentes à cet endroit, relève un habitant.

Qui a parlé de tourisme ?

Chacun se rejette la faute, mais en attendant, le bosquet d’arbres séculaires, dont la cime atteint la partie supérieure du pont, est sauvagement agressé dans l’indifférence générale. Quelques personnes de passage, attirés par la beauté insolite de la ville, relèveront avec amertume ce laisser-aller qui ne dit pas son nom. «Comment voulez-vous promouvoir le tourisme avec cette saleté ? C’est pourtant un endroit stratégique de Constantine, c’est sa vitrine, mais c’est inacceptable de le laisser dans cet état !» s’est écrié un couple, venu de Annaba. En réalité, quoi qu’en en dise, les mots sont impuissants à décrire l’état de dégradation dans lequel se trouve le Rhummel et ses alentours. Dire qu’il y a quelques semaines, l’APC, plus précisément le secteur de Sidi Rached, a lancé une campagne de nettoiement tous azimuts, que tous les médias avaient annoncée en grande pompe ! Il faut bien se rendre à l’évidence : ce n’était que de la poudre aux yeux. Il est clair, que chez nous, l’on s’essouffle à la rapidité de l’éclair !
 « Il n’y a aucune conscience, car on va vers la catastrophe. Que font nos élus ? » s’alarme une dame, qui, tout comme nous, était penchée sur la rambarde, regardant, la mine horrifié, ce véritable crime écologique. Combien sont-ils à s’offusquer de cette choquante réalité ? Ils ne sont pas légion. Même ceux qui ont amorcé la restauration de la médina, à l’entrée de Souika, sont partis, en laissant derrière eux gravats et autres déblais. Et cela ne date pas d’hier. Les autorités de la ville pourraient peut-être envisager de faire un tour pour constater de visu la décadence de cette cité millénaire, réputée par son savoir, et aussi son savoir-vivre. Ses figures de proue doivent bien se retourner dans leurs tombes !
Farida Hamadou

Colloque international sur les tissus urbains à Constantine

Dégradation de l’habitat traditionnel
le 03.05.11 | 01h00
Des politiques urbaines contradictoires et parfois irrationnelles ont durement affecté un patrimoine séculaire.

Nos mégapoles ont grandi trop vite sans s’être donné les moyens de contrôle d’une urbanisation galopante et un développement anarchique, deux fléaux imputés, dans la quasi-majorité des cas, au non-respect des normes urbanistiques, notamment les plans directeurs d’aménagement et d’urbanisme (PDAU) et les documents de référence théoriquement revus et corrigés tous les dix ans. Pour autant, dira l’un des intervenants, le chas urbanistique persiste dans une indifférence générale confortée par les passe-droits et le laxisme des pouvoirs publics. Invités au colloque international, organisé depuis hier et jusqu’au mercredi 4 avril 2011 à l’initiative de l’université Mentouri de Constantine, des dizaines d’enseignants et chercheurs universitaires nationaux et étrangers ont été appelés à livrer leurs réflexions sur une thématique à plusieurs spectres: «les tissus existants pour une ville durable».
Tout un programme cher au Pr. Samia Benabbas Kaghouche, directrice du laboratoire de recherche d’architecture, d’urbanisme technique, et espace et société (AUTES). Partant de cette thématique, l’expertise a porté sur six axes de réflexion, dont le vieux bâti et la problématique des tissus historiques chère à la directrice du laboratoire AUTES. Pour cette dernière, les tissus historiques représentent «un patrimoine important et un pan d’histoire et de mémoire des peuples, ce qui exige de ce fait une prise en charge en rapport avec les enjeux consistant à restaurer les monuments et réhabiliter le vieux bâti».

Ignorance et laisser-aller

Sur ce point nodal, l’attention s’est focalisée sur, entre autres centres d’intérêt traitant de ce sujet d’actualité, une étude présentée par Nedjoua Mehenni, enseignante au département d’architecture et d’urbanisme de l’université Mentouri de Constantine. Prenant en exemple la médina de cette ville, l’intervenante n’ira pas par quatre chemins pour stigmatiser «l’ignorance et le laisser-aller affectant le vieux bâti et l’absence d’une prise en charge de son patrimoine, autant de facteurs qui ont abouti à la destruction du tissu traditionnel. Une situation induite par des politiques urbaines contradictoires et parfois irrationnelles».
S’appuyant, d’une part, sur la destruction, frisant l’irresponsabilité (pour ne pas dire la débilité !), de 29 bâtisses ancestrales de l’antique Souika, en février 2005, et, d’autre part, sur les limites démontrées du Master plan adopté en 2003, la conférencière soumettra à ses pairs deux interrogations essentielles: «Quels sont, face aux contraintes urbaines, les moyens et les stratégies à mettre en œuvre pour préserver et sauvegarder un label porteur de mémoire ? » et « Faut-il prévoir un règlement urbain encadrant les interventions patrimoniales et les projets de développement durable de la ville ? » Ce qui fera dire, d’un air désabusé, à un vieux briscard de la sphère urbanistique constantinoise: « Le débat est lancé mais, pour autant, on n’est pas près de voir le bout du tunnel.»
Ahmed Boussaïd
 
 
Bâtisses menaçant ruine à la rue Abdellah Bey
La vie des riverains et des passants en danger
le 29.03.11 | 01h00
Malgré les travaux de réhabilitation engagés dans la vieille ville, il y a plusieurs mois, certaines bâtisses se dégradent de jour en jour.
L’état des anciennes bâtisses menaçant ruine, dans la vieille ville, ne cesse de préoccuper leurs habitants. «Après l’effondrement des murs d’une ancienne maison suite aux importantes chutes de pluie enregistrées récemment, on craint sérieusement pour notre vie et celle de nos enfants, qui passent chaque jour à proximité du danger en empruntant le chemin de l’école», dira un habitant de la rue Abdellah Bey, plus connue par Essayeda. Une artère qui connaît un flux continu de passants, sachant qu’elle constitue un passage obligé pour les citoyens qui veulent rejoindre la rue Mellah Slimane dans le quartier de Souika, à partir de la rue Larbi Ben M’hidi.
Il y a quelques jours, une maison a enregistré l’effondrement d’une importante partie de sa façade. Il s’agit de celle connue par les anciens du quartier sous l’appellation de Dar Bendali, avant de devenir Dar Benbakir. Située en contrebas de la mosquée Essaida Hafsa, à quelques pas seulement de celle de Sidi Moghrof, la construction à l’architecture arabo-mauresque a fait l’objet d’une opération de réhabilitation entamée il y a de cela plusieurs mois, mais qui semble prendre beaucoup de temps. Selon les témoignages de ceux qui connaissent bien les lieux, la dégradation qui a touché cette maison a atteint un degré où toute tentative de réhabilitation est devenue délicate. «La maison a subi les conséquences des infiltration des eaux souterraines avant 2005 au point où des parties entières du sol se sont détachées; malgré tous nos appels en direction des autorités pour sauver les lieux, nous n’avons aucune réponse », affirme un habitant du quartier d’Essayeda.
Et de poursuivre: «Il a fallu attendre un décret officiel sur la classification de la vieille médina pour qu’une opération de réhabilitation soit inscrite, quelques mois seulement après la fameuse campagne de démolition des maison lancée en février de la même année par le chef de daïra de l’époque, avec la bénédiction de l’ex-wali, et qui a causé de sérieux dommages au reste des bâtisses.» Heureusement que Dar Bendali fut épargnée à l’époque, mais elle sera rattrapée par l’œuvre destructrice du temps. C’est du moins le sort réservé à une grande partie de la médina, dont l’histoire risque de s’effacer avec les derniers pans qui vont s’écrouler.
 
Arslan Selmane
 
 

Tissu urbain de la vieille ville

49% des bâtisses sont dans un état précaire

le 10.03.11 | 01h00

La campagne de démolition menée en 2005 par le chef de daïra de l’époque, avec la bénédiction de l’ex-wali, a eu des conséquences graves sur la partie basse de la médina.
 
Beaucoup de choses ont été dites sur la vieille ville, et des dizaines d’études ont été publiées sur la manière d’entreprendre sa réhabilitation. Mais de l’avis de nombreux observateurs avertis, et parmi eux des responsables de la direction de la culture, rien ou presque n’est sorti de ces esquisses de projets. Pendant que des quartiers entiers à Souika et à la place Tatache Belkacem s’effondrent, maison après l’autre, et que les ruines s’amoncellent, l’on continue à cogiter sur des modèles qui ne paraissent réalisables que sur le papier.
Les tonnes de documents qui s’accumulent depuis plus de vingt ans n’ont pas permis d’avancer d’un pas sur la voie d’une réhabilitation qui se cherche encore. Il y a bien quelques esquisses de tentées dans une ou deux directions, comme ce fut le cas pour des travaux de VRD lancés il y a quelques années à hauteur de la Zaouia Tidjania (Souika), sous le contrôle d’une commission technique, mais force est de reconnaître que l’on a assisté dans ce cas-là à un enlisement. De l’aveu même des préposés à cette opération (travailleurs et techniciens): «Dès le premier coup de pioche l’on s’est trouvé face à des difficultés imprévisibles. Sous les premiers pavés arrachés est apparu un enchevêtrement de conduites d’eau et d’évacuation des eaux usées très vieilles, et pour certaines toujours fonctionnelles.» Pour le reste, nous dira un responsable de la direction de la culture, un bureau d’étude a été désigné pour la réhabilitation et la sauvegarde de la vieille ville, et c’est à celui-ci de formuler des propositions quant aux modalités du plan de sauvetage.
Le rapport établi par le bureau d’étude en question il y a un peu plus de deux mois, recommande de prendre des mesures urgentes afin de limiter le phénomène dit de dominos constaté dans la partie basse de Souika, où dès qu’une maison s’effondre, des dizaines d’autres bâtisses, appuyées à la première, qui sont ébranlées, ne tardent pas à menacer ruine. L’opération qui nécessitera un budget de 350 MDA prévoit, en outre, une réorganisation de l’activité commerciale dans les principales rues marchandes de la vieille ville. Les chiffres révélés d’autre part dans ce même rapport, sont effarants : 575 maisons sur le 1 165 que compte la médina, se trouvent dans un état précaire. Ce qui représente 49% du tissu urbain alors que 136 habitations menacent ruine et risque de rejoindre le chiffre de 332 maisons perdues à jamais.
Le feuilleton des effondrements n’a d’ailleurs jamais connu son épilogue à Souika depuis février 2005, lorsque le chef de daïra de l’époque, avec la bénédiction de l’ex-wali, avait ordonné une campagne de démolition d’une partie de la vieille ville. Les effondrements sont demeurés, depuis, la hantise des habitants car à la moindre averse des familles entières se retrouvent sur la liste des sans-abri, à la rue des Cousins Kerouaz, Mellah Slimane ou Essayeda. Les autorités locales sont, par ailleurs, restées insensibles aux doléances des citoyens habitant la partie basse de Souika. Elles n’ont toujours pas procédé à leur évacuation malgré les promesses du chef de daïra quant à l’imminence d’une telle opération, surtout que plusieurs bâtisses, à l’exemple de celle située à Sidi B’zar, risquent de provoquer une véritable catastrophe si par malheur ses murs, dangereusement inclinés, s’effondraient sur les passants.
F. Raoui

Plan de sauvegarde de la vieille ville de Constantine

L’étude vivement contestée
le 16/10/2010 | 3:00

Des experts et des élus de l’APW, réunis pour débattre de la teneur de l’étude élaborée pour le compte du ministère de la Culture, jugent le travail réalisé insignifiant et de type scolaire. Ils refusent d’approuver les mesures préconisées dans ce cadre.

 

L’étude relative au projet des travaux de sauvegarde de la Vieille ville de Constantine a été vivement critiquée par les élus de l’APW, jeudi dernier, lors d’une journée d’étude tenue au siège de cette assemblée. Ladite étude, portant sur la 2ème phase du plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine bâti de la ville des Ponts, faite sur demande du ministère de la culture par un bureau d’étude spécialisé en architecture exerçant à Constantine, n’a pas vraiment convaincu les élus, ainsi que certains experts présents à cette rencontre, qui la qualifient de «type scolaire, manquant de maturité et n’être qu’une compilation de plusieurs études insignifiantes». À noter que l’estimation des travaux a été évaluée à plus de 3 milliards de dinars. Les élus ont exprimé, par ailleurs, leur mécontentement sur le fait de n’avoir pas été sollicités pour l’élaboration de cette étude, précisant être «des associés importants dans les projets de développement de la wilaya», reprochant également au bureau d’étude de n’avoir pas fait participer d’autres acteurs concernés de près par ce projet, à l’image de l’APC, de certaines directions et associations.
En outre, il y a lieu de rappeler qu’une première phase du plan a été inscrite en 2005, puis élaborée sur la base d’investigations menées sur le site par une équipe d’urbanistes, d’architectes, d’historiens et d’archéologues. Il a été mis en évidence l’état de conservation du cadre du bâti, tout en diagnostiquant les causes de sa dégradation, pour procéder à l’établissement d’un projet définissant les mesures d’urgence. Un bilan final fait état, selon le bureau d’étude, de 133 constructions en bon état sur un nombre total de 1065, de 575 en état de dégradation avancé et 16 autres dans un état précaire. Des carences ont été enregistrées lors de cette première phase. Résultat: la présence en masse de gravats menaçant les constructions mitoyennes, des bâtisses en dégradation extrême sont en majorité squattées et la basse Souika entièrement délabrée. L’insécurité y règne, les réseaux défectueux demeurant anciens et ne répondent plus aux usages actuels, notamment celui de l’assainissement qui est à refaire complètement. Des solutions relatives à l’accès à la Vieille ville, à la circulation, au transport, au commerce illicite qui s’est enraciné au cœur de la Vieille ville, aux lieux de culte…, ont été proposées dans cette étude, en attendant son approbation ou non par l’APW. Celle-ci ne semble pas consentante.

Selma Benabdelkader

 

 

Risque d'effondrement : 565 familles menacées

le 21/01/2010 | 19:08

C'est un constat alarmant que les services de la Protection ont soulevé, hier, lors d'une conférence tenue au siège de la direction de la zone Palma pour la présentation du bilan de l'année 2009.

En matière de risque d'effondrements, qui continue de planer sur les vieux quartiers de la ville, les mêmes services ont recensé 146 interventions relatives aux bâtisses menaçant ruine où pas moins de 565 familles vivent un danger perpétuel. Les zones à risque se situent en majorité dans les quartiers de la vieille ville, notamment du côté de la basse et haute Souika, mais aussi à la Casbah et Sidi Djeliss. L'on notera par ailleurs plusieurs constructions classées dans la zone rouge au niveau de l'avenue Kitouni Abdelmalek, 20 Août 1955, plus connue par Aouinet El Foul, et la rue des Maquisards, communément appelée Ouled Braham. La situation devient plus inquiétante durant la période des fortes pluies où les habitants passent leurs nuits la peur au ventre, celle d'être ensevelies sous les décombres. Malgré les appels des résidants dont la plupart ont échappé à une mort certaine, et les multiples rapports adressés par la direction de la Protection civile aux services compétents, les choses n'ont guère évolué. L'on apprendra, par ailleurs, que durant la même année, 156 interventions ont eu lieu pour sauver les habitants menacés par les crues des oueds ou victimes d'inondations, ce qui a permis de sauver 258 familles occupant des maisons construites aux abords des oueds. Le bilan de la direction de la Protection civile, communiqué en présence du colonel Mahfoudh Souiki, nouveau responsable de cette organisme, installé il y a une semaine en remplacement du colonel Abdellah Debeche, fait état de 17 037 interventions, toutes catégories confondues, durant l'année 2009, soit avec une augmentation de près de 12 % par rapport à l'exercice écoulé, ce qui prouve que les sapeurs-pompiers sont de plus en plus sollicités, aussi bien par les citoyens que par les établissements publics.

S. A.



Fièvre de l'Aïd à Souika

le 26/11/2009

C'est la fièvre qui s'empare des ruelles dans le vieux quartier de Souika où il n'est question que des préparatifs de l'Aïd El Adha.

 

Si ce genre de phénomène est devenu assez anodin à l'approche des fêtes religieuses, l'on s'étonne tout de même de la présence anormale de vendeurs qui vous proposent un arsenal d' armes blanches dont le commerce doit obéir à un contrôle rigoureux de la part des services concernés. Est-il normal que des couteaux de boucher et des haches soient exposés à la vente dans la rue et au grand jour ?

Certains s'évertuent même à vous proposer des couteaux à crans d'arrêt dont la vente est formellement interdite par la loi. Chose qu'on a pu relever à la rue Mellah Slimane où vous pouvez vous procurer une lame de couteau entre 100 et 150 DA, ou encore une hache entre 500 et 700 DA, ceci sans parler des autres accessoires qui s'achètent comme des petits pains.

Le plus étrange dans toute cette cacophonie commerciale demeure le fait que la fièvre de la vente de ce véritable «arsenal de guerre» s'est propagée même dans les marchés couverts de la ville. L'on ne s'étonne pas ainsi de voir par exemple un vendeur de fruits et légumes au marché Bettou installer une table bien «achalandée» en couteaux et haches à côté des pommes et des bananes.

Et dire que les services de contrôle sont bel et bien présents sur le terrain !

S. A.


 


Des vendeurs informels avertis


le 16/09/2009 | 19:47


En chasse, en cette période cruciale du Ramadhan, contre les vendeurs de l’informel activant notamment dans la vente illicite des viandes rouges et autres denrées alimentaires dont certaines s’avèrent impropres à la consommation et de ce fait nocives à la santé du consommateur, les agents de la répression des fraudes seraient, d’après plusieurs sources concordantes, confrontés à des contrevenants passés maîtres dans l’art de l’esquive. Une astuce qui se pratique particulièrement sur le parcours sinueux des venelles de la rue Mellah Slimane (ex-Souika) où, dès lors que les agents de la DCP et des brigades mixtes sont repérés, l’information est transmise (via le portable) aux intéressés qui prennent alors les mesures adéquates pour échapper au contrôle.

 

A.B.


 

La ville des uns… : Un imaginaire de la ville


le 15/07/2009 | 21:13

S'il ne se résolvait qu'en une question d'urbanisme et d'architecture, pour lancinante et angoissante qu'elle puisse être, le problème de Constantine serait aujourd'hui et demain une affaire d'experts et de techniciens.


En vérité, au-delà de tous les discours de spécialistes qui la décrivent et qui en projettent les possibles configurations, Constantine ne peut survivre que dans l'imaginaire qu'en nourrissent ses populations, aussi nombreuses que diverses. C'est sans doute cet aspect éminemment culturel qui échappe encore aux riches interventions et débats institutionnels de ces derniers mois. Constantine, comme les grandes villes du bassin méditerranéen qui ont forgé le parcours de l'humanité, ne peut être que dans ses franchises et nulle part ailleurs. Ni dans les utopiques gratte-ciel du Bardo, ni dans les hideuses constructions de Ali Mendjeli.

Je voudrais dire en quoi ce retour vers les ancrages culturels fondamentaux de la cité permet de mesurer à la fois les audaces des concepteurs et leurs ambitions –jamais explicitement assertées – de rupture. Plus précisément de rupture d'avec une histoire urbaine de la ville - décevante à force de rendez-vous ratés - qui n'est, depuis bien longtemps, ni consignée ni enseignée à ses nouveaux habitants. Constantine, érodée depuis l'Indépendance, perd sa médina et ses vieilles pierres patinées et leur message, autrefois auréolé de gloire, s'habille de silence.

Le projet présidentiel de modernisation de Constantine sur le site du Bardo, pour audacieux qu'il soit, se condamnerait à n'être qu'un regrettable artefact, adossé à la médina toute proche, marquée de stigmates. Cela fait plusieurs années que l'on évoque dans les bureaux de la haute administration l'urgence d'une réhabilitation de la cité millénaire et des plans ont été proposés – sans suite - par différentes commissions. Et tout engage à penser qu'elle sera, à l'exemple probant de la Souika, livrée par pans entiers aux démolisseurs et aux vautours qui leur font un délirant cortège. Le centre de la conurbation constantinoise future, qui correspondra le mieux aux mirages de l'économie de marché et du libéralisme et à leurs «projets structurants», émergera du néant comme un espace sans attaches, sans mémoire. Suscitera-t-il de nouvelles générations mutantes et post-modernes, voire même «geek»?

Il écrasera certainement les ombres obliques du Vieux Rocher vérolé et saupoudré de fantômes. Et surtout, soulignera à l'envi la fragilité de ses héritages culturels désormais injuriés. La médina constantinoise – cité décadente - n'en finit pas de descendre à l'étiage de toutes les infamies. Jusqu'à quel point les édiles qui prétendent parler pour elle l'ont méritée ? Du fait même de leur inanité, elle court à la ruine, dans son attelage sépulcral. Nue et délabrée, ne se prévalant que d'un bilan de faillite, elle semble donner raison à tous ceux qui commercent au Bardo une douteuse rupture urbanistique.

Les Constantinois ont d'émouvants et vrais désirs d'avenir, pour eux et pour leur ville. Est-ce faire le pari de l'archaïsme, que d'appeler à continuer, loin des lubies futuristes, nos rêves d'une cité humaine, remembrant son passé pour rendre intelligible son présent ? Et qui saura encore parler à nos espérances.

L'auteur est Professeur habilité de littératures francophones et comparées, Université Mentouri Constantine.

Abdellali Merdaci




Réhabilitation du vieux bâti

Les expériences constantinoises en débat


le 05/06/2008 | 20:51


Le chantier de la rue Mellah Slimane est une «erreur dramatique», selon l’expert Marcel Pagand. Les opérations de réhabilitation ne doivent pas être des actes isolés, note l’universitaire Badia Sahraoui.


La troisième et dernière journée du séminaire consacré à «la réhabilitation du vieux bâti» a été l’occasion d’exposer les nombreux projets de réhabilitation, de rénovation, ou de revalorisation, c’est selon, de la Médina de Constantine.

D’emblée, il était apparu qu’il ne fallait pas comparer l’expérience de la Tunisie ou d’autres villes méditerranéennes, à celle de Constantine, car si la première a été entamée il y a plus de 40 ans, pour la ville du Vieux Rocher, l’expérience est encore au stade embryonnaire. La question, récurrente tout au long des interventions, était celle relative aux quartiers ou aux maisons réhabilitées. Serait-ce pour les autochtones, pour les habitants des lieux, ou pour en faire un immense souk immobilier comme c’est le cas dans plusieurs villes marocaines ?

Marcel Pagand, architecte, qui connaît bien Constantine pour y avoir dispensé son savoir, ira jusqu’à remettre en cause l’opération de réhabilitation ( ?) de la rue Mellah Slimane, la qualifiant «d’erreur dramatique», car, selon lui, «mettre en valeur cette voie et ignorer celles qui sont derrière n’apportera rien de bon».
Badia Sahraoui, enseignante à Constantine, quant à elle, axera son intervention sur la participation, nécessaire, de tout le monde, et qu’ «en aucun cas les opérations de réhabilitation ne doivent être des actes isolés comme cela a été le cas pour le théâtre, le palais du bey» et de poursuivre sur « le massacre de la vieille ville par la création de bazars commerciaux… et de l’obligation de recréer les métiers d’artisans qui ont pratiquement disparu de la scène architecturale».

De son côté, Nadir Boumaza, chercheur au CNRS, insistera sur le principe de «faire des études tout en intervenant», car, selon lui, «très souvent entre l’étude et le passage à la concrétisation, des îlots entiers disparaissent».

L’aspect juridique sera aussi mis en exergue puisque souvent il faut faire le choix entre les habitants et les habitations, problème très présent à chaque tentative de réhabilitation à Constantine.

Le fameux Master plan reviendra aussi dans les exposés et les débats, un plan qui a fait couler beaucoup de salive et d’encre, demeurant un sommet dans l’art de la réhabilitation pour les uns, et une immense fumisterie pour les autres, estimant que les Italiens, concepteurs de ce plan «sont passés à côté des spécificités de Constantine».
Bref, des idées toutes aussi intéressantes les unes que les autres, se heurteront. Faut-il faire du nouveau avec de l’ancien, ou réhabiliter, serait-il plus juste ? Faut-il rénover ou réhabiliter ? Faut-il sensibiliser ou imposer ? Autant de concepts contradictoires qui ont enrichi ces journées sur l’ancien bâti qu’il faudrait reconduire, pour le plus grand bonheur des spécialistes mais aussi des puristes.

Hamid Bellagha


La vieille ville, un bazar à ciel ouvert


le 09/09/2007 | 1:11

« Balek, balek…», tonne une voix ample du côté de R’cif, un quartier de la vieille ville où la foultitude est tellement dense que l’on ne parvient à évoluer qu’au centimètre.


« Où veux-tu que j’aille, tu vois bien que l’on ne peut avancer dans ce magma», rétorque une bonne dame en sueur, au bord de la crise de nerfs. En vérité, cela fait presque une semaine que la vieille ville constantinoise vit à ce rythme délirant. La frénésie marchande s’est emparée de la population autochtone relayée par celle des communes, voire des wilayas environnantes telles que Mila, Skikda, Jijel, en ces journées pré-ramadhanesques et pré-rentrée scolaire.

Deux événements qui, cette année-ci, se télescopent au grand dam des citoyens, forcés de fouiller dans leur bas de laine pour puiser de quoi y faire face. A Souika, au cœur du vieux Constantine, par excellence, l’on se bouscule pour s’approvisionner en viande d’agneau dont le prix, curieusement ces jours-ci, subit une dégringolade sans précédent, affichant les 320 DA le kg.

Mais la viande n’est pas à elle seule le motif de ce remous de foule : c’est que, c’est dans ce quartier, plusieurs fois centenaire, que les Constantinoises rénovent leurs garde-vaisselles. Ce sont donc les ustensiles qui y sont prisés et les meilleurs de ces produits sont ceux qui sont confectionnés à base d’argile pour les mets de Ramadhan, chorba, mesfouf… La marmite accompagnée d’un sas (keskes) en terre cuite dans le plus petit gabarit, coûte 500 DA. La forme la plus accomplie coûte 850 DA.

Plus en amont, à R’cif, les achats de vêtements pour enfants et adolescents, made in China, battent leur plein. Les produits étalés offrent plein les yeux aux parents accompagnés de leurs marmailles exubérantes. Côté esthétique, c’est l’atout maître des produits chinois, mais la consistance laisse à désirer. C’est d’ailleurs ce qui explique les tarifs bon marché pour les budgets modestes, déjà largement grevés par les dépenses des vacances, des fêtes ainsi que par la cherté des produits de première nécessité. Les tarifs des baskets des deux sexes varient de 400DA à 900DA. Les Jeans se négocient entre 600 et 950 DA, les pull-overs de 400 à 700DA et les tabliers de 200 à 500DA. Il est sidérant, par ailleurs, de voir une telle offre et une telle demande faire aussi bon ménage.

C’est à faire mourir d’envie l’auteur de : «De la richesse des nations» de Sir Adam Smith qui enseignait que les deux paramètres économiques sont presque inconciliables. A l’extrême limite de R’cif, on pénètre à « maqaâd el hout» où une foule des grands jours de marché se heurte pour l’achat du blé concassé «frik» pour la chorba de Ramadhan. En dépit du fait que l’on considère consensuelle ment que le prix fixé à 200DA est excessif, sauf que cette céréale est un must qui accompagne les trente jours du mois sacré, et pour cela, on paie sans compter.

Ahmed Boudraâ


 


Bien que le site de la vieille ville

ait été classée patrimoine protégé


le 04/07/2007 | 23:27

Outrage du temps, indifférence des pouvoirs publics, seules des décombres persistent à dessiner les contours mal tracés de ce qui reste de la Médina de Constantine.


La cité antique avec sa Souika, sa Casbah, est un réservoir historique de la mémoire collective et de l’identité fondamentale, elle fait face aujourd’hui à une situation de total dépérissement. Pourtant, le conseil de gouvernement a, en date du 18 mai 2005, promulgué un décret portant création et délimitation des secteurs sauvegardés de la Médina, une démarche qui s’inscrivait dans le cadre des actions de préservation et de valorisation du patrimoine national culturel et historique. En juin de la même année, le site de la vieille ville a été classé patrimoine national protégé.

Depuis, bien des initiatives de réhabilitation ont tout bonnement foiré ou ont été remisées dans les placards des centres de décision. Il en a été ainsi de l’étude Master Plan faite par des experts italiens et qui vient d’être finalisée et déposée au ministère de la Culture. D’autres tentatives menées avec l’opiniâtreté de la société civile constantinoise buteront sur l’indifférence des pouvoirs publics, tel le projet pilote de la maison constantinoise, élaboré par la cellule de réhabilitation et de restauration de la vieille ville et qui a, depuis l’année 2004, rassemblé plus de 500 dossiers de propriétaires disposés à réhabiliter leurs demeures.

Aujourd’hui, à la faveur du séminaire international sur la Médina qui se déroule depuis le 2 juillet, un intéressement nouveau est apparu, prenant à cœur de fouiller aux moindres recoins les décombres de la Médina, mais encore de remonter les origines au moyen de toute la rigueur que permet la science. N’est-ce pas alors, autant pour la société civile que pour l’administration, l’occasion tant souhaitée pour expurger le présent en payant la caution du passé et expier le prix des ratages nombreux et les moult dérapages que le cheminement du dossier de réhabilitation a eu à endurer ? «Constantine passé, présent et devenir, la Médina du péril au projet urbain pilote», c’est autour de cet axe thématique central que la restauration de la Médina acquiert le statut d’enjeu culturel, urbanistique et social.

C’est dans ce sens que les participants spécialistes, urbanistes, représentants de la société civile et responsables de l’urbanisme des villes anciennes se sont attachés à évaluer d’abord tout ce qui a été fait pour faire aboutir un plan de sauvetage et de réhabilitation. Pour sa deuxième journée, les ateliers de ce séminaire ont abordé des sujets de fond traitant des rapports entre héritage et patrimoine, le type et la nature de la restauration, la relation de la Médina à la ville, les stratégies et démarches de sauvegarde et de projet urbain… Les expériences des Tunisiens et des Marocains en la matière ont permis des éclairages importants, les communications de Khalid Mikou, architecte marocain, et Faika Bejaoui, architecte et présidente de l’association de sauvegarde de la Médina de Tunis, ont été précieuses et d’un apport certain. Les recommandations tant attendues de ce séminaire international qui sera clôturé aujourd’hui seront condensées dans un canevas de propositions qui sera remis au wali de Constantine. Ce dernier a promis lors de l’ouverture des travaux du séminaire d’en faire sa feuille de route pour entamer au plus vite les travaux de réhabilitation. Il reste à savoir si le projet de sauvegarde sera retenu comme projet pilote pour les autres Médina.

Djamel B.


 

Séminaire d'étude sur la médina


le 27/05/2007 | 20:15

Organisé dans le cadre de la convention de partenariat signée au mois de décembre 2002 entre l'université Mentouri et l'école supérieure d'architecture de Grenoble, un séminaire d'étude se tiendra à la Médersa de Constantine les 28, 29 et 30 mai 2007.


Intitulée "Quelles stratégies pour la médina de Constantine ?" cette rencontre s'inscrit, selon un membre du comité d'organisation, dans le contexte du projet pluriannuel baptisé « la maison constantinoise », lancé en 2005 en partenariat avec la cellule de réhabilitation de la médina de Constantine, la direction de l'urbanisme et de la construction et le laboratoire de l'école supérieure d'architecture de Grenoble.

Il est précisé également que les travaux ont pour finalité l'élaboration de stratégies visant à sauvegarder et à mettre en valeur les centres historiques et les médinas dans les pays du Maghreb. Parallèlement à ces visées et partant d'un projet pilote prenant racine au cœur de la Médina, ce projet affiche l'ambition de développer le volume d'échanges techniques et pédagogiques existant déjà entre les villes de Constantine et Grenoble.

Etalé sur une période de cinq années, ce projet est appuyé par la wilaya de Constantine, le conseil général de l'Isère, la ville de Grenoble et le ministère français des Affaires étrangères. Au menu de ces journées, deux thèmes retiennent l'attention : réhabilitation des centres historiques et urbains dans les pays du Maghreb ; réflexion pour la préparation du plan de gestion de la médina de Constantine.

Par ailleurs, en marge des débats et conférences qui seront donnés par d'éminents spécialistes nationaux, français, tunisiens, marocains et égyptiens, figurent au programme de ce séminaire une exposition intitulée Constantine 2000 ans d'architecture, une autre portant sur les travaux réalisés par la cellule de sauvegarde de la médina et une visite guidée des quartiers de Souika et du palais du bey.

 

A. B.



Immeubles menaçant ruine


le 24/01/2007 | 20:24

Le nombre des familles exposées aux risques d’effondrements ne cesse d’augmenter dans le seul périmètre de la ville de Constantine.


Elles seraient près de 1500 familles, selon les statistiques les plus optimistes. Le tissu urbain le plus exposé est localisé essentiellement au niveau de la partie basse et haute de Souika, mais aussi dans le quartier de Sidi Djeliss, situé dans la partie nord-est de la vieille Médina; les vieux immeubles remontant à l’époque coloniale et implantés dans le quartier de la Casbah, celui de Belouizdad, ou dans les rues Kitouni et des Maquisards, n’échappent pas à la règle.

La fameuse rue Mellah Slimane (ex-Perrégaux) séparant Souika en deux secteurs ainsi que les ruelles secondaires sont les plus affectées. Les restes d’une bâtisse ayant cédé depuis deux années au lieudit Sabat El Bouchaïbi témoignent toujours du fait que le danger plane aussi bien sur les riverains que sur les passants.

Même cas de figure pour la maison sise au passage Benbadis dans la rue Abdellah Bey, plus connue par Essayeda. Il n’est pas nécessaire d’être un expert en la matière pour constater de visu le degré de dégradation d’une maison qui, dans sa chute, risque d’entraîner tout l’entourage.

A Sidi Djeliss, l’état des lieux ne diffère pas, sauf que le site, presque oublié, se dégrade au fil des jours, offrant aux regards des montagnes de détritus. L’effondrement depuis quelques jours du mur d’une vieille bâtisse, avec toute la panique qu’il a engendrée, vient rappeler encore une fois à la municipalité de Constantine un danger dormant comme une bombe à retardement.

Il y en a tellement( de bombes à retardement) dans la ville que les services de la Protection civile ont remis aux autorités autant de rapports et de procès-verbaux de constatation , qui restent jusque-là sans suite.

S. A.



Nostalgie à Souika !...


le 15/10/2006 | 21:52

Les anciens et tous ceux qui ont vécu l'âge d'or de Souika, le plus mythique des quartiers érigés au cœur de la vieille ville, sur l'un des versants les plus escarpés du Vieux-Rocher, disent aujourd'hui qu'il a perdu son âme et toute la magie qu'il dégageait d'antan, notamment durant le mois sacré du Ramadhan où l'on y vivait au rythme envoûtant des us et coutumes indissociables de ce mois de jeûne.


Baptisé après l'indépendance rue Mellah Slimane, ce morceau de la Ville des Ponts porte aujourd'hui tous les stigmates liés à la décrépitude de son habitat livré à l'usure et à l'action corrosive du temps et à la dégradation des hommes. Ce quartier chargé d'histoire, partie intégrante du patrimoine bâti de la ville et de surcroît classé patrimoine national, est défiguré par des travaux de rénovation du réseau d'assainissement qui n'en finissent pas, perdant au passage quelques-uns de ses repères parmi les plus marquants. Entre autres, ses pavés séculaires.

Ex-bastion de l'artisanat local riche d'un savoir-faire remontant à l'époque arabo-berbère et ottomane et transmis de génération en génération aux mains expertes de tanneurs, teinturiers, passementiers, selliers, fabricants de tamis et autres, le quartier de Souika n'est plus aujourd'hui que l'ombre de lui-même. Les bâtisses menacent ruine, mais la plupart sont vidées de leurs habitants et de toute leur substance.

Donc, les centaines d'échoppes et d'étals qui abondent dans les venelles très accidentées de ce tissu urbain fortement chargé d'histoire ont changé d'enseigne. Autre temps, autres mœurs. Le quartier se distingue aujourd'hui par une succession interminable de minuscules boucheries, près d'une quarantaine. Certaines ne présentent pas plus de 3 à 4 m2. Disséminés çà et là, quelques torréfacteurs, vendeurs d'épices et quincailliers font tache d'huile dans un décor entièrement dédié aux produits de boucherie.

La boucle est bouclée avec ces nombreux vendeurs à la sauvette proposant sur des étals crasseux des abats et des quartiers de viande rouge à la qualité plus que douteuse, provenant de l'abattage clandestin. Faisant l'affaire des petites bourses, ces étals fleurissent à chaque coin en période du mois de Ramadhan. En dépit des gros risques sanitaires générés par ce business informel, ces étals du pauvre comme on les appelle sont pris d'assaut dès les premières heures de la matinée et ne désemplissent pas de la journée.

Des étalages crasseux


Le soir, changement total de décor. Les ruelles sont désertes et chichement éclairées. Pour certaines, c'est le black-out total. Glissades assurées au milieu des innombrables cratères et nids-de-poule qui parsèment le chemin. De Koucht Ziet à Sabat Bouchiba et à la rue des tanneurs, en passant par les venelles escarpées de Seïda et Zanket Amamra, le quartier de Souika est envahi par des colonies de rats qui ripaillent au milieu de tonnes d'immondices et d'ordures amoncelées tout au long du parcours.

A mains nues, sans aucune protection contre les objets contondants et les déchets infectieux, plusieurs agents de la voirie s'échinent à nettoyer le secteur et à transporter par la force des bras les ordures sur plusieurs centaines de mètres, jusqu'à une benne où ils déversent leurs cargaisons avant de retourner à leur labeur et remettre ça jusqu'à une heure avancée de la nuit.

Des travaux de forçat réservés habituellement à des mulets. «Il faut croire qu'on coûte moins cher à la commune», nous dit avec une pointe d'humour, Hocine, 45 ans, un agent qui traîne comme un boulet 13 années de service. L'usure et la lassitude se lisent sur son visage. «C'est mon gagne-pain et j'ai une famille nombreuse à nourrir», ajoute-il en guise de conclusion.

Préposé en bout de chaîne, en raison de son âge (57 ans) et de ses 30 années de service, Messaoud Bahi nous prend également à témoin. Aucun des agents de son équipe n'est pourvu ni de gants ni d'aucun autre équipement censés les protéger conformément à la réglementation en vigueur. Mais qui se soucie de ces hommes de peine qui prennent à peine le temps de rompre le jeûne avant de rejoindre leur lieu d'affectation.

D'après les chiffres affichés par un bureau d'études du Vieux-Rocher, le quartier de Souika et ses îlots avoisinants génèrent à eux seuls 15% des cartons, papiers et autres détritus produits au niveau de la commune de Constantine. No comment !

Un tableau hallucinant, bien loin de l'image d'Epinal toujours ancrée dans la mémoire des citadins, anciens habitants et riverains de Souika. Face aux images moroses d'aujourd'hui, ils aiment à évoquer avec une grande nostalgie Souika d'antan.

Le jour, une vitrine extravertie ouverte sur des venelles colorées et une ambiance bon enfant et le soir introvertie et quelque peu refermée sur elle-même comme un cocon. Les maisons sont adossées les une aux autres dans un agencement où le patio représente pour les femmes l'espace de regroupement privilégié. Loin du regard des hommes de la maison, occupés de leur côté à faire dans le café maure du coin une partie de double blanc ou à méditer dans la zaouïa voisine (Zaouiet Abdelmoumen, en l'occurrence) en attendant l'heure du s'hour.

Qualifié de Souk Enssa par la gent masculine en raison des papotages et des potins colportés de bouche à oreille, le patio était à plus d'un titre l'endroit le plus convivial dans ces bâtisses pourvues de minuscules chambres aux murs aveugles ou agrémentés, dans le meilleur des cas, de minuscules jalousies qui laissent difficilement passer le soleil. C'est dire toute l'importance accordée par nos mères, tantes et grands-mères à ces moments conviviaux passés à l'air libre, sur le patio.

Les belles Guaâda d'antan !...


Après la rupture du f'tour et une fois achevé le cérémonial du départ des chefs de famille et jusqu'au dernier mâle en âge de raison, elles s'y regroupaient autour d'une table basse regorgeant de friandises au miel. Le rituel était toujours le même. Assises sur des peaux de moutons ou des nattes en raphia, elles dégustaient du café très fort ou un thé à la menthe, en papotant ou en racontant des contes et légendes du terroir. Certaines à l'eau de rose, d'autres plutôt terrifiantes pour leur progéniture agglutinée à leurs pieds et dont les nuits seront longtemps hantées par les personnages sanguinaires évoqués par les narratrices.

Des moments privilégiés regorgeant également d'histoires de cœur et de rencontres furtives le plus souvent platoniques, ayant pour cadre les chicanes et les terrasses des maisons. Tout un monde, ces patios et «skifas». Ils ont inspiré tant d'histoires et de chroniques. Dans les décors spartiates mais néanmoins bucoliques de ces modestes bâtisses, pendaient aux murettes des terrasses des guirlandes de piments et de poivrons rouges. Dans les coins les plus sombres des chambres, les femmes veillaient jalousement à leurs provisions d'hiver (laâoula), essentiellement de la viande salée et séchée emballée dans des sacs de jute (guedid) ou encore, pour les moins démunis, des quartiers de viande précuite macérées dans une jarre au milieu d'une mixture composée d'huile d'olive et de graisse végétale.

Tout un monde, ces patios et ces «skifas» comme on les appelait. Ils ont inspiré tant d'histoires et de chroniques et ont longtemps nourri notre imaginaire. Nostalgie, quand tu nous tiens.

Ahmed Boussaid


 


Réhabilitation de la rue Mellah Slimane


le 30/09/2006 | 20:58

La pierre ordinaire a remplacé le pavé, poli et bien taillé, à la rue Saïd Bentchicou, prolongement de la rue Mellah Slimane (ex-Perrégaux).


Le lieu, qui demeure la principale artère de Souika, a été choisi pour lancer l'opération de réhabilitation de la vieille médina, classée patrimoine national en juin 2005. Des travaux entamés après une longue polémique et deux campagnes de démolition menées par les autorités contre des vestiges vivants de l'histoire de la ville.

Divisé en trois lots, le projet lancé en mai dernier pour un délai de quatre mois prévoit de revoir de fond en comble le réseau d'assainissement, vétuste et complètement dégradé. Selon le directeur de l'urbanisme, l'opération a nécessité la mobilisation d'une enveloppe de cinq millions de dinars, dont deux réservés à la reprise des conduites des eaux usées et des avaloirs et trois iront à la réfection des routes et à la réhabilitation des façades des maisons.

Confiés à trois entreprises privées, les travaux piétinent toujours. Les commerçants et riverains ne semblent pas apprécier les travaux sur la partie située à quelques mètres de la rue Chekarli Medjdoub. «On n'a pas pris le soin de prévoir un dégagement des eaux pluviales qui se déversent directement sur les trottoirs et pénètrent dans les magasins», nous dira un épicier.

Au rythme où vont les choses, les délais seront largement dépassés, surtout que la cadence à proximité de la rue Abdellah Bey et dans la rue Sellahi Tahar est trop lente, gênée en sus par le mouvement de la foule dans une rue commerçante. Chose qui a poussé les commerçants à demander au wali de Constantine la suspension des travaux durant le mois de Ramadhan pour leur permettre d'activer dans des conditions favorables.

De leur côté, les habitants des vieilles maisons, abandonnées durant des décennies, devront attendre encore avant d'assister à la réhabilitation de leurs demeures à moins qu'on se contente de replâtrer les murs.

S. Arslan


Vieilles bâtisses


le 05/02/2006 | 0:00

Le nombre des familles habitant des bâtisses menaçant ruine ne cesse d'augmenter dans le seul périmètre de la ville de Constantine. Des familles continuent de vivre un quotidien hanté par le spectre des effondrements, surtout durant la saison hivernale.


C'est le cas des quartiers de la vieille ville où les habitants sont toujours dans l'attente d'un relogement salvateur. Les chiffres de service de la Protection civile, ayant effectué au cours de l'année écoulée 269 interventions en sus des opérations de reconnaissance, ont recensé 1524 familles habitant des bâtisses menaçant ruine. Le tissu urbain menacé est localisé essentiellement au niveau des parties basse et haute de Souika et dans le quartier de Sidi Djeliss situé dans la partie nord-est de la vieille médina, alors que des maisons implantées dans le quartier de La Casbah n'échappent pas à la règle.

La fameuse rue Mellah Slimane (ex-Perrégaux) séparant Souika en deux secteurs ainsi que les ruelles secondaires semblent être la partie la plus affectée. Dans la rue Benzegouta (ex-Morland) ainsi que la rue Daâra Kaddour (ex-Kleber), les maisons et les locaux commerciaux démolis en février 2005 côtoient toujours des maisons délabrées, alors que des boutiques de fortune construites en parpaings ont poussé au milieu des débris. A l'intérieur des pièces sombres et trop exiguës où les odeurs de l'humidité vous frappent aux narines, on s'adapte comme on peut avec les infiltrations des eaux pluviales. Les locataires n'ont que le plastique pour colmater un plafond qui s'effrite. «Nous avons cultivé longtemps l'espoir d'être un jour relogés. Nous attendons toujours, alors que des gens étrangers au quartier ont bénéficié de logement», nous dira une vieille dame qui vit encore avec ses deux fils mariés, non loin de la mosquée de Sidi Afane.

Non loin de là et juste à l'endroit dit Sabat El Bouchaïbi, une bâtisse ayant perdu une bonne partie de sa façade menace de céder à tout moment, mettant ainsi en péril la vie des passants et des riverains. Un autre cas de danger extrême et face auquel les autorités de la ville manifestent encore une indifférence incompréhensible est celui de la bâtisse dite Dar Bendali située dans la rue Abdallah Bey, dans le quartier d'Essayeda, à quelques pas de la mosquée de Sidi Moghrof. Il n'est pas nécessaire d'être un expert en la matière pour constater de visu l'état menaçant de la bâtisse dont l'inclinaison des murs et les fissures béantes sont effrayantes, alors que le pavé se décolle lentement du sol sous l'effet des eaux souterraines.

A Sidi Djeliss, l'état des lieux ne diffère pas, sauf que le site, presque oublié, se dégrade de plus en plus offrant aux regards des plaines de détritus séparant ce qui reste encore des maisons habitables. Le phénomène des bâtisses menaçant ruine n'est pas l'unique spécificité de la vieille ville, puisque d'autres secteurs dans les quartiers de La Casbah, Kitouni Abdelmalek, les Maquisards et Ben Chergui vivent une pareille situation face à laquelle les autorités locales se sont avérées impuissantes et se contentent de gérer les choses, selon les urgences et les priorités, et au gré des quotas des logements proposés et qui seront partagés aussi avec les familles recasées dans le cadre de l'évacuation des sites menacés par les glissements de terrain ainsi que du fameux projet de «débidonvillisation» de la ville de Constantine.

Pour les centaines de familles habitant toujours des bâtisses menaçant ruine, il faudra encore plusieurs années avant de pouvoir sortir enfin de la précarité.

S. Arslan


«Constantine, 2000 ans d'architecture»


le 21/01/2006 | 0:00

Challenge réussi pour les départements d'architecture de Constantine et de Grenoble. Le hall du palais de la culture Malek Haddad était, en ce début de week-end, plein, à l'occasion de l'inauguration d'une exposition ouverte sur le thème de «Constantine, deux mille ans d'architecture» et placée, pour la circonstance, sous le parrainage du Centre culturel français (CCF).


Devant un parterre dépareillé, le premier adjoint au maire de Grenoble a pris la parole pour se féliciter de cette action d'envergure sertie sur la passerelle d'amitié et de coopération érigée entre les villes de Constantine et de Grenoble et scellée par le label El Djazaïr 2003, «Une année de l'Algérie en France». La convention de partenariat signée une année plus tôt entre l'université de Mentouri et l'école d'architecture de Grenoble a été, en fait, le starter de ce grand dessein commenté également par Mahmoud Bendakir, le chef du projet côté algérien. Ce dernier a défini cette action comme «le fruit d'une collaboration qui a permis de dresser un répertoire, le plus exhaustif possible, de la richesse et de la diversité d'un patrimoine architectural révélé depuis l'époque numido-punique jusqu'à celle de l'époque contemporaine en passant par l'héritage laissé par les civilisations romaines, arabo-musulmanes et ottomanes».

Ouvert jusqu'au 18 février prochain, cet espace d'exposition aménagé dans le hall du palais de la culture Malek Haddad offrira, tous les jours et durant les quatre semaines à venir à l'attention des visiteurs, un montage photographique et graphique illustrant, sous divers éclairages, la transition entre l'histoire architecturale constantinoise d'hier et celle d'aujourd'hui.

Que l'on soit initié ou profane, la scénographie mise en place a suscité d'emblée un grand intérêt, et à cet égard, il était difficile d'échapper à la magie ambiante. En marge de cette exposition, des projections de films sont également proposées au public, qui a, dans la foulée, pris acte de l'intention affichée par les uns et les autres de mettre prochainement en chantier un projet pilote baptisé «La maison constantinoise» et visant à la restauration d'une demeure ancestrale de la vieille ville (Souika).

L'amorce de ce projet serait dans sa phase de maturation, et à partir de là, estiment les initiateurs du projet, le lancement effectif des travaux de rénovation et de restauration ne devrait pas excéder la fin de l'année en cours.

Ahmed Ben


De la démolition à la réhabilitation


le 25/12/2005 | 0:00



Les Constantinois ne comprennent toujours pas quel sort s'est acharné sur leur vieille ville en cette année 2005. En l'espace de 9 mois, le site a connu les affres de la démolition avant d'être classé patrimoine national pour bénéficier réellement d'un plan de réhabilitation qui continue de susciter moult tergiversations.


Dans la matinée du 20 février dernier et sans aucun préavis, une opération de démolition des bâtisses de Souika a été entamée sur décision de l'ex-wali de Constantine, Tahar Sakrane. Les démolitions ont touché en une semaine 38 bâtisses classées menaçant ruine par les autorités qui affirment qu'elles ont été squattées par des indus occupants, alors que l'association des propriétaires des maisons, des associations de sauvegarde du patrimoine de Cirta et autres spécialistes de l'urbanisme n'ont pas hésité à qualifier cet acte d'irréfléchi et de précipité, surtout que les concernés et les connaisseurs de la valeur architecturale et culturelle de la vieille ville n'ont à aucun moment été consultés sur la question.

Suite à une vive polémique, qui a secoué les milieux constantinois, l'ex-wali de Constantine, Tahar Sakrane, avait déclaré dans un entretien accordé à un quotidien arabophone qu'il avait pris la décision de démolition sur la base de documents prouvant que les maisons ciblées étaient un danger réel pour le voisinage portant l'entière responsabilité sur les propriétaires qui n'ont pas respecté leurs engagements.

Pour les connaisseurs de la vieille ville, des maisons d'une valeur historique ont été ciblées dans les rues Benzegoutta (ex-Morland), des Cousins Kerouaz (Zanqet Lamamra) et Abdallah Bey (Essaïda). Les prétextes avancés par les autorités ne semblaient guère convaincre les associations qui œuvrent pour la protection du patrimoine de la vieille ville. Selon leurs affirmations, les autorités auraient pu murer les accès aux habitations et interdire aux propriétaires de les louer au lieu de recourir à la destruction systématique. Une action qui porte, selon les spécialistes, un sérieux préjudice au tissu architectural de la vieille ville.

Saisi au temps opportun, le ministère de la Culture agira pour l'arrêt des démolitions en attendant les résultats de l'enquête diligentée par une commission ministérielle. Il faudra attendre, néanmoins, la parution du décret exécutif n°05-208 du 4 juin 2005 ou la vieille médina bénéficiera des dispositions de la loi 98-02 relative à la protection du patrimoine par sa déclaration de secteur sauvegardé. Une mesure salutaire longtemps attendue par les associations et les amis de l'antique Cirta. La déclaration de sauvegarde permettra ainsi la conservation et la protection du site, mais aussi une réhabilitation des immeubles inclus dans le secteur sauvegardé. Cette démarche sera bien confirmée par le nouveau wali de Constantine, Abdelmalek Boudiaf qui, deux mois après son installation, s'engagera, lors d'une conférence de presse, à mener à bien l'opération pour «réhabiliter tout ce qui est réhabilitable et rendre à la vieille ville de Constantine son prestige».

La relance récente du fameux «masterplan» ou plan directeur de rénovation préparé par les experts italiens de l'université Roma III, en présence des ministres de l'Habitat et de l'Urbanisme, celui de la Ville, le secrétaire général du ministère de la Culture et Son Excellence l'ambassadeur d'Italie, semble avoir ouvert un autre débat entre les partisans de la conservation intacte de l'héritage historique et ceux qui prônent une certaine modernisation des aspects architecturaux. Un débat qui risque de faire traîner encore les choses pour ressusciter une médina qui agonise.

S. Arslan


Réhabilitation de Souika


le 14/12/2005 | 0:00

La réhabilitation du patrimoine architectural et culturel de Constantine, notamment à travers le Master plan italien, subit la critique de l'association de défense du Vieux-Rocher et celle regroupant les propriétaires.


S'il faut saluer les initiatives ciblant la restauration et la réhabilitation des sites historiques, l'association conduite par Ahmed Benyahia, tente de calmer les ardeurs et apporte un bémol à l'élan pris par l'administration et les élus dans la conduite des nombreux projets.

Dans une conférence de presse organisée lundi dernier, M. Benyahia a déclaré que son association n'a pas été invitée à l'exposé du Master plan qui a eu lieu la semaine dernière en présence de deux ministres et de l'ambassadeur italien. Par contre, d'autres représentants de la société civile étaient présents, ce qui confirme, selon lui, la mise à l'écart de son association d'autant que toutes les demandes d'audience sont restées lettre morte, exception faite d'une rencontre avec le nouveau wali.

Le même sort, c'est-à-dire le silence, est réservé à toutes les propositions faites aux élus pour permettre le déplacement des ambassadeurs de l'Union européenne, de l'Espagne, de l'Allemagne, du Japon, de la France, du Maroc et de la Tunisie et la possibilité d'aide financière et technique avancée par tous ses partenaires potentiels en plus de l'ONU et de la Banque mondiale.

Cette association dérange-t-elle ? On est tenté de le croire en l'absence d'un débat transparent et devant la persistance de politiques réfractaires à l'idée même de préserver ce patrimoine. L'un des chantres de cette curieuse Ksentina n'a-t-il pas défendu récemment la démolition de 34 vieilles maisons de Souika ? Concernant l'étude présentée par les Italiens, Mme Benabbès, urbaniste et membre de l'association a précisé qu'il ne faut pas surévaluer le Master plan d'autant que l'université Roma III n'est pas spécialisée dans la restauration. Selon elle, «cette étude n'apporte rien de plus que le travail réalisé en 1984 par L'Urbaco, si ce n'est une informatisation des données».«Ce qui manque aux Algériens, poursuit-elle, se situe au niveau de la technicité. Mais les Italiens ont refusé des universitaires des propositions qui allaient dans ce sens avant que le Master plan ne deviennent un secret d'alcôve protégé par la complicité de la DUC et la cellule de réhabilitation.»

Par ailleurs, les conférenciers ont posé le problème des prérogatives qui se posent entre les deux départements ministérielles, à savoir celui de l'habitat qui a commandé le Master plan et engagé le projet et celui de la culture qui se trouve en retrait, alors que la loi le tient responsable de tout projet qui touche au patrimoine classé et la vieille ville de Constantine est, en effet, classée depuis juin 2005.

Les réserves formulées par l'association tiennent au fait que les travaux engagés sur la base du Master plan doivent obligatoirement se faire dans le cadre du plan de sauvegarde rejoignant ainsi les remarques faites par les représentants du ministère de la Culture lors de l'exposé.

Dans la foulée, les conférenciers ont déclaré leur opposition à la démolition de la prison du Coudiat tout en soulignant l'importance du projet du tramway. Idem pour les projets de construction des hôtels Accor, prévue sur le site protégé du Vieux-Rocher et qui doit obéir à des préalables exprimés par la loi.

Nouri Nesrouche


Constantine


le 07/12/2005 | 0:00

Les experts italiens de l'université Roma-III sont venus hier exposer le rapport de l'étude intitulée Master Plan et destinée à la réhabilitation de la vieille ville de Constantine.


Près de trois années après son lancement, l'étude commandée par le ministère de l'Habitat et suivie de près par l'université de Constantine a abouti à un ouvrage bien fourni et conçu comme un instrument méthodologique, à mettre entre les mains des artisans de la réhabilitation.

Le ministre de l'Habitat, celui délégué à la Ville ainsi que le représentant du ministère de la Culture n'ont pas caché leur admiration face à cet ouvrage, lors de la cérémonie organisée au siège de la wilaya, en présence de l'ambassadeur d'Italie, des autorités locales ainsi que des architectes des deux universités. Le Master Plan est un dispositif visant à requalifier le vieux bâti en mesure de se consolider et se renouveler dans le temps et l'espace. Cette réhabilitation est censée aussi revitaliser le tissu économique et social de la médina, dans le respect des spécificités locales. Le système conçu par les Italiens est un travail pluridisciplinaire qui fonctionne autour d'un data base informatisé et facilement malléable.

Les plans reliefs et autres vieux documents puisés dans les musées français ont été d'une grande utilité à côté des photos satellites. Mais, loin de rester au niveau du recensement, le travail propose une restructuration des espaces dégagés et une série de projets structurants destinés à promouvoir les fonctions touristiques et artisanales. Cet aspect là n'a pas manqué de susciter la réaction des cadres du ministère de la Culture, qui ont rappelé que la vieille ville Souika est classée patrimoine nationale et tout projet, donc, doit être contenu dans le cadre du plan permanent de sauvegarde.

Ces interventions ont soulevé la polémique entre partisans de la modernisation et ceux de la sauvegarde. Une polémique tout de suite contenue grâce à l'intervention du wali qui a engagé les représentants de la culture à formuler au plus vite leurs propositions, à même d'adapter le Master Plan et éviter ainsi les lenteurs qui risquent de casser l'élan gouvernemental et local.

D'autres préoccupations, et pas des moindres, ont été formulées hier, notamment au sujet du statut immobilier et des problèmes de propriété auxquels risque de se heurter le chantier de réhabilitation, sachant que la quasi-majorité des bâtiments relève de la propriété privée. Le commerce de bazar qui gangrène Souika est pour beaucoup, aussi, dans sa clochardisation et toute projection, estiment les universitaires, devrait prendre en considération cette dimension et la possibilité de la réorientation de l'activité intra-muros.

Le débat enclenché hier devrait introduire une phase de concertation entre les différents intervenants afin de parachever l'étude et préparer le terrain de sa mise en œuvre. Cette prolongation ne devrait cependant pas s'éterniser, selon les Italiens, qui rappellent que durant les 24 mois de l'étude, Souika a perdu 34 bâtiments. L'empressement de M. Hamimid, ministre de l'Habitat, et de M. Boudiaf, wali de Constantine, reflète la volonté du gouvernement d'aller vite dans cette entreprise.

Ça sera pour le grand bonheur des Constantinois de voir ce projet concrétisé, et revoir cette facette de leur identité renaître de ses cendres. Mais, l'histoire nous a enseignés dans les murs de la ville que la réalité est souvent très têtue.

Nouri Nesrouche


Réhabilitation de la vieille médina

Escale à Mellah Slimane

le 14/11/2005 | 0:00

Cinq mois après la publication dans le Journal officiel n°39 du 5 juin 2005, du décret exécutif n°05-208 du 4 juin 2005 portant création et délimitation du secteur sauvegardé de la vieille ville de Constantine, et après la dernière visite de la ministre de la Culture, effectuée en octobre dernier, les autorités de la wilaya viennent de relancer l'opération de réhabilitation tant attendue de la vieille médina.


 

Après des années de tergiversation et de remous et deux campagnes féroces et aveugles de démolition, dont la dernière, menée en février 2005, avait fait des dégâts considérables lorsque les autorités locales avaient décidé de s'attaquer sans aucun préavis à des bâtisses d'une inestimable valeur architecturale et historique, sans être menacées d'effondrement, selon les aveux de ses propriétaires. Le wali de Constantine, qui semble suivre de près le dossier de la vieille ville, avait déjà annoncé la reprise des travaux juste après l'Aïd avec la prise en considération des bâtisses «réhabilitables».

Dans une première étape, les services de la commune de Constantine comptent d'abord débarrasser les quartiers squattés par des constructions de fortune. En attendant l'examen, à la fin du mois de novembre, des recommandations du fameux Master, plan proposé par des spécialistes de l'université Roma III, dans le cadre d'une convention signée entre les gouvernements algérien et italien, et qui semble être remis au goût du jour après avoir été relégué aux oubliettes depuis quelques années, pour être enfin réaménagé, les premiers travaux de réhabilitation seront confiés en premier lieu à des universitaires algériens qui ont fait preuve d'un savoir-faire et d'une compétence inestimables en la matière.

Des études sérieuses


Rappelons dans ce cas les études sérieuses menées par les membres de la cellule de réhabilitation de la vieille ville depuis plus d'une année au niveau du quartier d'El Batha et qui ont pris finalement la direction des tiroirs de la direction de l'urbanisme. Cette expérience aura révélé que la réhabilitation des différents quartiers de la vieille ville, situés dans la haute Souika, La Casbah, Larbi Ben M'hidi , Rahbet Essouf, R'cif, Sidi Djeliss et autres lieux, demeure toujours possible, pourvu que les autorités mettent à la disposition des compétences humaines les moyens financiers nécessaires.

Abordant la question lors de sa visite à l'institut Ben Badis et à la mosquée Djamaâ Lekbir, ayant fait l'objet de travaux de restauration, le wali de Constantine insistera sur le lancement des travaux de réhabilitation de la vieille ville dans les meilleurs délais. On apprend que l'opération ciblera dans une première étape la rue Mellah Slimane (ex-Perrégaux), séparant les parties basse et haute de Souika et s'étendant de l'entrée du pont de Sidi Rached jusqu'à la rue Saïd Bentchicou, dans le quartier du Chatt, aux abords de l'avenue Larbi Ben M'hidi. Cette artère, connue pour sa vocation marchande et qui aura tout de même préservé quelque peu de ses spécificités, a de tout temps attiré les curiosités des touristes étrangers et nationaux en dépit des dégradations subies durant ces dernières années et renferme toujours des vestiges qui méritent d'être entretenus.

Se voulant surtout rassurant quant à l'avenir de la vieille ville de Constantine, le premier responsable de l'exécutif ne manquera pas de rappeler que la restauration, qui avancera maison par maison et local par local, devra se faire manuellement avec le recours aux compétences des artisans spécialisés pour préserver l'architecture des bâtisses. «Nous ne devrons rien laisser au hasard, car nous aurons à préserver ce qui reste du prestige de la ville pour les futures générations sans aucune fioriture», conclut-il.

S. Arslan

Constantine


le 31/08/2005 | 0:00

A peine une semaine après son installation officielle, Boudiaf Abdelmalek, nouveau wali de Constantine, est parti, samedi, à l'épreuve du terrain en choisissant de découvrir en premier les ruelles de Souika.


Décontracté et souriant inlassablement, le wali a effectué un petit voyage initiatique en traversant le boulevard Mellah Slimane, allant à la rencontre des citoyens qui ont réagi différemment à cette sortie inopinée et saisi l'occasion, pour certains, pour faire part de leurs doléances, qui en demandant réparation pour avoir subi les scandaleuses démolitions et qui en demandant à être relogé pour éviter les risques d'effondrement de leurs vieilles bâtisses. Vaines interpellations devant le nouveau locataire du cabinet qui répondait par des «Je suis venu pour travailler, alors aidez-moi et soyez patients». Il faut dire qu'il était «bien encadré» aussi bien par des membres de l'exécutif au fait du dossier de Souika que par ces mêmes imposteurs qui parlent au nom des Constantinois et répondent au nom fatidique et haïssable de «la société civile».

Une représentation exclusive du RND local guidait le visiteur, donnant à peine l'occasion au représentant des habitants de Souika de s'adresser à leur wali. A mi-chemin, M. Boudiaf a saisi le maire de Constantine pour entamer des travaux de réfection du boulevard principal dans un délai n'excédant pas un mois «et engager, s'il le faut, des artisans d'autres régions». Il insiste là-dessus, quitte à puiser dans des réserves insuffisantes et promet de ramener le financement nécessaire pour réaliser la réhabilitation de la vieille ville, «car, lancera-t-il, je veux laisser mon empreinte à Constantine». Profession de foi réjouissante, mais un peu précipitée face au terrain glissant que représente le dossier de Souika. On laissera, toutefois, son délai de grâce à notre nouveau wali pour ne pas qualifier sa visite de populiste malgré qu'il a montré son ignorance du dossier et fait preuve d'aventurisme en distribuant les promesses et en appelant à engager les travaux de réfection.

Le retard accusé jusque-là est dû à l'absence d'enveloppe conséquente pour réaliser un projet aussi grand, mais aussi à la réticence des propriétaires dont 200 seulement ont déposé des dossiers pour s'inscrire dans le chantier. M. Boudiaf a demandé, néanmoins, que le ravalement des façades soit engagé puisque celles-ci appartiennent à l'Etat. Mais à une observation du directeur de l'urbanisme qui retient une idée du master plan pour créer de placettes, un chemin touristique et de petits hôtels sur les ruines de la partie basse de Souika, le wali a répondu que cela n'est pas urgent et qu'il s'agit d'abord de donner de nouvelles apparences au site. C'est au risque de se retrouver au point zéro, comme si le master plan réalisé par les Italiens de l'université Roma III n'a jamais existé.

Nous savons qu'il y a des résistances à cette étude, demandée pourtant par le président de la République, et à son application, mais là, elle risque sérieusement d'être enterrée dans un tiroir. Les Italiens ont déjà signalé, d'ailleurs, la frilosité de la partie algérienne qui hésite à réceptionner le rapport final. Cela serait un véritable gâchis si un tel travail est abandonné pour être remplacé par des initiatives hasardeuses de bas étage. On a beau essayé de tourner la page et se défaire de la responsabilité des précédents massacres qu'a subis Souika, mais l'histoire est implacable et même une réconciliation tous azimuts ne peut effacer des mémoires les actes commis contre la vieille ville de Constantine.


Nouri Nesrouche

 


Réhabilitation de la Vieille ville

Après les destructions, les projets

le 15/05/2005 | 0:00


Les Français et les Italiens se partageront la restauration de Souika, alors que l'Unesco vient de choisir Constantine parmi les cinq villes historiques sélectionnées du monde entier pour prendre en charge sa réhabilitation.


L'annonce faite par M. Koutchoukali, directeur de l'urbanisme et de la construction, parle de l'extension du Master plan conduit par les experts de l'université italienne Roma III. L'étude qui s'achève dans un mois ne se limitera pas finalement à un simple guide de restauration à mettre comme prévu entre les mains des autorités locales. Il est question désormais de s'occuper des chantiers de toute la partie basse de Souika. La décision des Italiens est à considérer sous la lumière de l'initiative récente prise par l'Agence française de développement. Cette dernière s'est engagée, en effet, à financer la restauration de la partie haute du site. En même temps, un groupe composé d'étudiants et d'architectes est actuellement en stage en Italie pour former dans l'avenir les services qui seront en charge de la restauration à Constantine.

En outre, et afin de renforcer l'engagement de l'Etat à sauver ce qui reste à sauver de ce monument historique, la création d'un office consacré exclusivement au site est imminente, affirme le DUC dans son intervention lors de la rencontre organisée autour de Souika.

Cette rencontre initiée par des associations, qui se qualifient de «société civile», intervient suite à la tempête soulevée après la démolition d'une quarantaine de maisons sur ordre de la wilaya. Le chef de cabinet du ministère délégué chargé de la Ville a inauguré les débats en faisant la lecture de la lettre de son ministre et en réaffirmant toutes les bonnes intentions de son département pour mettre de l'ordre, notamment à travers la nouvelle loi sur la ville. Plus attendu, Tahar Sekrane, wali de Constantine, a pris ensuite la parole pour se défendre d'avoir voulu sciemment démolir Souika, tout en rappelant les efforts déployés ces dernières années par son administration et les acquis enregistrés en matière de réhabilitation du patrimoine. Il ira jusqu'à accuser des parties d'en faire un fonds de commerce et blâmer une partie de la presse pour ses écrits «non objectifs». Et de préciser : «Je suis responsable des vies avant les propriétés.»

L'ennui avec ce type d'initiatives, c'est quand les organisateurs, relais notoires de l'administration locale, se couvrent de ridicule par excès de zèle. Par leur faute, les Constantinois ont raté encore une fois l'occasion d'ouvrir un débat sérieux et serein sur les questions qui les intéressent.

L'intervention du représentant de l'association des propriétaires a été sage et conciliante, mais fallait-il l'être au moment où d'autres ont pris la parole pour défendre le wali (il n'en avait pas besoin) et jeter l'opprobre sur ceux qui pensent autrement. Malheureusement, seul un représentant d'une zaouïa établie à Souika est intervenu pour mettre un bémol à l'unanimisme qui se dégageait et confirmer qu'il y a eu démolition arbitraire.

Les organisateurs ont «omis» bien entendu d'inviter pas mal d'acteurs qui se comptent parmi les contradicteurs de la démarche officielle ou tout simplement qui pourraient intervenir en tant que spécialistes universitaires. De ce point de vue, la rencontre de jeudi, déroulée à huis clos, n'était qu'un non-événement qui ne s'inscrira nulle part.

Nouri Nesrouche


Démolition de Souika (Constantine)


le 21/03/2005 | 0:00

Comme à son habitude, le Club de réflexion et d'initiative, CRI, s'est impliqué pleinement, cette fois-ci dans l'affaire des démolitions du vieux bâti de Souika, une action dirigée par l'administration constantinoise, et qui a eu une réprobation quasi générale quant à la célérité avec laquelle des pans entiers de l'histoire séculaire de la ville ont été abattus.


Le film projeté, qui montre les dégâts occasionnés par le zèle des démolisseurs, reste un modèle du genre puisqu'il n'a à aucun moment cherché à juger ni à justifier. C'était tout simplement des drames humains qui se jouaient sous l'œil vigilant, mais neutre d'une caméra qui voulait reproduire la détresse des petites gens victimes de la cruauté des «loueurs-escrocs» ou de l'implacabilité d'une administration sourde et aveugle.«Nous n'avons pas voulu réagir à chaud, dira le président du CRI. On a préféré faire notre petite enquête avec des spécialistes pour échapper au mouvement de récupération qui est en train de se tisser autour de cette tragédie. Nous avons voulu livrer à la presse et aux amoureux de Constantine un travail sans complaisance qui se veut objectif et qui n'aura comme finalité que d'aider, en association avec toutes les âmes de bonne volonté, notre ville meurtrie.»

Un message qui a eu un effet sur l'assistance, une assistance divisée entre les «pour» et les «contre» la démolition du vieux bâti, chacun apportant des arguments qui ne sont pas forcément les siens.

Il reste que le plus important est l'adhésion de tous pour un avenir meilleur pour la vieille ville, telles l'initiative apolitique du CRI et la disponibilité des cadres d'Algérie Télécom, et à leur tête leur premier responsable, qui s'impliquent avec armes et bagages, à chaque fois que la médina le demande.

Hamid B.

Souika


le 19/03/2005 | 0:00

Les fantômes de Constantine volent au secours du wali et ajoutent un zest de comique dans la tragédie de la démolition de la vieille ville Souika.


En effet, les cerveaux de la destruction qui entourent le wali n'ont rien trouvé de mieux pour sauver les meubles du cabinet, que d'instrumenter un mouvement associatif fantoche pour apporter son soutien à Tahar Sekrane.

Comment interpréter sinon ce communiqué signé par une vingtaines d'associations de quartiers prenant à contre sens la dynamique citoyenne qui a permis de stopper l'innommable entreprise de destruction ? Décidément le ridicule ne tue pas surtout quand le RND est derrière. Le communiqué, qui a été adressé aux hautes instances de l'Etat, ne se limite pas au soutien apporté à l'opération démolition et pousse l'outrecuidance jusqu'à tirer à boulets rouges sur les organisations et les personnalités qui ont agi contre, en les qualifiant de «marchands du malheur».

La parade qui tente visiblement à influencer le travail des commissions ministérielles venues enquêter sur l'affaire, emprunte le mensonge en reprenant les arguments de la démolition développés par les autorités locales. Ces dernières voulaient faire croire que les bâtisses visées étaient devenues des nids de brigands squattés par les alcooliques et les prostituées, ou encore que certaines d'entre elles, menaçaient de s'effondrer sur la tête des occupants. Mais les 39 maisons démolies sur un total de 185, étaient-elles toutes fragiles ou affiliées à la délinquance ? Non bien entendu, et les spécialistes sont les mieux placés pour nous le dire.

Les architectes urbanistes dont ceux de la cellule de réhabilitation de la vieille ville ont d'ailleurs réagi de leur côté et adressé une correspondance à la direction de l'urbanisme et la construction pour déclarer leur opposition à la démolition que rien ne peut justifier selon eux.

En outre, Souika est classée depuis 1992 patrimoine national et le nouveau dossier de classement en application de la nouvelle loi sur le patrimoine est sur le bureau du secrétariat du gouvernement ce qui interdit toute opération de destruction. Il y a eu donc violation d'une loi et une atteinte incompréhensible contre un monument qui a bénéficié du soutien du président de la République avant de décrocher une étude de réhabilitation appelée Master plan et conduite par des Italiens.

Ces derniers étaient d'ailleurs à Constantine quelques jours avant le déclenchement de l'opération ; l'encre de leur rapport n'avait pas encore séché que la démolition a commencé. La responsabilité dans la mort de Souika est partagée, certes, y compris par les propriétaires des maisons, mais le coup porté récemment par l'administration dépasse de loin toute autre entreprise de destruction.

Le premier responsable semble avoir été induit en erreur mais les méchants loups sont bien connus dans notre bergerie et semblent avoir réussi une nouvelle fois à se tirer d'affaire en détournant les commissions d'enquête de leurs objectifs.

A défaut donc de comprendre les visées cachées de la démolition, nous attendrons la naissance d'une nouvelle commission pilote composée de ceux-là mêmes qui ont conduit l'opération. Le poisson est plus que jamais noyé.

Nouri Nesrouche


Destructions en série de bâtisses séculaires

Menaces sur la médina de Constantine


le 06/03/2005 | 0:00


Il était une fois une ville qui s'appelait Constantine. C'était une très belle ville mais qui était gouvernée par des personnes qui n'ont jamais compris que cette ville très particulière était reconnue mondialement pour la beauté de ses sites et la pluralité de son histoire qui en ont fait la ville la plus ancienne au monde.


La ville bâtie du temps des Turcs était d'une incomparable richesse architecturale, mais a commencé à s'éroder face aux aléas du temps, conjugués à l'incivisme de ses habitants et à l'incompétence de ceux qui étaient censés la protéger.

La ville européenne aussi a dû rendre l'âme après avoir été “contaminée“ par le virus des glissements de terrain, et ce qui a été construit après l'indépendance a été emporté un jour de gros orage par le Rhumel, déchaîné.

Nous aurons peut-être, dans un futur pas très lointain, à réciter la fin de Constantine, telle une litanie, à une génération qui aura subi la bêtise humaine à la disparition d'une ville que plusieurs envahisseurs avaient réussi, pour un temps, à faire courber, mais jamais à faire plier.

Depuis plusieurs jours, la main de l'homme détruit sans vergogne ce que des siècles d'humidité et d'érosion n'ont pu mettre à terre. Pas moins de 48 maisons de la basse vieille-ville ont été rayées de la carte architecturale de Constantine. L'administration, sous la conduite du chef de daïra, n'a pas fait dans la dentelle cette fois-ci. Dar el m'harsi, dar Beloucif, dar Bentchakar, plus connue par dar Daïkha, fille d'Ahmed Bey, pour ne citer que celles-là, se conjuguent déjà au passé, un passé composé de propriétaires véreux, de locataires «criminels» qui détruisaient leur habitation pour être relogés ailleurs et une administration sclérosée qui n'a jamais fait la différence entre une construction illicite et une autre historique.

Mme Badiâ Sahraoui, éminente enseignante en architecture, pointe un doigt accusateur vers tout le monde. «L'administration n'a fait qu'emboîter le pas aux locataires et vers certains commerçants qui ont transformé des maisons en de douteux bazars. Les autorités, de peur que l'irréparable se produise, comme l'affaissement d'une maison, ont préféré précéder les évènements. Ce qui nous donne une destruction officielle et une autre officieuse. De mon côté, je me pose toujours la question suivante : qui est responsable de la vieille-ville, l'APC ou les ministères de l'Habitat ou de la Culture ? Quant au fameux Master plan, c'est un passage théorique par lequel on est obligé de passer, mais il faut aller au-delà, car le temps n'œuvre pas pour la vieille ville.»

Il faut savoir que la ville de Constantine a été classée patrimoine national en avril 2004, malheureusement cela n'a pas empêché les démolitions de continuer de plus belle. L'Association pour la sauvegarde du patrimoine architecturale de la vieille ville, créée en mai 2003 qui regroupe plus de 150 propriétaires, ne sait plus à quel marabout se confier. «L'APW a proposé de détruire toute maison évacuée, sans l'aval de ses propriétaires, en 2001. Une opération qui a été reportée, puis suivie par une autre à la tête du client avec comme motif de lutter contre le squattage. Mais si ce n'étaient pas les mêmes familles évacuées qui revenaient à leur ancien “logement“, après avoir vendu le neuf, c'étaient d'autres personnes qui réoccupaient les lieux sans la connaissance du propriétaire», nous dira M. Bouchedja, le président de l'association.48 maisons terrassées en une semaine Sur place, après l'action des masses des agents de l'APC, le passage des bulls étant impossible à cause de la configuration du site de la vieille-ville, un spectacle de tsunami s'offre à nos yeux.

A la place des ouaste dar, jadis lieu de rencontre et de convivialité entre les habitants, ne subsistent que ruine et désolation. Nous avons pénétré à l'intérieur d'une maison dont ne subsistent que les murs porteurs. Au milieu des gravats, une grappe d'adolescents était agglutinée autour d'un feu improvisé qui les réchauffait, au même titre que l'alcool qu'ils ont ingurgité auparavant et les cigarettes bien dosées qu'ils enroulaient à l'abri des murs porteurs de la maison. Nous ne quitterons les nouveaux propriétaires qu'après avoir acheté une cigarette roulée et bien chargée, question de justifier notre présence sur les lieux. Nous apprendrons qu'il y a autant de lieux semblables que de maisons détruites de l'intérieur.

D'ailleurs, en compagnie du chef de daïra et de l'équipe chargée des démolitions, nous découvrirons des gourbis occupant le vide laissé après l'évacuation, des mères abandonnées par leur progéniture après l'octroi d'un logement pour la famille, et surtout plusieurs lieux de débauche. Nous serons même agressés verbalement par une fille qui se disait de Souk Ahras qui criait à qui voulait l'entendre : «Je suis une p... et j'assume. C'est mon boulot.» Ebahis, nous découvrirons des chambres très cossues, élégamment meublées, qui servaient de logis et de lieu de travail pour le plus vieux métier du monde et qui contrastaient hideusement avec les gravats et les détritus qui servaient de décor environnant. L'évacuation des filles de ces lupanars ignorés de tous, mais connus par tout le monde ne se fera pas sans grabuge, contrairement aux familles qui avaient squatté des maisons plus loin, qui tête basse partiront vers un avenir incertain. Un habitant de Zankat Lâmamra était aux anges après l'évacuation de force des filles de joie. Ces filles et leurs maquereaux nous pourrissaient la vie. Ils régnaient en maîtres, au vu et au su des autorités. Je sais que les propriétaires de maisons et quelques associations parlent de culture. De mon côté, je ne pense pas que ce qui se faisait ici ressemble de loin ou de près à de la culture.

De son côté, Ahmed Benyahia, président de l'association du Vieux-Rocher et artiste connu sur la place de Constantine, ne veut nullement entendre parler de démolition. «La démolition reste l'extrême solution et la plus mauvaise. Il faut créer une sorte d'ateliers de la médina sous la direction du ministère de la Culture pour essayer de restaurer avec des matériaux authentiques, car la vieille ville reste la mémoire de Constantine et il faut la protéger. Pourquoi ne pas prendre ce que l'Unesco est prête à nous donner ? Pourquoi en 1985 l'APC avait jugé des demandes de construction sur le site de la vieille-ville caduques du fait de restaurations futures, et ordonnée depuis les démolitions ? Je pense que les 52 ha de Souika et autres quartiers arabes, en plein centre-ville attise l'appétit de la mafia du foncier, cela après le pillage organisé et systématique des richesses du Palais du bey, en restauration éternelle, d'El Ketania, de la synagogue, comme la faïence, les lustres, les meubles et les portes. Même ce que les autorités appellent pompeusement restauration n'en est pas une, car on ne peut restaurer qu'avec des maîtres artisans et non avec des marteaux et autres engins de destruction. La preuve, Sidi Rached est définitivement perdu suite à sa restauration et le Palais du bey le sera après la fin des travaux. Je préconise une pause, une hodna, pour voir où l'on va. La vieille-ville de Constantine est en voie d'être classée patrimoine mondial de l'humanité. Attendons encore un peu. La cellule de réhabilitation et de sauvegarde de la vieille-ville présidée par le wali s'est vidée de sa substance. Même le directeur de l'urbanisme censé en être la cheville ouvrière ne se manifeste plus. On ne le voit que lorsqu'il y a des délégations étrangères. Alors je fais appel au ministère de la Culture et aux nombreux amoureux de l'antique Cirta pour arrêter le massacre.»

La société civile en émoi

C'est vrai que plusieurs associations œuvrent inlassablement pour la préservation de ce qui peut encore l'être. D'ailleurs, lors de l'évacuation des squatters de dar Daïkha, les membres d'une association bénévole tenteront sur les lieux de faire infléchir le chef de cabinet de la wilaya et le chef de daïra quant à la démolition «du site historique que représente la maison». Peine perdue, puisque la machine destructrice était déjà en marche.

 «Je suis chagriné autant sinon plus que ces gens pour le sort réservé à quelques maisons de la vieille-ville, nous dira M. Aouachria, chef de daïra de Constantine, mais la sécurité des citoyens passe avant tout. Il faut être lucide : l'Etat n'a pas les moyens des restaurer ou de rénover tout le bâti de cette vieille-ville. C'est vrai que cette maison aurait pu être classée, mais vous voyez que son état ne laisse aucun doute sur son affaissement prochain et inéluctable. D'ailleurs, plusieurs personnes affiliées à ces associations pour la préservation de la vieille-ville ne militent que pour des maisons qui leur appartiennent, en principe.» Et M. Aouachria nous exhibera des documents qu'une personne présente avec l'association lui avait remis, il y a quelques semaines, tentant de diriger son avis quant à une affaire d'héritage d'une maison dans cette même vieille-ville.

Il reste qu'après la destruction des maisons de l'intérieur, et après le départ des «démolitionmeurs» le problème de squattage des lieux par une faune malfaisante ne fait aucun doute, comme cela s'est passé à Rebaine Chérif et d'autres quartiers du Rocher. «Le problème est très sérieux. Une opération de déblayage et de surveillance des lieux doit en principe suivre celle des démolitions. Malheureusement, par manque de moyens financiers, la deuxième opération n'a pratiquement jamais eu lieu», nous avouera le chef de daïra. Et les associations de conclure que les autorités «dégainent» très vite pour expulser des familles, il est vrai dans leur tort, pour livrer ensuite les lieux à des voyous sans vergogne qui y nageront comme des poissons dans l'eau. En attendant, la machine destructrice continue son œuvre, implacablement, reléguant au fin fond du Rhumel les plaintes et les complaintes de ceux qui ont Constantine dans le cœur. Les solutions, pas immédiates, malheureusement, existent comme celles que nous propose Badiâ Sahraoui. «Si j'avais un quelconque pouvoir, j'arrêterais le rôle de chacun. Je ferais en sorte que les décideurs soient des techniciens et non des bureaucrates, et où l'acteur principal sera la commune . Ce n'est qu'à partir de là qu'on commencera à avoir une ébauche d'un vrai projet pour notre médina.»

Y aura-t-il une cavalerie qui interviendra en dernière minute, comme au cinéma, pour sauver l'héroïne qu'est la vieille-ville de Constantine, ou au contraire l'amère réalité enveloppera les vieux quartiers pour les reléguer au rang de vestiges du passé ? Nul ne peut le dire pour le moment.

Hamid Bellagha


Démolition à la vieille ville de Constantine


le 05/03/2005 | 0:00

La démolition d'un nombre de bâtisses à la vieille ville tourne mal pour les autorités locales, sommées de s'expliquer alors que le chantier est interrompu.


Le tollé qui a été soulevé autour de cette histoire a, en effet, amené le ministère de la Culture à dépêcher une commission d'enquête arrivée mercredi soir et qui a entamé son travail pour mesurer l'initiative et situer les responsabilités. En effet, ce qui devait être une simple opération de délogement d'indus occupants s'est transformé en un grand chantier de démolition qui ne fait pas de distinguo entre les bâtisses menaçant ruine et celles encore solides. Cela a attiré d'abord le courroux des propriétaires qui sont vite montés au créneau pour dénoncer cette décision jugée «arbitraire et unilatérale».

Par la suite, c'est un collectif d'associations œuvrant à la défense du patrimoine qui a pris le relais et réagi à travers un communiqué qui condamne sans ambages la démolition. La vieille ville Souika est, rappelons-le, un site préservé et classé patrimoine national, ce qui la place sous une protection juridique qui réglemente toute initiative touchant au bâti. Le projet du «Master Plan», mené par des experts italiens qui sont actuellement à l'œuvre, devra fournir une carte précise d'une vieille ville réaménagée en prenant en compte les bâtisses à démolir. Ces dernières existent sans nul doute et il appartient aux autorités de les évacuer pour préserver des vies humaines.

Les défenseurs du site attirent l'attention, cependant, sur un chantier mené dans la précipitation et qui risque d'affecter les bâtisses mitoyennes encore solides. En outre, le travail des commissions techniques chargées d'évaluer l'état des bâtisses est tout aussi remis en question par des contre-expertises commandées par les propriétaires et qui prouvent que la majorité des bâtisses marquées au rouge est en bon état. Le bras de fer avec l'administration a pris une sérieuse allure durant la semaine dernière.

Devant l'urgence, une dynamique citoyenne est née pour réagir et stopper ce qui est qualifié de «désastre». Une vingtaine de personnalités composées d'universitaires, de juristes, de journalistes et de représentants du mouvement associatif, s'est réunie jeudi dernier pour étudier la situation et formuler une réponse forte à l'entreprise d'une administration accusée indirectement de destruction sous-tendue par des appétits étroits dans une totale indifférence à l'égard d'une ville qui a des siècles d'histoire.

Un appel aux Constantinois jaloux du bien de leur cité est lancé en attendant le rapport d'enquête qui provoquera au moins une décision ministérielle pour l'arrêt de la démolition.

Nouri Nesrouche


La phase II du Master plan

le 23/02/2005 | 0:00

Avec beaucoup de retard, la phase II du Master plan destiné à la réhabilitation de la vieille ville vient de franchir un nouveau pas.


Un groupe de spécialistes, délégué par l'université italienne Roma III, a séjourné, à cet effet, à Constantine du 12 au 17 février afin de recueillir des données complémentaires sur les sites concernés. La mission a présenté vers la fin un exposé non officiel des prémisses du projet tel qu'il sera proposé aux autorités locales.

Le Master plan, faut-il le rappeler, est un programme financé par le gouvernement italien et qui vient se greffer sur le grand projet de sauvegarde et de réhabilitation de Souika. Entamé en janvier 2003, il devait se dérouler sur trois phases à commencer par l'établissement d'un état des lieux avec actualisation des plans et des informations, la présentation ensuite d'une ébauche d'aménagement et enfin l'élaboration d'un règlement urbanistique général. La partie algérienne semble ignorer les raisons du retard accumulé par l'étude mais, toutefois, l'on sait que l'université chargée du projet a bénéficié d'une prolongation du délai.

Le Master plan est censé apporter des solutions pour l'aménagement des espaces, dégagés suite à la démolition des maisons en ruine, et l'installation de nouveaux équipements. Des équipements capables de donner une nouvelle identité et partant une nouvelle vocation à la vieille ville pour lui permettre de recouvrer son cachet touristique et artisanal.

Cependant, le destin d'une autre partie aussi importante, celle des maisons encore solides, demeure incertain. Le gouvernement algérien n'avance aucune solution, notamment pour la consolidation des bâtisses malgré que Souika soit reconnue patrimoine national. En attendant, chaque jour apporte son lot de menaces pour ses murs et la mémoire qu'ils renferment.

Les effets du temps sont dévastateurs et la main de l'homme est encore plus perfide. Les responsables chargés de la gestion à Constantine sont appelés à faire en sorte que tous les moyens soient employés pour sauver ce qui reste de cette vieille ville et agir dans la voie tracée par les hautes autorités du pays pour changer le visage de la ville du Rocher.

Nouri Nesrouche


Vieux quartiers
La hantise des effondrements
le 8 janvier 2005

Après les glissements de terrain, les caprices de Dame Nature sont devenus une éternelle source de hantise pour les habitants des vieux quartiers de la ville de Constantine.

A la moindre averse, l’alerte est rapidement donnée pour des familles qui commencent à s’accommoder avec de nouvelles situations. Alors que le scénario de la nuit du 13 novembre 2004, veille de l’Aïd El Fitr, est toujours présent dans les mémoires, les rafales de vents et la forte pluviométrie ont choisi, ironie du sort, la fin de l’année 2004, comme pour annoncer un hiver aux relents catastrophiques.

Ainsi, entre le 30 décembre 2004 et le premier jour de l’année en cours, le bilan des interventions des services de la Protection civile illustre l’ampleur des dégâts. Les vieux quartiers de la ville semblent être les plus touchés, on y a recensé en quelques mois une dizaine d’immeubles complètement effondrés. Ce phénomène qui prend des proportions inquiétantes chaque année avec l’arrivée de la saison des pluies ne semble pas inquiéter outre mesure les autorités de la ville, et ce, en dépit des innombrables rapports adressés par les services de la Protection civile à l’issue des sorties de reconnaissance effectuées dans les zones à risques.

Ces dernières ne se limitent pas désormais à la vieille ville où les habitations ne sont plus en mesure de tenir debout, mais elles touchent même des quartiers censés être à l’abri. On apprend ainsi que des dizaines de familles sont concernées par les risques d’effondrement dans La Casbah, la rue du 20 Août 1956, principalement la rue Kitouni Abdelmalek et la rue des Maquisards. Dans ces deux derniers sites, des habitations ont atteint un niveau de dégradation avancé pour devenir de véritables bombes à retardement. Les locataires qui attendent depuis longtemps un éventuel relogement sont toujours sur le qui-vive. Au quartier de Belouizdad, dont la construction remonte au début du siècle, les apparences sont souvent trompeuses.

Nombreuses sont les bâtisses qui présentent des façades ne reflétant guère la vérité. Une simple visite à l’intérieur des appartements renseigne sur le danger latent qui guette les résidents, notamment dans les rues situées sur le côté bas du boulevard Messaoud Boudjeriou. Les infiltrations des eaux de pluie à travers les toitures, les plafonds et les murs fissurés sont des paramètres qui finiront par ajouter d’autres familles aux listes des sinistrés.

En l’absence d’un système de prévention et à défaut d’un plan d’évacuation des habitations menacées, les citoyens, qui semblent se résigner à leur sort, craignent les retombées d’une situation qui peut aboutir, un jour, vers une réelle catastrophe.
Arslan S.




19/01/05
UNE REPRESENTANTE DE L’UNESCO
EN VISITE A CONSTANTINE
Des sites à inscrire au patrimoine universel
On ne parlera jamais assez de la vieille ville de l’antique Cirta, la millénaire, et des sites historiques qui entourent la cité des ponts. La vieille ville, à travers ses quartiers Souika, Rahbet Souf, Souk El Assar, Seida, Djezarine ..., aura constamment suscité l’intérêt et souvent aussi la polémique sur ce chapitre si cher aux Constantinois. Au fil du temps, et de l’érosion dévastatrice, tous les sites historiques de la Médina menacent ruine et se consument à petit feu. Classer tous ces sites au patrimoine universel demeure, à vrai dire, l’unique planche de salut et les hommes en charge de ce dossier en sont profondément conscients. C’est précisément dans cette perspective qu’une délégation était hier, à Constantine. Accompagnée de M. Glesaal, maire adjoint de la mairie de Grenoble, Mme Mindja Young, représentante du directeur général de l’UNESCO, était hier l’hôte de la ville de Constantine où elle fut accueillie par MM. Mechaer et Belebdjaoui, respectivement présidents de l’APC de Constantine et de la commission de l’urbanisme.
Cette dernière devait visiter de nombreux sites historiques de la vieille ville et notamment la grande mosquée, le palais du Bey, ainsi que de nombreux sites qui auront peut être la chance de figurer au patrimoine international de l’UNESCO. En ce sens, les responsables de la cité n’ont jamais désarmé ni manqué de volonté de restaurer ces véritables joyaux du Constantine profond, preuve en est l’installation d’une commission de réhabilitation. Malheureusement, pour tous les défenseurs de ce dossier, les moyens financiers ont constamment fait défaut en dépit d’une volonté à toute épreuve, notamment celle de certains de vouloir raser complètement ces «vieilles masures inesthétiques qui menacent ruine». De nombreuses maisons furent donc évacuées et leurs locataires relogés, vers les nouvelles villes Ali Mendjeli ou Massinissa, dans des logements neufs, souvent plus salubres et plus spacieux. Mais les habitations désertées, comme celles de Souika basse, sont entièrement livrées à la dégradation. Ainsi, voir certains sites de la vieille ville classés au patrimoine universel donne toutes les chances, à Constantine, de sauvegarder sa mémoire grâce à l’aide de l’Unesco.
Rahmani Aziz
 30 janvier 2005
VIEILLE VILLE
Lorsque le mauvais temps chamboule
le programme de relogement

Les mauvaises conditions climatiques qui prévalent depuis le début de l’année en cours, autant dire un hiver rude avec son lot de pluie et de neige, dont les effets dévastateurs se font sentir sur les bâtisses de la vielle ville entre autres, auront poussé les autorités locales à revoir leur copie du programme de relogement.
Et le moins qu’on puisse dire, relève de l’urgence et du souci d’éviter d’éventuels drames qui résulteraient d’une mauvaise appréciation du danger qui guette certains habitants de la ville, dont les bâtisses sont carrément au bord de l’effondrement. Rahbat Souf, Souika, Souk El-Asser, Sidi Djliss, Seïda, Sidi Bouanaba et autres vieux quartiers de Constantine ont accaparé ainsi toute l’attention, ces derniers temps, des autorités en charge de la vielle ville.
Une question de priorité, nous dit-on, lorsqu’on apprend que 97 familles de la médina seront relogées au plus tard la semaine prochaine à la nouvelle ville Ali Mendjeli. Et pour cause, les bâtisses recensées constituant le dernier lot menacé par l’effondrement, représentent un danger pour ceux qui y logent. Autant prévenir le drame et, pourquoi pas, l’éliminer définitivement en installant les familles dans de nouveaux logements, nous dira le chef de la daïra de Constantine. Rappelons que le même principe a été retenu pour les zones de glissement de terrains. En effet, comme nous l’avions annoncé dans ces mêmes colonnes, 200 familles des chalets de Boudraâ Salah et la cité Benchergui allaient bénéficier de nouveaux logements. Est-ce à dire que, désormais, les autorités locales vont plutôt réagir à l’urgence et que dorénavant le programme de relogement va obéir à la logique du sinistre, voire à celle de la prévention de dangers imminents ? Faudrait-il encore que le rythme de construction suive, car même si les autorités locales prétendent, ne serait-ce qu’à propos de l’évacuation des 97 familles au niveau de la vieille ville, que c’est le dernier lot de bâtisses qui constituent un danger pour leurs occupants. Rien ne permet d’affirmer que le reste ne va pas subir à brève échéance les outrages climatiques. Ceci d’autant plus que la médina n’est pas la seule dans ce cas, rien qu’à considérer le vieux bâti colonial, lequel ayant bénéficié d’une opération de réhabilitation, n’en est pas moins menacé par les effondrements, surtout que cette réhabilitation aura superbement ignoré des pans entiers du centre-ville de Constantine. On pense particulièrement à ce propos aux innombrables bâtisses de la casbah qui, sous l’effet des pluies, donnent des signes évidents de détresse.
M. S. Boureni
 8 février 2005

INTEMPERIES ET GLISSEMENTS DE TERRAIN
Le coup de grâce au vieux bâti
Les dernières neiges qui se sont abattues sur Constantine, pendant près d’une semaine sans discontinuer, et le dégel naturel qui s’en est suivi ont été loin d’améliorer la situation de l’habitat précaire.
Bien au contraire, ces intempéries n’auront fait qu’accentuer, voire accélérer la décrépitude de certaines maisonnettes, souvent bicentenaires, qui constituent un véritable danger de mort pour toutes ces familles que la politique du relogement n’a pas encore touchées de ses bienfaits.
Au niveau de la vieille ville, et plus exactement rue des Frères Arafa, un quartier que les vieux Constantinois dénomment toujours Place des Galettes, des familles continuent de vivre un véritable calvaire et ne savent toujours pas à qui s’adresser. «Nous n’arrivons plus à gérer et devant tous les problèmes que nous rencontrons, explique ce père de famille, nous avons l’impression que plus personne ne veut nous écouter et que nous formons une catégorie de parias. Au fil des ans et des déboires, nous n’avons jamais perdu espoir mais aujourd’hui trop, c’en est trop. Nous avons au cours de ces dernières semaines multiplié les requêtes, frappé à toutes les portes. En vain ! En date du 15 juin 2003, nous avons saisi la wilaya qui a dépêché sa cellule de réhabilitation et de sauvegarde de la vieille ville. Un atelier technique s’est donc déplacé pour constater sur place l’état des lieux.»
Le constat sans complaisance de ces techniciens est clair: «déformation dangereuse du dallage du patio, éclatement du collecteur d’assainissement, risques imminents pouvant entraîner des maladies à transmission hydrique, effondrement ou enfin tassement complet de l’immeuble». «Dans ce même rapport, souligne notre interlocuteur, ces techniciens notaient noir sur blanc que les femmes et les enfants souffrent de maladies telles que l’asthme et certaines allergies et que cette situation nécessitait de fait une intervention urgente». «Depuis ce rapport, soulignent ces familles, la situation a empiré et nous vivons présentement dans un dépotoir à ciel ouvert entouré de rats et d’excréments car il faut appeler les choses par leurs noms ! Les risques d’effondrement ne sont plus à écarter et nous vivons avec au-dessus de nos têtes une épée suspendue qui peut à chaque instant prendre des vies humaines».
Au niveau de l’avenue Zâabane et pour certains bâtiments plus connus à Constantine sous l’appellation de «beau marché», des fissures énormes viennent prouver que ces bâtisses ont passé leur temps. Construites vers 1930, elles auraient pu résister aux affres du temps mais pas à celles d’un glissement de terrain pernicieux et qui continue sournoisement son travail de sape.
En face de ces mêmes habitations, les responsables de la protection civile ont pris les devants en démolissant tout un bloc qui servait de dortoir aux sapeurs-pompiers et qui commençait à donner des signes évidents de lassitude extrême.
Mais quelle serait la solution idoine pour les bâtiments précités ? Certains locataires hésitent à acheter ces biens que leur propose l’OPGI. Ils craignent, d’après certains d’entre eux, de faire un mauvais investissement et attendent que l’OPGI se manifeste pour de nécessaires travaux de confortement dont ils se disent prêts à partager les frais. Il faudra préciser que ce quartier qui sert de véritable gare routière pour les transports urbains connaît une activité débordante, plus de cent bus transportant quotidiennement des dizaines de milliers d’usagers y passent. Avec un peu de nostalgie pour ces bâtiments d’un certain standing, d’autres sites commencent à donner quelques inquiétudes et c’est précisément le cas de certains immeubles du quartier de Aouinet El-Foul qui se trouve en plein coeur d’une région à très haut risque de glissements. Même si les autorités en charge de ce problème font preuve à chaque fois qu’il y a danger d’une célérité pour reloger les sinistrés, beaucoup d’habitants d’immeubles à Aouinet El-Foul que nous avons rencontrés nous disent vivre dans un état d’alerte permanent surtout quand les conditions climatiques sont mauvaises. Et c’était le cas ces derniers temps. «Les commissions se succèdent, relèvent la précarité de notre situation mais on ne voit toujours rien venir», nous assurent-ils.
Rahmani Aziz
22 février 2005
Constantine
Evacuation par la force à Souika

Les autorités de Constantine sont intervenues dimanche dernier par le biais de la force publique pour déloger une centaine de familles à la vieille ville et démolir leurs maisons.
Ces familles squattaient, en effet, des bâtisses menacées de ruine et marquées au rouge par les responsables de l’urbanisme et de la construction. L’opération menée par le chef de daïra a nécessité l’intervention des équipes de la Protection civile et de Sonelgaz venues couper toute alimentation en électricité et gaz afin de rendre définitivement inhabitables les maisons en question. Les occupants ont manifesté une résistance timide à l’intervention, mais les forces de l’ordre étaient déterminées à éloigner ces familles du danger d’effondrement.

Par ailleurs, le squat est devenu presque un commerce dans la ville de Constantine qui a bénéficié ces dernières années d’un large programme de relogement destiné, entre autres, aux familles habitant des bâtisses menaçant ruine à la vieille ville. La preuve, affirme le chef de daïra, est que près de 80% des familles concernées par l’opération d’hier, ont déjà bénéficié de logements à la nouvelle-ville Ali Mendjeli dans le cadre de ce même programme. Elles seraient donc revenues à leur ancienne habitation après avoir vendu leurs nouveaux logements.

Les autorités locales n’écartent pas le recours à des poursuites judiciaires contre les personnes qui montrent de la résistance à l’opération de délogement, mais des plaintes pourraient aussi toucher les propriétaires de ces habitations qui seraient complaisants quant à la réoccupation des lieux scellés.

Nouri N.




22 février 2005


SOUIKA
Une centaine de familles expulsées et des protestations

La décision d’expulsion d’une centaine de familles du vieux quartier de «Souika», avant-hier lundi, par les autorités de la wilaya de Constantine, n’a pas manqué de provoquer la réaction de la part des concernés.

Ainsi, le soir même de cette opération, encadrés par les services de sécurité et en présence des autorités locales, vers 21 heures, les habitants ont observé un sit-in devant le cabinet du wali, pour protester contre cette décision, qu’ils qualifient d’«injuste».

Dispersés, une heure plus tard par la police, les manifestants ont repris leur protestation, hier matin, en se regroupant à proximité du pont de Sidi Rached, pont qui se situe juste à proximité des bâtiments qu’ils occupaient. Ce regroupement qui a fortement perturbé la circulation automobile, a nécessité l’intervention en force de la police. Des officiers de police se sont aussitôt mis à négocier avec des groupes de protestataires, afin de leur faire évacuer les lieux. Le chef de daïra et des responsables de la wilaya se sont rendus, également, sur les lieux. Selon des informations que nous ont communiquées des élus de l’APC de Constantine, «cette évacuation est justifiée». Selon leurs dires, les bâtiments en question ont déjà fait l’objet d’une décision de démolition, sur la base d’une expertise de spécialistes en la matière, tant leur vétusté est devenue dangereuse pour les occupants.

«Ces bâtisses, ont été évacuées de leurs occupants originaux, qui ont tous été relogés dans des appartements neufs à la nouvelle ville Ali Mendjeli», nous dit-on. Nos interlocuteurs insistent «sur l’urgence avérée de ces évacuations, les maisons pouvant s’écrouler à tout instant. Et d’ajouter que les dernières intempéries ont aggravé le problème». Du côté des habitants, bon nombre d’entre eux affirment n’avoir jamais quitté ces domiciles qu’ils occupent depuis des décennies, contrairement à ce qui est avancé par les autorités qui parlent elles, d’indus occupants. «Les sinistrés de cet endroit ont tous été relogés suivant le programme en application depuis le deuxième semestre de 2004».

De nombreux habitants du quartier que nous avons rencontrés, tous concernés par ce programme de démolition, particulièrement le bas de Souika et particulièrement la rue Bekhouche Abdesselem, réunis par petits groupes, donnent leur version. «Oui effectivement, il y a des indus occupants. Il y a également de nombreux bénéficiaires d’arrêtés d’attribution qui n’ont pas évacué les lieux pour des raisons que nous ignorons. Mais il y a également des familles qui n’ont pas bénéficié d’un relogement comme le cas de ces gens ici présents avec nous. Nous ne nous expliquons pas les motifs des retards.

On a accordé par exemple quatre arrêtés de relogement aux occupants de cette bâtisse alors qu’elle compte cinq familles. Nous demandons à ce qu’une commission d’enquête soit diligentée pour faire ressortir la vérité et déterminer qui a tort et qui a raison. En plus, parmi les expulsés il y a d’authentiques propriétaires qui ont sollicité des aides pour réhabiliter ces maisons qui sont un patrimoine, mais ils sont expulsés. Par contre nous ignorons les raisons qui ont incité d’autres personnes à protester».

Abdelkrim C.

 23 février 2005

La phase II du Master plan

Avec beaucoup de retard, la phase II du Master plan destiné à la réhabilitation de la vieille ville vient de franchir un nouveau pas.

Un groupe de spécialistes, délégué par l’université italienne Roma III, a séjourné, à cet effet, à Constantine du 12 au 17 février afin de recueillir des données complémentaires sur les sites concernés. La mission a présenté vers la fin un exposé non officiel des prémisses du projet tel qu’il sera proposé aux autorités locales.

Le Master plan, faut-il le rappeler, est un programme financé par le gouvernement italien et qui vient se greffer sur le grand projet de sauvegarde et de réhabilitation de Souika. Entamé en janvier 2003, il devait se dérouler sur trois phases à commencer par l’établissement d’un état des lieux avec actualisation des plans et des informations, la présentation ensuite d’une ébauche d’aménagement et enfin l’élaboration d’un règlement urbanistique général. La partie algérienne semble ignorer les raisons du retard accumulé par l’étude mais, toutefois, l’on sait que l’université chargée du projet a bénéficié d’une prolongation du délai. Le Master plan est censé apporter des solutions pour l’aménagement des espaces, dégagés suite à la démolition des maisons en ruine, et l’installation de nouveaux équipements. Des équipements capables de donner une nouvelle identité et partant une nouvelle vocation à la vieille ville pour lui permettre de recouvrer son cachet touristique et artisanal.

Cependant, le destin d’une autre partie aussi importante, celle des maisons encore solides, demeure incertain. Le gouvernement algérien n’avance aucune solution, notamment pour la consolidation des bâtisses malgré que Souika soit reconnue patrimoine national.

En attendant, chaque jour apporte son lot de menaces pour ses murs et la mémoire qu’ils renferment. Les effets du temps sont dévastateurs et la main de l’homme est encore plus perfide. Les responsables chargés de la gestion à Constantine sont appelés à faire en sorte que tous les moyens soient employés pour sauver ce qui reste de cette vieille ville et agir dans la voie tracée par les hautes autorités du pays pour changer le visage de la ville du Rocher.

N. Nesrouche

24 février 2005
SOUIKA
Les démolitions se poursuivent

Les démolitions des bâtisses situées à Souika basse, précisément aux rues Bekkouche Abdeslem, Mellah Slimane, des cousins Kerouaz, se poursuivaient encore hier.
Trois entreprises ont été chargées de ces démolitions et déjà 12 bâtisses sur les 26 déclarées par les autorités inhabitables car pouvant s’effondrer à tout moment, sont à terre. Selon le chef de daïra de Constantine, les 105 familles expulsées des lieux occupaient illégalement les bâtisses après que celles-ci furent évacuées de leurs véritables occupants qui avaient du reste été relogés.
Cette opération se déroulait hier sans faits notables. Ce qui n’a pas été le cas au moment de l’expulsion de la centaine de familles, dimanche dernier, puisque les concernés avaient, le soir même de cette décision des autorités, observé un sit-in devant le cabinet du wali pour protester contre ce qu’ils avaient estimé être une injustice.
Dispersés par les forces de police, les protestataires reviendront le lendemain lundi à la charge, pour se regrouper à proximité du pont de Sidi Rached surplombant Souika basse. Si les occupants de ces bâtisses estiment toujours que leur expulsion est non fondée, les autorités locales tiennent un autre discours en affirmant que les bâtiments en question ont déjà fait l’objet d’une décision de démolition sur la base d’une expertise de spécialistes qui avait conclu au danger qui guette leurs occupants.
Ces derniers, affirme le chef de daïra, ont été déjà évacués et relogés dans de nouveaux logements.
R. C
1er Mars 2005
«DESTRUCTION D’UN SITE PRÉSERVÉ
ET CLASSÉ PATRIMOINE NATIONAL»
Des associations critiquent les démolitions à Souika

La démolition de vieilles bâtisses à Souika par les autorités a suscité une véritable levée de boucliers.
En effet, des associations, celle de la sauvegarde du patrimoine architectural de la vieille ville de Constantine, celle du Vieux Rocher, et les propriétaires de bâtisses dans la médina ont dénoncé à travers un communiqué parvenu, hier, à notre rédaction «la destruction d’un site préservé et classé patrimoine national».
Les rédacteurs du communiqué se disent «surpris par l’opération de démolition de dizaines de maisons ancestrales de la médina» qui reste, selon eux, une décision arbitraire et unilatérale prise par les autorités locales sans aucune concertation avec les légitimes propriétaires, ni avec la société civile.
Les propriétaires et les associations signataires du document en notre possession expriment leur désarroi particulièrement en mettant en avant le projet concernant la médina initié par le président de la République Abdelaziz Bouteflika, ayant fait l’objet d’une convention bilatérale entre l’Algérie et l’Italie, plus connu sous le nom de «Masterplan».
Un projet, ajoutent-ils, dont les travaux, confiés à d’éminents spécialistes de l’université de Roma III, sont en cours d’achèvement. Mieux encore, soutient-on, une exposition de ce plan a été présentée le 25 février 2005 devant les membres de la cellule de réhabilitation en charge de ce dossier. Celle-ci, selon les rédacteurs du communiqué, «excluait toute démolition».

Toujours dans la même veine, les associations développent un argumentaire qui s’articule autour des différentes visites de délégations étrangères à la vieille ville pour signifier tout l’intérêt qui est accordé à sa réhabilitation. C’est ainsi qu’on parlera des visites durant les mois de janvier et février 2005 d’officiels français, ainsi que celle du représentant de l’UNESCO, envoyé par le directeur général adjoint de cette institution des Nations unies, chargé de la culture, en l’occurrence M. Mounir Bouchenaki, éminent expert algérien des sites et monuments historiques.
«Tous ont la même fascination pour ce site exceptionnel tant sur le plan naturel qu’architectural et veulent oeuvrer pour sa sauvegarde, sa restauration et sa classification comme patrimoine universel appartenant, non seulement à l’Algérie mais à l’humanité tout entière», soulignent les auteurs du communiqué. Ces derniers affirment qu’ils auraient approuvé volontiers cette opération initiée par les responsables de la ville, si elle visait que l’expulsion des indus occupants et mettait les maisons évacuées sous la protection de l’autorité de l’Etat. Etant donné, soutiennent-ils, qu’il s’agit de la préservation d’un patrimoine reconnu par sa valeur nationale et universelle. «Malheureusement, c’est le contraire de ce que nous espérions des autorités locales qui s’est produit», regrettent ces associations.
Cependant, elles ne s’arrêtent pas là puisqu’elles dénoncent dans la foulée et remettent en question les travaux des commissions techniques qui ont déclaré, selon elles, ces maisons sinistrées et les ont évacuées en l’absence des propriétaires.
Pire encore, disent-elles, la majorité de ces bâtisses sont en parfait état de conservation nécessitant seulement quelques travaux de restauration. En dernier lieu, les signataires du communiqué lancent un appel «à toutes celles et tous ceux qui portent la vieille ville dans leur coeur pour s’associer à leur action en se mobilisant pour crier haut et fort leur indignation face à ce crime contre l’histoire».
M. S. Boureni


5 mars 2005
Démolition à la vieille ville de Constantine
Un chantier interrompu
La démolition d’un nombre de bâtisses à la vieille ville tourne mal pour les autorités locales, sommées de s’expliquer alors que le chantier est interrompu.
Le tollé qui a été soulevé autour de cette histoire a, en effet, amené le ministère de la Culture à dépêcher une commission d’enquête arrivée mercredi soir et qui a entamé son travail pour mesurer l’initiative et situer les responsabilités. En effet, ce qui devait être une simple opération de délogement d’indus occupants s’est transformé en un grand chantier de démolition qui ne fait pas de distinguo entre les bâtisses menaçant ruine et celles encore solides. Cela a attiré d’abord le courroux des propriétaires qui sont vite montés au créneau pour dénoncer cette décision jugée « arbitraire et unilatérale ».
Par la suite, c’est un collectif d’associations œuvrant à la défense du patrimoine qui a pris le relais et réagi à travers un communiqué qui condamne sans ambages la démolition. La vieille ville Souika est, rappelons-le, un site préservé et classé patrimoine national, ce qui la place sous une protection juridique qui réglemente toute initiative touchant au bâti. Le projet du « Master Plan », mené par des experts italiens qui sont actuellement à l’œuvre, devra fournir une carte précise d’une vieille ville réaménagée en prenant en compte les bâtisses à démolir. Ces dernières existent sans nul doute et il appartient aux autorités de les évacuer pour préserver des vies humaines.
Les défenseurs du site attirent l’attention, cependant, sur un chantier mené dans la précipitation et qui risque d’affecter les bâtisses mitoyennes encore solides. En outre, le travail des commissions techniques chargées d’évaluer l’état des bâtisses est tout aussi remis en question par des contre-expertises commandées par les propriétaires et qui prouvent que la majorité des bâtisses marquées au rouge est en bon état. Le bras de fer avec l’administration a pris une sérieuse allure durant la semaine dernière.
Devant l’urgence, une dynamique citoyenne est née pour réagir et stopper ce qui est qualifié de « désastre ». Une vingtaine de personnalités composées d’universitaires, de juristes, de journalistes et de représentants du mouvement associatif, s’est réunie jeudi dernier pour étudier la situation et formuler une réponse forte à l’entreprise d’une administration accusée indirectement de destruction sous-tendue par des appétits étroits dans une totale indifférence à l’égard d’une ville qui a des siècles d’histoire.
Un appel aux Constantinois jaloux du bien de leur cité est lancé en attendant le rapport d’enquête qui provoquera au moins une décision ministérielle pour l’arrêt de la démolition.
N. Nesrouche




06/03/05

DES REPRESENTANTS DU MINISTERE
DE LA CULTURE A CONSTANTINE
Arrêt des démolitions des bâtisses de la vieille ville


Après le tollé soulevé au sein des associations et particulièrement des propriétaires par la démolition de bâtisses au niveau du quartier Souika, dans la vieille ville, et suite au rapport du directeur de la Culture de la wilaya de Constantine adressé à son ministère de tutelle sur cette affaire, une commission envoyée par le ministère de la Culture s’est déplacée jeudi à Constantine.

Composée d’une inspectrice au niveau de ce ministère et du directeur général de l’agence nationale du patrimoine archéologique, la commission s’est donc déplacée pour étudier sur place avec les responsables locaux les problèmes posés par ces démolitions et proposer des solutions de nature à préserver les différents sites menacés. Emboîtant le pas aux associations soucieuses de préserver ce patrimoine archéologique et civilisationnel, le directeur de la Culture de Constantine a relevé dans son rapport la nécessité de protéger de l’anéantissement ces quartiers de la vieille ville qui recèlent des pans séculaires de l’histoire de la ville de Benbadis et de Salah Bey «dit le bâtisseur».

Ce responsable rappelle dans son rapport qu’il s’agit d’un site préservé et classé patrimoine national dont la démolition de certaines de ses bâtisses a été critiquée par des associations, demandant que cesse «ce ravalement par la base, sans précaution aucune pour les vestiges du passé et la préservation de la mémoire collective». Ainsi donc, les deux émissaires du ministère de la Culture se sont réunis ce jeudi avec le wali de Constantine en présence des présidents de l’APC et de l’APW, après avoir visité la vieille ville où ils ont pris langue avec des citoyens, notamment des membres des associations pour la défense de ce patrimoine national, et les propriétaires des maisons.

Le wali devait, à cette occasion, préciser qu’il a été procédé en priorité au relogement à la nouvelle ville Ali Mendjeli des occupants des bâtisses qui menaçaient de s’effondrer. «Malheureusement, les anciennes maisons évacuées furent de nouveau occupées par des citoyens, au risque de voir ces ruines leur tomber sur la tête». Le wali soutiendra qu’il fallait préserver les vies humaines d’un danger qui pouvait survenir à tout moment. Ceci pour expliquer le fait de la démolition des bâtisses. En définitive, les émissaires d’Alger et les autorités locales se mirent d’accord pour stopper les démolitions. Selon nos sources, il sera créé une commission pilote au sein de laquelle le ministère de la Culture sera représenté par l’agence nationale d’archéologie et le directeur de la Culture de Constantine aux côtés d’autres responsables locaux.

Un programme de travail devra être défini pour dégager des solutions techniques, au cas par cas, pour décider d’une réhabilitation ou, à défaut, d’une éventuelle démolition. A la limite dans ce dernier cas de figure, il s’agira de préserver les acquis culturels qui doivent être protégés en tout état de cause.

A. Benkartoussa



6 mars 2005
DESTRUCTIONS EN SÉRIE
DE BÂTISSES SÉCULAIRES
Menaces sur la médina de Constantine
Il était une fois une ville qui s’appelait Constantine. C’était une très belle ville mais qui était gouvernée par des personnes qui n’ont jamais compris que cette ville très particulière était reconnue mondialement pour la beauté de ses sites et la pluralité de son histoire qui en ont fait la ville la plus ancienne au monde.
La ville bâtie du temps des Turcs était d’une incomparable richesse architecturale, mais a commencé à s’éroder face aux aléas du temps, conjugués à l’incivisme de ses habitants et à l’incompétence de ceux qui étaient censés la protéger. La ville européenne aussi a dû rendre l’âme après avoir été “contaminée“ par le virus des glissements de terrain, et ce qui a été construit après l’indépendance a été emporté un jour de gros orage par le Rhumel, déchaîné.
Nous aurons peut-être, dans un futur pas très lointain, à réciter la fin de Constantine, telle une litanie, à une génération qui aura subi la bêtise humaine à la disparition d’une ville que plusieurs envahisseurs avaient réussi, pour un temps, à faire courber, mais jamais à faire plier. Depuis plusieurs jours, la main de l’homme détruit sans vergogne ce que des siècles d’humidité et d’érosion n’ont pu mettre à terre. Pas moins de 48 maisons de la basse vieille-ville ont été rayées de la carte architecturale de Constantine.
L’administration, sous la conduite du chef de daïra, n’a pas fait dans la dentelle cette fois-ci. Dar el m’harsi, dar Beloucif, dar Bentchakar, plus connue par dar Daïkha, fille d’Ahmed Bey, pour ne citer que celles-là, se conjuguent déjà au passé, un passé composé de propriétaires véreux, de locataires « criminels » qui détruisaient leur habitation pour être relogés ailleurs et une administration sclérosée qui n’a jamais fait la différence entre une construction illicite et une autre historique.
Mme Badiâ Sahraoui, éminente enseignante en architecture, pointe un doigt accusateur vers tout le monde. « L’administration n’a fait qu’emboîter le pas aux locataires et vers certains commerçants qui ont transformé des maisons en de douteux bazars. Les autorités, de peur que l’irréparable se produise, comme l’affaissement d’une maison, ont préféré précéder les évènements. Ce qui nous donne une destruction officielle et une autre officieuse. De mon côté, je me pose toujours la question suivante : qui est responsable de la vieille-ville, l’APC ou les ministères de l’Habitat ou de la Culture ? Quant au fameux Master plan, c’est un passage théorique par lequel on est obligé de passer, mais il faut aller au-delà, car le temps n’œuvre pas pour la vieille ville. »
Il faut savoir que la ville de Constantine a été classée patrimoine national en avril 2004, malheureusement cela n’a pas empêché les démolitions de continuer de plus belle. L’Association pour la sauvegarde du patrimoine architecturale de la vieille ville, créée en mai 2003 qui regroupe plus de 150 propriétaires, ne sait plus à quel marabout se confier. « L’APW a proposé de détruire toute maison évacuée, sans l’aval de ses propriétaires, en 2001. Une opération qui a été reportée, puis suivie par une autre à la tête du client avec comme motif de lutter contre le squattage. Mais si ce n’étaient pas les mêmes familles évacuées qui revenaient à leur ancien “logement“, après avoir vendu le neuf, c’étaient d’autres personnes qui réoccupaient les lieux sans la connaissance du propriétaire », nous dira M. Bouchedja, le président de l’association.
48 maisons terrassées en une semaine

Sur place, après l’action des masses des agents de l’APC, le passage des bulls étant impossible à cause de la configuration du site de la vieille-ville, un spectacle de tsunami s’offre à nos yeux. A la place des ouaste dar, jadis lieu de rencontre et de convivialité entre les habitants, ne subsistent que ruine et désolation. Nous avons pénétré à l’intérieur d’une maison dont ne subsistent que les murs porteurs. Au milieu des gravats, une grappe d’adolescents était agglutinée autour d’un feu improvisé qui les réchauffait, au même titre que l’alcool qu’ils ont ingurgité auparavant et les cigarettes bien dosées qu’ils enroulaient à l’abri des murs porteurs de la maison. Nous ne quitterons les nouveaux propriétaires qu’après avoir acheté une cigarette roulée et bien chargée, question de justifier notre présence sur les lieux.
Nous apprendrons qu’il y a autant de lieux semblables que de maisons détruites de l’intérieur. D’ailleurs, en compagnie du chef de daïra et de l’équipe chargée des démolitions, nous découvrirons des gourbis occupant le vide laissé après l’évacuation, des mères abandonnées par leur progéniture après l’octroi d’un logement pour la famille, et surtout plusieurs lieux de débauche. Nous serons même agressés verbalement par une fille qui se disait de Souk Ahras qui criait à qui voulait l’entendre : « Je suis une p... et j’assume. C’est mon boulot. » Ebahis, nous découvrirons des chambres très cossues, élégamment meublées, qui servaient de logis et de lieu de travail pour le plus vieux métier du monde et qui contrastaient hideusement avec les gravats et les détritus qui servaient de décor environnant. L’évacuation des filles de ces lupanars ignorés de tous, mais connus par tout le monde ne se fera pas sans grabuge, contrairement aux familles qui avaient squatté des maisons plus loin, qui tête basse partiront vers un avenir incertain. Un habitant de Zankat Lâmamra était aux anges après l’évacuation de force des filles de joie. Ces filles et leurs maquereaux nous pourrissaient la vie. Ils régnaient en maîtres, au vu et au su des autorités. Je sais que les propriétaires de maisons et quelques associations parlent de culture. De mon côté, je ne pense pas que ce qui se faisait ici ressemble de loin ou de près à de la culture.
De son côté, Ahmed Benyahia, président de l’association du Vieux-Rocher et artiste connu sur la place de Constantine, ne veut nullement entendre parler de démolition. « La démolition reste l’extrême solution et la plus mauvaise. Il faut créer une sorte d’ateliers de la médina sous la direction du ministère de la Culture pour essayer de restaurer avec des matériaux authentiques, car la vieille ville reste la mémoire de Constantine et il faut la protéger. Pourquoi ne pas prendre ce que l’Unesco est prête à nous donner ? Pourquoi en 1985 l’APC avait jugé des demandes de construction sur le site de la vieille-ville caduques du fait de restaurations futures, et ordonnée depuis les démolitions ? Je pense que les 52 ha de Souika et autres quartiers arabes, en plein centre-ville attise l’appétit de la mafia du foncier, cela après le pillage organisé et systématique des richesses du Palais du bey, en restauration éternelle, d’El Ketania, de la synagogue, comme la faïence, les lustres, les meubles et les portes. Même ce que les autorités appellent pompeusement restauration n’en est pas une, car on ne peut restaurer qu’avec des maîtres artisans et non avec des marteaux et autres engins de destruction. La preuve, Sidi Rached est définitivement perdu suite à sa restauration et le Palais du bey le sera après la fin des travaux. Je préconise une pause, une hodna, pour voir où l’on va. La vieille-ville de Constantine est en voie d’être classée patrimoine mondial de l’humanité. Attendons encore un peu. La cellule de réhabilitation et de sauvegarde de la vieille-ville présidée par le wali s’est vidée de sa substance. Même le directeur de l’urbanisme censé en être la cheville ouvrière ne se manifeste plus. On ne le voit que lorsqu’il y a des délégations étrangères. Alors je fais appel au ministère de la Culture et aux nombreux amoureux de l’antique Cirta pour arrêter le massacre. »
La société civile en émoi
C’est vrai que plusieurs associations œuvrent inlassablement pour la préservation de ce qui peut encore l’être. D’ailleurs, lors de l’évacuation des squatters de dar Daïkha, les membres d’une association bénévole tenteront sur les lieux de faire infléchir le chef de cabinet de la wilaya et le chef de daïra quant à la démolition « du site historique que représente la maison ». Peine perdue, puisque la machine destructrice était déjà en marche. « Je suis chagriné autant sinon plus que ces gens pour le sort réservé à quelques maisons de la vieille-ville, nous dira M. Aouachria, chef de daïra de Constantine, mais la sécurité des citoyens passe avant tout. Il faut être lucide : l’Etat n’a pas les moyens des restaurer ou de rénover tout le bâti de cette vieille-ville. C’est vrai que cette maison aurait pu être classée, mais vous voyez que son état ne laisse aucun doute sur son affaissement prochain et inéluctable. D’ailleurs, plusieurs personnes affiliées à ces associations pour la préservation de la vieille-ville ne militent que pour des maisons qui leur appartiennent, en principe. » Et M. Aouachria nous exhibera des documents qu’une personne présente avec l’association lui avait remis, il y a quelques semaines, tentant de diriger son avis quant à une affaire d’héritage d’une maison dans cette même vieille-ville.
Il reste qu’après la destruction des maisons de l’intérieur, et après le départ des « démolitionmeurs » le problème de squattage des lieux par une faune malfaisante ne fait aucun doute, comme cela s’est passé à Rebaine Chérif et d’autres quartiers du Rocher. « Le problème est très sérieux. Une opération de déblayage et de surveillance des lieux doit en principe suivre celle des démolitions. Malheureusement, par manque de moyens financiers, la deuxième opération n’a pratiquement jamais eu lieu », nous avouera le chef de daïra. Et les associations de conclure que les autorités « dégainent » très vite pour expulser des familles, il est vrai dans leur tort, pour livrer ensuite les lieux à des voyous sans vergogne qui y nageront comme des poissons dans l’eau.
En attendant, la machine destructrice continue son œuvre, implacablement, reléguant au fin fond du Rhumel les plaintes et les complaintes de ceux qui ont Constantine dans le cœur. Les solutions, pas immédiates, malheureusement, existent comme celles que nous propose Badiâ Sahraoui. « Si j’avais un quelconque pouvoir, j’arrêterais le rôle de chacun. Je ferais en sorte que les décideurs soient des techniciens et non des bureaucrates, et où l’acteur principal sera la commune . Ce n’est qu’à partir de là qu’on commencera à avoir une ébauche d’un vrai projet pour notre médina. »
Y aura-t-il une cavalerie qui interviendra en dernière minute, comme au cinéma, pour sauver l’héroïne qu’est la vieille-ville de Constantine, ou au contraire l’amère réalité enveloppera les vieux quartiers pour les reléguer au rang de vestiges du passé ? Nul ne peut le dire pour le moment.
Hamid Belagha


09/03/05
Vieille ville de Constantine
Le ministère de la Culture ordonne
l’arrêt de démolitions            

C’est grâce à une inspection ministérielle que l’opération de relogement de 97 locataires habitant la vieille ville a été stoppée après que plusieurs associations eurent constaté la démolition de maisons concernées sous prétexte de les empêcher d’être squattées.

L’opération en question, entamée par les services de la wilaya et de l’Apc de Constantine depuis deux semaines, a soulevé l’indignation de plusieurs personnalités de la ville alertées par des propriétaires de bâtisses au sein de la vieille ville qui a été, rappelons-le, classée monument historique et patrimoine culturel par le ministère de la Culture.
D’ailleurs, c’est le rapport écrit par le directeur de la culture Zetili Mohamed à l’intention de sa tutelle qu’une délégation composée de l’inspecteur chargé du patrimoine et du directeur de l’Agence nationale pour la préservation du patrimoine historique et culturel s’est rendue sur les lieux jeudi dernier pour constater de visu que les démolitions ont touché des bâtisses en bon état, que des croix rouges étaient injustement mises sur des maisons en bon état et que de graves dégradations ont été causées depuis le début de l’opération.
Après cette visite des lieux, le wali de Constantine, ayant écouté l’ensemble des parties, a décidé de suspendre l’opération de relogement. Une décision, qui a ramené la sérénité au sein des habitants de la vieille ville, notamment ceux qui avaient entamé des travaux de restauration et de consolidation grâce à l’aide de l’Etat il y a quelques années.
Si squatter des maisons est certes un phénomène à combattre, la préservation du patrimoine de la vile, notamment ses constructions, sont du domaine des compétences des autorités locales qui se doivent de le protéger. Il est toujours utile de rappeler que certains bâtiments de la vieille ville sont de véritables musées car datant de l’époque ottomane. Il y a une vingtaine d’années, un habitant de Souika, qui voulait consolider les fondations de sa maison, avait découvert un bain romain. C’est dire que la veille ville de Constantine n’a pas encore livré tous ses secrets. Enfin, la présence de la délégation du ministère de la Culture à Constantine a permis le lancement d’une étude pour la restauration de la vieille ville de Constantine par un bureau d’études italien.
Qu’est-ce qui a poussé les autorités locales à accélérer cette opération de relogement dans la veille ville, alors que des centaines de locataires, dont les bâtisses sont véritablement menacées par des glissements de terrain, attendent toujours leur recasement ?
Mourad Belbey


15 mars 2005
ELLES OCCUPENT DES TENTES APRES
LES DERNIERES DEMOLITIONS
Treize familles de Souika crient à l’injustice
Les représentants de treize familles, entre propriétaires et locataires, habitant les deux immeubles, sis aux numéros 03 et 29, de la rue Benzagoutta, à Souika ont adressé une correspondance à la première autorité de la wilaya pour «dénoncer la démolition de leurs immeubles et surtout de se retrouver en conséquence dans la rue, avec pour simples abris, des tentes confectionnées avec de la toile cirée».
Dans cette lettre qui compte 13 signatures, avec des copies destinées au président de l’APC et au chef de daïra, et dont nous détenons une copie, les familles expliquent leur situation. Selon elles, leurs habitations ont été démolies par les autorités locales sous prétexte que les locataires de celles-ci ont déjà bénéficié de logements sociaux neufs. «Nous étions ainsi considérés comme des indus habitants, venus d’ailleurs, et que nous avons pris possession de ces habitations après le départ de leurs véritables occupants. Or nous démentons catégoriquement ces dires. Nous sommes les habitants authentiques de ces lieux et certains d’entre nous y demeurent depuis une cinquantaine d’années, et nous n’avons jamais bénéficié de logements sociaux. Nous sommes injustement expulsés de nos demeures et nous sommes dispersés dans la rue, femmes, enfants et mobilier, sous des abris de fortune, et ce depuis la démolition des maisons, fin février 2005», disent les concernés. Ces personnes se sont donc adressées au wali de Constantine pour reconsidérer leur cas, leur trouver un moyen de recasement et mettre un terme à leur détresse, car cela fait plus de vingt jours qu’elles vivent sous des tentes, exposées aux rigueurs de l’hiver.
Le chef de daïra que nous avons contacté, s’inscrit en faux contre ces dires. Il déclare «que la décision de démolition a été prise après enquête diligentée par une commission désignée par le secteur urbain de Sidi Rached et les véritables occupants de ces logements détruits ont été recasés dans des logements sociaux et ceux qu’on a trouvés au moment des démolitions, sont des indus occupants. Il s’agit soit de membres des familles ayant déjà bénéficié de nouveaux logements soit des gens qui sont arrivés bien après le recasement. Et s’il s’agit réellement des propriétaires, ils seront autorisés à réoccuper leurs habitations après leur réhabilitation».
Comment ces familles peuvent-elles réhabiliter des demeures qui ont été démolies? interrogeons-nous le chef de daïra. Ce dernier précise que ce sont uniquement les cloisons de ces demeures qui ont été démolies.
Abdelkrim C.
17 mars 2005
ENTRE ARGUMENTS ET CONTRE-ARGUMENTS
Quel sort pour Souika ?
Les débats qui avaient suivi une projection d’un documentaire sur Souika, ce mardi, particulièrement après les démolitions de certaines de ses vielles bâtisses ces derniers jours, étaient pour le moins passionnés, pour ne pas dire vifs, mais instructifs au sein du Club de réflexion et d’initiative sur un sujet qui prend les allures d’une véritable controverse dans la ville des ponts. Entre l’argument massue de l’impérieuse nécessité de préserver des vies humaines menacées par l’effondrement des vieilles bâtisses, brandi par le wali de Constantine, et la levée de boucliers des défenseurs de l’un des repères incontournable de la mémoire collective, qui parlent de «fuite en avant» des autorités locales, l’essentiel a été ainsi résumé. Le CRI a pris son parti en proposant à l’assistance, composée d’hommes de culture, des représentants d’association, de journalistes... un documentaire sans concession. Et pour cause, le film déroulait une triste réalité faite de décombres sous lesquelles sont désormais enterrés les plus ambitieux projets que nourrissent les amoureux de la médina.
Le professeur Hocine Benkadri, président du CRI, souligne dans son intervention que «Souika pouvait rester encore debout un autre siècle et que ce quartier détruit à tort et à travers n’est pas un bidonville d’El-Gammas ou du Bardo»
Le documentaire présentait à l’assistance, par ailleurs, les véritables richesses que recelait la vieille ville dont beaucoup de bâtisses ont été construites avec des matériaux nobles et quelques-unes en gardent le souvenir impérissable.
L’une des images les plus marquantes était cette vieille dame qui pleurait sa maison détruite. «Je ne veux pas aller au F2» criait-elle, en exhibant l’acte notarié de son feu père établi en 1903. Elle se disait attachée à sa maison qui a été partiellement rasée. «Je n’ai connu ni commission d’enquête, ni opération de recensement» affirme-t-elle.
Le CRI est «descendu» sur le terrain pour évaluer les dommages causés à la vielle ville. La délégation de ce club, composée d’architectes et d’experts, avait constaté l’ampleur des dégâts causés par le temps et particulièrement par la main de l’homme. L’assistance n’est pas restée insensible à tant de richesse qui se consume à petit feu et dont la destruction risque d’être hâtée par les pelles et les pioches. Au-delà des réprobations, les présents s’accordaient à jeter la pierre plutôt à l’immobilisme et les tergiversations et certains soupçonnaient même une arrière-pensée à 20 ans de bonnes intentions et autant de voeux pieux. C’est dire et traduire la volonté du CRI à susciter, non pas la réflexion mais l’action des pouvoirs publics à sauver la vielle ville en tant que mémoire collective. Les débats n’ont pas manqué de déborder le strict cadre de Souika qui se meurt, dira un intervenant pour atteindre les contours, plutôt toute la profondeur du marasme que vit une ville deux fois millénaire comme Constantine. En un mot comme en mille le constat était amer.
M.S.Boureni


17 mars 2005
DÉMOLITION DE SOUIKA
Des familles dans la rue
Elles sont plus de treize familles qui vivent, depuis plusieurs jours, dans la rue, après que les autorités locales eurent décidé de démolir leurs habitations situées à Souika. Pour dénoncer cette pratique qu’ils ont qualifiée d’injuste et d’arbitraire, les représentants de ces mêmes familles, entre propriétaires et locataires de deux immeubles de la rue Benzaguetta, viennent d’adresser au premier responsable de la wilaya, une correspondance dans laquelle ils exprime l’immense «regret» de voir leurs demeures détruites. Les signataires se sont particulièrement élevés contre le fait de se trouver dans la rue avec pour simple abri des tentes confectionnées avec de la toile cirée, et placées à la hâte. Les contestataires, tout en expliquant leur situation lamentable, ont réfuté le prétexte avancé par les autorités faisant état qu’ils ont bénéficié d’un logement. Dans ce contexte, ils attestent: «Nous sommes considérés comme des arrivistes, venus d’ailleurs et que nous avons occupé ces habitations après le départ de leurs véritables propriétaires. Ce prétexte n’est pas fondé, c’est un mensonge, car nous sommes les véritables occupants de ces constructions. Plusieurs d’entre nous sont là depuis plus de cinquante ans, où sont-ils allés chercher ces idées. Et puis, on n’a jamais bénéficié d’un logement. Où allons-nous partir après la démolition de nos maisons. Nous sommes dans cette situation depuis la fin février».
C’est donc le message adressé au wali, lequel devrait prendre les décisions adéquates, selon ces treize familles pour une solution urgente.
Par ailleurs, et concernant toujours le vieux bâti de Souika, qui a fait l’objet de démolition, on croit savoir qu’une vingtaine d’associations ont signé un document dans lequel elles soutiennent le wali et les autorités locales, quant à la décision de «destruction» de Souika, pourtant classée «patrimoine national».
C’est la situation qui a engendré une sorte de «polémique» entre de nombreuses personnes. Celles qui sont pour et celles qui sont contre. En attendant de voir plus clair dans ce dossier, rappelons que l’opération de démolition est suspendue pour le moment sur ordre du ministère de la Communication.
Ce dernier avait dépêché la semaine dernière une commission d’enquête suite à la contestation de la population et des associations à caractère culturel.

Ikram GHIOUA


19 mars 2005
Le wali mal conseillé
Les fantômes de Constantine volent au secours du wali et ajoutent un zest de comique à  la tragédie de démolition de la vieille ville, Souika.
En effet, les cerveaux de la destruction qui entourent le wali n’ont rien trouvé de mieux, pour sauver les meubles du cabinet, que d’instrumentaliser un mouvement associatif fantoche pour apporter son soutien à Tahar Sekrane. Comment interpréter sinon ce communiqué signé par une vingtaine d’associations de quartier prenant à contresens la dynamique citoyenne qui a permis de stopper l’innommable entreprise de destruction ? Décidément, le ridicule ne tue pas, surtout quand le RND est derrière.
Le communiqué qui a été adressé aux hautes instances de l’Etat ne se limite pas en plus au soutien apporté à l’opération démolition et pousse l’outrecuidance jusqu’à tirer à boulets rouges sur les organisations et les personnalités qui ont agi contre, en les qualifiant de « marchands du malheur ». La parade, qui tente visiblement d’influencer le travail des commissions ministérielles venues enquêter sur l’affaire, emprunte le mensonge en reprenant les arguments de la démolition développés par les autorités locales. Ces dernières voulaient faire croire que les bâtisses visées étaient devenues des nids de brigands squattés par les alcooliques et les prostituées, ou encore que certaines d’entre elles menaçaient de s’effondrer sur la tête des occupants.
Mais les 39 maisons démolies sur un total de 185 étaient-elles toutes fragiles ou affiliées à la délinquance ? Non bien entendu, et les spécialistes sont les mieux placés pour nous le dire. Les architectes urbanistes, dont ceux de la cellule de réhabilitation de la vieille ville, ont d’ailleurs réagi de leur côté et adressé une correspondance à la direction de l’urbanisme et la construction pour déclarer leur opposition à la démolition que rien ne peut justifier selon eux. En outre, Souika est classée depuis 1992 patrimoine national et le nouveau dossier de classement en application de la nouvelle loi sur le patrimoine est sur le bureau du secrétariat du gouvernement, ce qui interdit toute opération de destruction.
Il y a eu donc violation d’une loi et une atteinte incompréhensible contre un monument qui a bénéficié du soutien du président de la République avant de décrocher une étude de réhabilitation appelée Master Plan, conduite par les Italiens. Ces derniers étaient d’ailleurs à Constantine quelques jours avant le déclenchement de l’opération ; l’encre de leur rapport n’avait pas encore séché que la démolition a commencé. La responsabilité dans la mort de Souika est partagée, certes, y compris par les propriétaires des maisons, mais le coup porté récemment par l’administration dépasse de loin toute autre entreprise de destruction. Le premier responsable semble avoir été induit en erreur mais les méchants loups sont bien connus dans notre bergerie et semblent avoir réussi une nouvelle fois à se tirer d’affaire en détournant les commissions d’enquête de leurs objectifs.
A défaut donc de comprendre les visées cachées de la démolition, nous attendrons la naissance d’une nouvelle commission pilote composée de ceux-là même qui ont conduit l’opération. Le poisson est plus que jamais noyé.
N. Nesrouche

21 mars 2005
Démolition de Souika (Constantine)
La « résistance » continue
Comme à son habitude, le Club de réflexion et d’initiative, CRI, s’est impliqué pleinement, cette fois-ci dans l’affaire des démolitions du vieux bâti de Souika, une action dirigée par l’administration constantinoise, et qui a eu une réprobation quasi générale quant à la célérité avec laquelle des pans entiers de l’histoire séculaire de la ville ont été abattus.
Le film projeté, qui montre les dégâts occasionnés par le zèle des démolisseurs, reste un modèle du genre puisqu’il n’a à aucun moment cherché à juger ni à justifier. C’était tout simplement des drames humains qui se jouaient sous l’œil vigilant, mais neutre d’une caméra qui voulait reproduire la détresse des petites gens victimes de la cruauté des « loueurs-escrocs » ou de l’implacabilité d’une administration sourde et aveugle. « Nous n’avons pas voulu réagir à chaud, dira le président du CRI. On a préféré faire notre petite enquête avec des spécialistes pour échapper au mouvement de récupération qui est en train de se tisser autour de cette tragédie. Nous avons voulu livrer à la presse et aux amoureux de Constantine un travail sans complaisance qui se veut objectif et qui n’aura comme finalité que d’aider, en association avec toutes les âmes de bonne volonté, notre ville meurtrie. » Un message qui a eu un effet sur l’assistance, une assistance divisée entre les « pour » et les « contre » la démolition du vieux bâti, chacun apportant des arguments qui ne sont pas forcément les siens.
Il reste que le plus important est l’adhésion de tous pour un avenir meilleur pour la vieille ville, telles l’initiative apolitique du CRI et la disponibilité des cadres d’Algérie Télécom, et à leur tête leur premier responsable, qui s’impliquent avec armes et bagages, à chaque fois que la médina le demande.
Hamid B
5 avril 2005
Sauvegarde du patrimoine
Constantine enfin classée
En attendant sa parution dans le Journal officiel, la décision a été prise mardi dernier pour classer le Rocher de Constantine comme secteur sauvegardé.

Après deux années d’étude du dossier, la commission interministérielle chargée du classement du patrimoine a finalement reconduit la sauvegarde du centre-ville de la capitale de l’Est selon les critères soulignés dans la nouvelle loi sur le patrimoine de 1998. La nouvelle a apporté la joie et le soulagement aux défenseurs de l’héritage urbain notamment à l’Association de défense du Vieux Rocher et à son président Ahmed Benyahia qui nous a transmis l’information. Il faut dire que tout un chemin a été suivi pour faire aboutir ce dossier abandonné par les autorités locales et tous les élus de la population. Le tollé soulevé récemment par la société civile suite à des opérations officielles de démolition dans la vieille ville Souika a sans doute accéléré la décision de l’Etat. Ainsi, tout projet qui touche aux ouvrages bâtis ou bien aux espaces compris dans le Rocher jusqu’à la place des Martyrs devient presque impossible et soumis à des conditions draconiennes imposées par la loi.
N. Nesrouche

13 avril 2005

Master Plan pour la vieille ville
L’exposé final en juin prochain

Deux éminents professeurs de l’université italienne Roma III sont à Constantine depuis hier pour les besoins du Master Plan destiné à la réhabilitation de la vieille ville.
Il s’agit d’une visite de travail consacrée à la préparation de l’exposé final fixé pour juin prochain. Les experts italiens ont défilé depuis le 17 janvier 2003 dans le cadre de ce projet et leurs travaux d’expertise semblent prendre forme et aboutir aux résultats escomptés, voire plus. En effet, le fruit de ces deux années de travail est un guide de réhabilitation de Souika qui sera élaboré et mis entre les mains des autorités. Ce guide élaboré à partir des données récoltées sur le site devra répondre à toutes les questions techniques au sujet de la construction, la démolition ou l’aménagement des espaces à Souika et pourra servir aussi comme cahier des charges aux chantiers.
Fini alors le bricolage et les opérations hasardeuses qui ont éprouvé la vieille ville, d’autant que celle-ci vient d’être classée comme secteur sauvegardé et bénéficie ainsi d’un instrument juridique qui la protège désormais contre les agressions de l’homme. Quelques bribes d’informations, qui filtrent déjà à propos de ce que sera Souika, parlent de la reconstruction, en plus du confortement des maisons encore solides, de toute la partie basse du site aujourd’hui en ruine.
Les nouvelles « vieilles » constructions donneront cependant à Souika la vocation d’une véritable médina, notamment grâce aux activités artisanales et aux espaces d’exposition projetés, alors que certaines maisons pourront devenir des hôtels. Les concepteurs ont tracé également un nouveau chemin touristique en plus de celui de la rue Slimane Mellah et tentent de créer deux voies d’accès carrossables à l’intérieur du site. La rencontre tenue hier en présence d’un directeur central du ministère de la Culture semble engager ainsi un dernier virage avant la présentation du Master Plan.
Il faudra commencer dès lors à réfléchir sur la mise en œuvre du projet et dégager les moyens nécessaires pour réussir l’ensemble des interventions pour ainsi redonner à la vieille ville sa dimension historique et son attrait touristique
N. Nesrouche


13 avril 2005
La vieille ville de Constantine enfin reconnue
Le Vieux-Rocher classé patrimoine national

Le tollé provoqué par les habitants de la vieille ville de Souika à Constantine a enfin donné ses fruits puisque la commission interministérielle chargée de l’étude du dossier, a rendu son verdict en classant le Vieux Rocher de Constantine comme patrimoine national.

La classification du Vieux Rocher de Constantine va permettre à la vieille ville d’être sauvegardée et ne point être détériorée ou laissée à l’abandon. L’opération de relogement des 97 locataires de la vieille ville avec des destructions des bâtisses vidées avait soulevé une vague de mécontentement. Fort heureusement, le ministère de la Culture avait réussi à stopper le massacre grâce à une commission d’enquête dépêchée sur les lieux.
Le dossier de classification du Vieux Rocher de Constantine gisait au ministère depuis deux années, temps pris pour étudier les arguments contenus dans la requête des Constantinois qui ont bénéficié de la loi de 1998 sur le patrimoine historique national. Cette classification va permettre la sauvegarde d’un pan de l’histoire de la première capitale numide. Bien évidemment, la nouvelle a soulagé les défenseurs de la vieille ville que les élus locaux et les députés n’ont jamais pu défendre adroitement l’antique Cirta qui mérite cette classification.

M. B.


24 avril 2005
Ils vivaient sous des tentes depuis le mois de février
Cinq familles de Souika évacuées par la force publique
Les responsables du secteur urbain de Sidi Rached ont fait appel à la force publique pour faire évacuer 5 familles de Souika qui avaient érigé des tentes de fortune, faites essentiellement de toile cirée, après l’opération de démolition des bâtisses qu’elles occupaient en février dernier par les autorités locales.
Selon le chef du secteur de Sidi Rached, ces familles devaient quitter les lieux impérativement. Et si droit elles ont, elles peuvent le faire valoir devant la justice.
Rappelons qu’au départ, 18 habitants de deux immeubles sis aux numéros 3 et 29 de la rue Benzagoutta sont montés au créneau pour « dénoncer la démolition des immeubles dont ils sont propriétaires et que, par cette action, ils se retrouvent dans la rue, avec pour simple abri une tente confectionnée avec de la toile cirée ».
Dans une lettre adressée au wali de Constantine, avec des copies destinées au président de l’APC et au chef de daïra, signée par tous les chefs de famille, ces habitants, qui étaient au nombre de 18 familles, expliquent leur situation. Selon leurs propos, leurs habitations ont été démolies par les autorités sous prétexte que les occupants de celles-ci ont déjà bénéficié de logements sociaux neufs. « Nous étions ainsi considérés comme des indus habitants venus d’ailleurs, et que nous avons pris possession de ces habitations après le départ de leurs véritables occupants. Nous démentons catégoriquement ces dires. Nous sommes les habitants authentiques de ces lieux et certains d’entre nous y demeurent depuis une cinquantaine d’années. Et nous n’avons jamais bénéficié de logements sociaux », soutiennent-ils. Et d’ajouter: « Ainsi, nous sommes injustement expulsés de nos demeures et nous sommes dispersés dans la rue, avec femmes, enfants et mobilier, sous des abris de fortune, et ce depuis la démolition des maisons par les autorités, fin février 2005 ».
Ces familles se sont donc adressées au wali de Constantine pour reconsidérer leur cas et les faire bénéficier de recasement afin de mettre un terme à leur détresse, car cela fait plus d’un mois que cinq de ces familles sont sous des tentes, d’où elles viennent d’être expulsées par la force publique hier à 9 heures du matin. Le chef de daïra déclarait que «la décision de démolition a été prise après enquête diligentée par une commission désignée par le secteur urbain de Sidi Rached. Celle-ci a conclu que les véritables habitants de ces logements détruits ont été recasés dans des logements sociaux et ceux qui les occupaient au moment des démolitions n’en sont pas les véritables propriétaires.
C’est probablement des membres de la famille qui ont squatté ces logements. Et s’il s’agit réellement des propriétaires, qu’ils produisent les documents de propriété. Ils seront autorisés à réoccuper leurs habitations après leur réhabilitation, car il faut préciser que ce sont uniquement les cloisons de ces demeures qui ont été démolies ».
Abdelkrim C.

3 Mai 2005
Les dégâts causés à la Médina suscitent encore des réactions
Discrète enquête de la chefferie du gouvernement
Alors que le mouvement associatif attaché à la vieille ville de Constantine continue de demander des interventions de diverses autorités nationales pour sauver ce qui peut l'être encore du bâti de la Médina, les services centraux du chef du gouvernement auraient réagi positivement à ces sollicitations pour engager une discrète enquête à Constantine sur ce qui s'est passé réellement dans la vieille ville.
En effet, selon des sources bien informées, un émissaire de ces services est venu le week-end passé pour s'enquérir discrètement sur le terrain de la réalité de la situation de ce patrimoine historique. Au cours de son séjour, il aurait pris attache avec les services locaux en charge de la réhabilitation de la vieille ville, comme la cellule de la wilaya de réhabilitation ou le mouvement associatif de la Médina comme l'association de défense du rocher, ou encore quelques experts et universitaires locaux spécialistes de cette question.
Sur le site, il a été constaté l'ampleur des dégâts causés par les dernières démolitions décidées par la wilaya de Constantine, pour des raisons de sécurité du site, comme cela a été justifié à l'époque, suite aux importantes intempéries de cet hiver et au squattage du vieux bâti par des familles indues occupantes. Quelque trente-sept maisons ont fait l'objet de démolition qui devait toucher, a-t-on appris de cette même source, plus d'une centaine d'autres. L'opération a été stoppée suite à la vive réaction de la société civile locale, d'autant que la vieille ville fait l'objet d'une étude par des experts italiens pour la mise en place d'un master plan devant permettre l'engagement d'une opération de sauvegarde.
L'association des artisans de la vieille ville signale la démolition de ce qui était la dernière maison des «Débaghines», les tanneurs de la Médina, dont le métier disparaît ainsi à jamais après une existence de plusieurs siècles dans le rocher. D'autres habitants parlent avec une vive émotion de ce qui aurait pu disparaître, alors qu'il est chargé d'une haute valeur historique, comme «Dar El Wasfan», édifice construit depuis le 16e siècle par des immigrés noirs de Tombouctou qui se sont installés sur le rocher à cette date. Mais la situation à laquelle est parvenue ce site nécessite, selon des avis de ces experts, le confortement rapide de ce qui a été épargné et ce avant la prochaine période hivernale.
Par ailleurs, le classement de ce site comme patrimoine national, enfin officialisé récemment par les hautes autorités du pays, suite à cette affaire de démolition, lui donne la protection juridique qui lui manquait. De ce fait, aucune démolition ni nouvelle construction ne peut être engagée sur ce site, en dehors du programme de réhabilitation une fois approuvé et officialisé. Une situation nouvelle qui interpelle les autorités locales au sujet du nouvel hôtel Ibis du groupe Accor et qui doit s'ériger en plein cœur du rocher.
M. Ahmed
 
05/07/05
Vers l'arrêt de toute démolition et
le début de la restauration effective.
Une commission de wilaya
pour protéger la Médina
Le dispositif réglementaire adopté en Conseil du gouvernement à la fin du mois de mai passé, qui a déclaré la Médina de Constantine secteur sauvegardé, a, semble-t-il, donné ses premiers fruits avec l'installation d'une commission de suivi de la vieille ville.
Cette commission, présidée par le wali et composée des assemblées locales, APC et APW de Constantine, de la cellule de réhabilitation de la vieille ville, de la sûreté de wilaya et de la protection civile, de la DUC, de l'agence archéologique, du CTC et du mouvement associatif en charge de la question de la Médina, aura pour attribution de se pencher sur toutes les questions relatives à la réhabilitation et à la restauration ou à la démolition du vieux bâti de ce secteur historique du vieux rocher. Une situation nouvelle qui vient à point nommé et qui met à l'abri un tissu urbain qui recèle une grande valeur culturelle, de tout acte de nature à l'altérer ou à le détruire, comme ce fut malheureusement le cas jusqu'à une date récente.
Cette commission œuvrera donc à préserver ce qui reste du bâti de ce site important de la ville de Constantine, qui a été gravement endommagé par les politiques passées de démolition prônées par les APC de Constantine dans les années soixante-dix et quatre-vingt.
D'autre part, les citoyens qui y habitent ont participé à cette destruction, dans l'espoir d'un relogement dans des habitations neuves. Et même la wilaya, récemment, a ordonné la démolition de plus de 48 bâtisses pour nettoyer le secteur de «constructions qui menaçaient de s'effondrer et qui mettaient en péril la vie de citoyens», selon l'explication officielle donnée à l'époque.
Ceci sans études préalables et sans aucune consultation d'experts ou d'institution en charge de la protection du patrimoine, et ce en raison de l'absence de texte réglementaire protégeant la Médina. Or aujourd'hui, la démolition ne peut avoir lieu qu'en cas de force majeure, après avoir constaté l'impossibilité de restaurer le monument et si ce dernier constitue un danger réel pour l'environnement. Dans ce cas précis, un permis de démolition est nécessaire et devrait être délivré par le ministère de la Culture seulement.
La question du classement de la vieille ville de Constantine ayant enfin abouti, un décret exécutif promulgué fin mai passé permet à la Médina de Constantine de bénéficier des mesures de protection proclamées par la loi 98-02 relatives à la protection du patrimoine, et dont la première application réside dans la création de cette commission.
M. Ahmed


9 juillet 2005

MÉDINA DE CONSTANTINE :
CLASSÉE PATRIMOINE PROTÉGÉ

Considéré comme dernier recours dans le plan de sauvegarde de la vieille ville de Constantine, et longtemps attendu, notamment par les associations et les amis de l’antique Cirta, un décret ministériel vient d’être validé par le conseil du gouvernement la classant patrimoine protégé.


Pour Chiaba Lazred, chef de la circonscription archéologique, «le décret exécutif, développant l’article 45 de la loi 98/04 relative à la sauvegarde et à la mise en valeur de la vieille ville, est surtout un outil juridique, où les responsabilités sont partagées entre les différentes parties à qui incombent la protection et la mise en valeur de la médina, afin d’arriver à une meilleure gestion».

Concernant les délimitations du secteur sauvegardé, M. Chiaba a déclaré : «Il s’agit de toute la médina de Constantine, dont 80 % des limites sont naturelles, à commencer par le pont Sidi Rached, les gorges du Rhumel, Souika, Rahbet Souf, Sidi Djliss, Ercif, en passant par Bab El-Kantara, Mellah-Slimane, le pont suspendu et La Casbah.» A la question des dispositions qu’impose cette mesure, le chef de la circonscription archéologique nous a affirmé que «la première tâche qui suit la mesure de la protection est l’élaboration d’un plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur.

Un travail méticuleux, qui met en évidence l’état actuel des valeurs architecturales, urbaine et sociale, à savoir l’état de conservation du bâti, le cadre démographique, les activités économiques et surtout la nature juridique des propriétés, qui sera étudiée cas par cas.

Cette étude, a-t-il poursuivi, qui fait ressortir les différentes phases d’évaluation du secteur est primordiale pour pouvoir passer à une analyse topographique, basée sur les préexistences recensées, pour arriver enfin à une rédaction finale du plan permanent de mise en valeur du secteur sauvegardé».

Ceci avant de souligner la collaboration de toutes les administrations, telles que la DUCH, l’APC, les Directions de l’urbanisme et des affaires religieuses, ainsi que les associations susceptibles d’aider à l’élaboration de ce plan.

A propos des propriétaires au sein des zones sauvegardées, M. Chiaba a assuré que «ce sont des partenaires confirmés, à qui incombent devoir et droit de garder leur bien et de l’entretenir, mais aussi le respect des lois qui régissent les propriétés entrant dans un patrimoine, et l’adaptation aux exigences de la conservation».

Sur le volet financier, qui doit être assuré afin de concrétiser le plan de sauvegarde et de mise en valeur, notre interlocuteur nous a répondu que «le projet de faire de la médina une œuvre grandeur nature sera financé par plusieurs directions, notamment la tutelle, l’université Roma III, chargée d’établir le masterplan, le plan de réhabilitation, et la ville de Grenoble dans le cadre des accords communs du jumelage des deux villes, mais aussi, l’UNESCO, qui subventionne ce genre de mesures.

Il y aura même la contribution des propriétaires. Coté association, contacté, Fodil Bouchedja, président de l’Association du patrimoine architectural de la vieille ville, nous a affirmé que la mesure de sauvegarde en elle-même est une bataille gagnée, mais reste la concrétisation, car, a-t-il poursuivi, «beaucoup de zones d’ombre persistent encore, notamment en ce qui concerne la contribution des propriétaires, nous devions en tant qu’association rencontrer les parties concernées pour débattre le plan d’action, mais le rendez-vous a été ajourné».

Ceci avant de conclure que la concrétisation du plan de sauvegarde doit se faire dans les plus brefs délais, car, a-il ajouté, «les locataires continuent à démolir les demeures sans se soucier de leur valeur».

M.D Le Jeune indépendant


29 août 2005
Le wali sur un terrain glissant

A peine une semaine après son installation officielle, Boudiaf Abdelmalek, nouveau wali de Constantine, est parti, samedi, à l'épreuve du terrain en choisissant de découvrir en premier les ruelles de Souika.
Décontracté et souriant inlassablement, le wali a effectué un petit voyage initiatique en traversant le boulevard Mellah Slimane, allant à la rencontre des citoyens qui ont réagi différemment à cette sortie inopinée et saisi l'occasion, pour certains, pour faire part de leurs doléances, qui en demandant réparation pour avoir subi les scandaleuses démolitions, qui en demandant à être relogé pour éviter les risques d'effondrement de leurs vieilles bâtisses. Vaines interpellations devant le nouveau locataire du cabinet qui répondait par des « Je suis venu pour travailler, alors aidez-moi et soyez patients ». Il faut dire qu'il était « bien encadré » aussi bien par des membres de l'exécutif au fait du dossier de Souika que par ses mêmes imposteurs qui parlent au nom des Constantinois et répondent au nom fatidique et haïssable de « la société civile ».
Une représentation exclusive du RND local guidait le visiteur, donnant à peine l'occasion au représentant des habitants de Souika de s'adresser à leur wali. A mi-chemin, M. Boudiaf a saisi le maire de Constantine pour entamer des travaux de réfection du boulevard principal dans un délai n'excédant pas un mois « et engager, s'il le faut, des artisans d'autres régions ». Il insiste là-dessus, quitte à puiser dans des réserves insuffisantes et promet de ramener le financement nécessaire pour réaliser la réhabilitation de la vieille ville, « car, lancera-t-il, je veux laisser mon empreinte à Constantine ». Profession de foi réjouissante, mais un peu précipitée face au terrain glissant que représente le dossier de Souika.
On laissera, toutefois, son délai de grâce à notre nouveau wali pour ne pas qualifier sa visite de populiste malgré qu'il a montré son ignorance du dossier et fait preuve d'aventurisme en distribuant les promesses et en appelant à engager les travaux de réfection. Le retard accusé jusque-là est dû à l'absence d'enveloppe conséquente pour réaliser un projet aussi grand, mais aussi à la réticence des propriétaires dont 200 seulement ont déposé des dossiers pour s'inscrire dans le chantier. M. Boudiaf a demandé, néanmoins, que le ravalement des façades soit engagé puisque celles-ci appartiennent à l'Etat. Mais à une observation du directeur de l'urbanisme qui retient une idée du master plan pour créer de placettes, un chemin touristique et de petits hôtels sur les ruines de la partie basse de Souika, le wali a répondu que cela n'est pas urgent et qu'il s'agit d'abord de donner de nouvelles apparences au site.
C'est au risque de se retrouver au point zéro, comme si le master plan réalisé par les Italiens de l'université Roma III n'a jamais existé. Nous savons qu'il y a des résistances à cette étude, demandée pourtant par le président de la République, et à son application, mais là, elle risque sérieusement d'être enterrée dans un tiroir. Les Italiens ont déjà signalé, d'ailleurs, la frilosité de la partie algérienne qui hésite à réceptionner le rapport final. Cela serait un véritable gâchis si un tel travail est abandonné pour être remplacé par des initiatives hasardeuses de bas étage.
On a beau essayé de tourner la page et se défaire de la responsabilité des précédents massacres qu'a subis Souika, mais l'histoire est implacable et même une réconciliation tous azimuts ne peut effacer des mémoires les actes commis contre la vieille ville de Constantine.
N. Nesrouche



 
12 octobre 2005
Visite de travail de Mme Khalida Toumi
à Constantine : plus que les écuries d'Augias.
La ministre de la Culture sera confrontée à des chantiers non négligeables, tels la vieille ville, les salles de cinéma fermées, le palais de la Culture, la réhabilitation du palais du bey qui n'arrête plus de durer
Contrairement à tous les autres ministres des gouvernements successifs d'Ali Benflis et Ouyahia, seule Mme Khalida Toumi, dans le cadre des activités de son département, n'a jamais rendu visite à la wilaya de Constantine. Elle s'apprêterait à le faire en fin de semaine, selon l'annonce faite par M. A. Boudiaf, wali de Constantine, lors d'une rencontre qui s'est tenue dans l'après-midi de lundi dernier au centre culturel M'hamed Yazid avec les représentants du mouvement associatif, les directeurs de l'exécutif, le président de l'APW et les élus locaux du Khroub.
Après avoir passé au crible les différents aspects du développement local dans la daïra du Khroub (sur lesquels nous reviendrons), le wali a, d'emblée, tenu à souligner au directeur de la culture qui s'inquiétait de l'avancée à un train de sénateur des projets de sauvegarde de la vieille ville ainsi que la sauvegarde et réhabilitation du tombeau de Massinissa que «[ ] bien des zones d'ombre ne le seraient plus à l'issue de la visite de madame la ministre».
M. A. Boudiaf, quoique faisant preuve d'une relative retenue, n'en a pas moins laissé entrevoir une certaine lassitude par rapport à la conduite, sur le terrain, de l'opération de délimitation du périmètre permettant la protection du tombeau en particulier et des autres vestiges en général. Rappelons à cet effet qu'autour de ce site court un pharaonique projet de réalisation d'une ville numide en hommage au roi qui, semblerait-il, y serait enseveli. La décision des pouvoirs publics consistait en l'implantation d'espaces socioculturels étudiés adaptés sinon rigoureusement évocateurs de la tranche d'histoire concernée afin d'en perpétuer le message.
Tout cela, bien entendu, dans le but de barrer la route à des personnes qui pourraient dévoyer les lieux, sachant que d'aucuns parmi elles, piaffant dans les starting-blocks, se voyaient déjà bénéficiaires d'un terrain qui, pour y bâtir une pizzeria, qui, un café populaire, un magasin de prêt-à-porter, etc. mais foin d'activité directement liée à la mémoire des lieux. Paradoxalement depuis que le concept a été retenu, il y a près de trois ans, le projet est resté en l'état et l'enveloppe budgétaire, pour le moins conséquente, sollicitée à l'époque (2 000 000 DA) et consentie pour le tracé du périmètre (déblaiement du terrain et collecte des vestiges épars) se trouve aujourd'hui, en raison de l'inertie des organes concernés, frappée d'inflation et donc inconsistante.
Cela étant, une sorte de débat virtuel à la limite du surréalisme a été évoquée par le directeur de la culture, lequel se faisant le porte-voix de parties «non identifiées» laisse planer un doute sur l'historicité du monument qui pourrait être berbère barbare ou romain. Et pour mieux conforter ce doute et dans la foulée le dissiper, «la question aurait été soumise depuis quelques semaines à des historiens chercheurs au niveau d'un organisme spécialisé à hauteur de la capitale».
Autre chantier non négligeable auquel va être confrontée Mme K. Toumi, celui de la vieille ville rongée en cours d'année par des actions de prédation et sur lesquelles son département s'est très vite ressaisi au cours de l'été en décrétant la «sauvegarde officielle sous la protection de l'Etat de la vieille ville», mettant ainsi fin à bien des velléités de démolition de pans entiers de l'histoire de la cité. Tout cela à des fins bien douteuses.
Or, si la vieille ville s'est dès lors retrouvée protégée par un document ministériel, il n'en est pas de même dans la réalité, devenant, comme l'a si bien stigmatisé le wali, lequel est-il besoin de le rappeler a consacré sa première sortie officielle à Souika, «[ ] une cité non seulement en situation de dégradation constante mais devenue également un dépotoir géant».
Et au-delà de ces deux méga-chantiers, la ministre risquerait d'être interpellée sur le cas des salles de cinéma fermées, du palais de la culture Malek Haddad dont la principale salle de spectacle réhabilitée pour près de deux milliards n'aura «fonctionné» que trois mois avant d'être la proie d'un incendie au cours de l'été, de la réhabilitation du palais du bey qui n'arrête plus de durer.
A. Lemili





15 octobre 2005

Khalida Toumi visite la vieille ville de Constantine

«Je suis contre la démolition des anciennes bâtisses»

La ministre de la Culture, Mme Khalida Toumi, se trouve depuis mercredi dans la wilaya de Constantine pour effectuer une visite de travail et d'inspection de différents projets lancés. Jeudi, la ministre s'est rendue au cœur de la vieille ville, à Souika, où elle a inspecté les différentes bâtisses qui doivent être réhabilitées et rénovées. Face aux inquiétudes des familles occupantes des lieux en raison des rumeurs faisant état d'une éventuelle opération de démolition de leurs maisons, Mme Toumi tiendra à les rassurer qu'aucune démarche en ce sens ne sera lancée. Elle persistera en ajoutant: «En tant que ministre de la Culture, je suis contre tout type de démolition».

Notons que les bâtisses prises en charge dans le cadre de l'opération de réhabilitation lancée par la wilaya et la direction de l'urbanisme sont, entre autres, Dar El-Wasfane, la mosquée de Sidi Moghref ainsi que trois maisons habitées par leurs propriétaires, situées à la rue les frères Karouaz. La ministre a aussi inspecté les travaux de réhabilitation et de restauration effectués au palais du Bey. Au cours de sa tournée à l'intérieur de ce beau monument historique, Mme Khalida Toumi s'interrogera: «A quand la fin de cette opération qui dure depuis vingt ans et qui a pour conséquence un retard quant à l'ouverture du palais au public constantinois et à d'autres visiteurs ?». Soulignons que le palais du Bey s'étale sur une surface de 4.755 m2, dont 1.840 réservés aux cours et aux jardins et 2.915 au bâti. Sur le plan esthétique, l'hôte de Constantine proposera de recourir à l'intervention des étrangers, notamment les Egyptiens, pour apporter un plus aux finitions, touchant essentiellement le marbre et la polychromie. Rendant compte, par ailleurs, de l'état décevant du patrimoine algérien qui a beaucoup souffert et demeure, faut-il le répéter, au bord du danger de la disparition, Mme la ministre estime qu'un projet de restauration doit être pris en charge par un expert, un professeur en la matière, c'est ce qui fait que le travail effectué sera digne du monument à sauvegarder pour les générations à venir. La ministre devait ensuite souligner l'importance de la mission de l'Etat qui consiste, indique-t-elle, «à mettre à disposition les moyens nécessaires dans le but de préserver notre patrimoine et sa sauvegarde contre d'éventuelles pratiques et manipulations tendancieuses».

Surprise de ne pas avoir été informée du projet d'aménagement de la première tranche du village numide qui borde le tombeau de Massinissa, dans la commune du Khroub, projet auquel le président de la République avait accordé, lors de sa dernière visite dans la wilaya de Constantine, un budget de deux millions de dinars, la ministre a exprimé son étonnement quant à ce projet. «Alors, est-ce normal que le ministère de la Culture ne soit pas au courant d'un projet d'une telle envergure ?», s'interrogera-t-elle. Mme Toumi devait ensuite récupérer le dossier de ce projet en vue de s'enquérir davantage de cette opération qui touche une superficie de 50 hectares. Après la consultation du document dans le délai d'un mois au maximum, le wali aura l'avis du ministère, dira-t-elle.

Pour terminer, la ministre reviendra rapidement sur le sujet des salles de cinéma. Elle ordonnera à cette occasion d'ouvrir la cinémathèque de Constantine et de désigner à sa tête un nouveau directeur.

Selma B.

6 décembre 2005

Réhabilitation
Des Italiens pour ressusciter la vieille ville

Faisant l'objet depuis plus de trois années d'une polémique entre les tenants du modernisme et les défenseurs du patrimoine constantinois, la vieille ville va-t-elle enfin renaître de ses cendres à la faveur de la finalisation du «master plan» ?

Si l'on se réfère à des sources bien au fait du dossier, le plan directeur de rénovation de la vieille ville confié en 2003 à des experts italiens est pratiquement ficelé et sera, selon la même source, présenté aux autorités locales aujourd'hui. Dans ce contexte précis, l'ambassadeur d'Italie effectuera aujourd'hui une visite à Constantine en compagnie du ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme et du secrétaire général du ministère de la Culture. Rappelons que l'élaboration de ce «master plan» s'est articulée autour de plusieurs rencontres entre spécialistes italiens et universitaires constantinois du département d'architecture et de l'urbanisme de l'université Mentouri.

La première phase de ce plan directeur destiné à la restauration de la Médina a commencé en 2003. Cette première phase consistait en une synthèse des études existantes sur la vieille ville et des données statistiques, en vue de mettre sur pied, dans une seconde phase, un plan d'intervention sur le vieux bâti et sa réhabilitation. Il s'agissait surtout pour les experts italiens d'actualiser des données en leur possession notamment en ce qui concerne le foncier et l'état des lieux des terrains. Une actualisation qui s'avérait nécessaire d'autant plus que certains éléments d'informations remontaient à l'année 1984.

Donc l'apport des universitaires constantinois qui peuvent se targuer d'une longue expérience d'études et de recherches sur la Médina, notamment à travers des thèses de magistère et de doctorat, aura été déterminant dans l'élaboration de ce «master plan» par les Italiens. Un accord de principe entre l'université de Constantine et l'université Roma III est alors intervenu pour l'implication des enseignants chercheurs et des étudiants dans cette étude sur la vieille ville.

Depuis l'année 2003, les travaux des Italiens semblent avoir beaucoup évolué et reste aux autorités locales de donner les prolongements concrets à ce «master plan» dans les meilleurs délais. Car il faudra savoir que des pans entiers de la vieille ville sont en train de disparaître, alors que la question de sa réhabilitation remonte à plus d'une quinzaine d'années. Aujourd'hui par exemple toute la partie basse de Souika est en ruine. En effet, ce qu'elle comptait en bâti a subi les outrages du temps, mais également ceux de la main de l'homme.

Les autorités locales dans leurs efforts de relogement des habitants sinistrés de la vieille ville et dans le souci d'éviter que d'autres personnes viennent squatter les bâtisses évacuées, n'avaient pas trouvé mieux que de les démolir. Et l'on se souvient de la levée de boucliers qui aura nécessité le déplacement d'une commission ministérielle. Une commission qui a fini par mettre un terme à toute nouvelle démolition au motif que la Médina est un espace désormais protégé. Il s'agit aujourd'hui de hâter plutôt le pas en enclenchant très vite les travaux de réhabilitation une fois le plan en question adopté par les autorités locales.

M. S. Boureni


7 décembre 2005
Le plan italien à l'épreuve du terrain

Les experts italiens de l'université Roma-III sont venus hier exposer le rapport de l'étude intitulée Master Plan et destinée à la réhabilitation de la vieille ville de Constantine.
Près de trois années après son lancement, l'étude commandée par le ministère de l'Habitat et suivie de près par l'université de Constantine a abouti à un ouvrage bien fourni et conçu comme un instrument méthodologique, à mettre entre les mains des artisans de la réhabilitation. Le ministre de l'Habitat, celui délégué à la Ville ainsi que le représentant du ministère de la Culture n'ont pas caché leur admiration face à cet ouvrage, lors de la cérémonie organisée au siège de la wilaya, en présence de l'ambassadeur d'Italie, des autorités locales ainsi que des architectes des deux universités.
Le Master Plan est un dispositif visant à requalifier le vieux bâti en mesure de se consolider et se renouveler dans le temps et l'espace. Cette réhabilitation est censée aussi revitaliser le tissu économique et social de la médina, dans le respect des spécificités locales. Le système conçu par les Italiens est un travail pluridisciplinaire qui fonctionne autour d'un data base informatisé et facilement malléable. Les plans reliefs et autres vieux documents puisés dans les musées français ont été d'une grande utilité à côté des photos satellites. Mais, loin de rester au niveau du recensement, le travail propose une restructuration des espaces dégagés et une série de projets structurants destinés à promouvoir les fonctions touristiques et artisanales. Cet aspect là n'a pas manqué de susciter la réaction des cadres du ministère de la Culture, qui ont rappelé que la vieille ville Souika est classée patrimoine nationale et tout projet, donc, doit être contenu dans le cadre du plan permanent de sauvegarde.
Ces interventions ont soulevé la polémique entre partisans de la modernisation et ceux de la sauvegarde. Une polémique tout de suite contenue grâce à l'intervention du wali qui a engagé les représentants de la culture à formuler au plus vite leurs propositions, à même d'adapter le Master Plan et éviter ainsi les lenteurs qui risquent de casser l'élan gouvernemental et local. D'autres préoccupations, et pas des moindres, ont été formulées hier, notamment au sujet du statut immobilier et des problèmes de propriété auxquels risque de se heurter le chantier de réhabilitation, sachant que la quasi-majorité des bâtiments relève de la propriété privée.
Le commerce de bazar qui gangrène Souika est pour beaucoup, aussi, dans sa clochardisation et toute projection, estiment les universitaires, devrait prendre en considération cette dimension et la possibilité de la réorientation de l'activité intra-muros. Le débat enclenché hier devrait introduire une phase de concertation entre les différents intervenants afin de parachever l'étude et préparer le terrain de sa mise en ouvre. Cette prolongation ne devrait cependant pas s'éterniser, selon les Italiens, qui rappellent que durant les 24 mois de l'étude, Souika a perdu 34 bâtiments. L'empressement de M. Hamimid, ministre de l'Habitat, et de M. Boudiaf, wali de Constantine, reflète la volonté du gouvernement d'aller vite dans cette entreprise. Ça sera pour le grand bonheur des Constantinois de voir ce projet concrétisé, et revoir cette facette de leur identité renaître de ses cendres. Mais, l'histoire nous a enseigné dans les murs de la ville que la réalité est souvent très têtue.
N. Nesrouche 


7 décembre 2005
REHABILITATION DE LA MEDINA DE CONSTANTINE
Les Italiens livrent leurs premières conclusions
face à un important aréopage officiel
La salle de délibération de l'APW de Constantine a accueilli au cours de la journée d'hier une importante délégation composée de Son Excellence l'ambassadeur d'Italie, du ministre de l'Habitat et de la Construction, de celui délégué à la ville, du secrétaire général du ministère de la Culture représentant la ministre, des membres de l'exécutif directement concernés par l'ordre du jour, des universitaires et de l'équipe de chercheurs italiens chargés de l'étude d'assainissement et d'aménagement de la Médina, la vieille ville ou Souika.
Tour à tour, chacun des représentants du gouvernement a tenu à formuler les préoccupations mais également les voux de son secteur quant à la réhabilitation de la Médina de manière à ce que soit préservée la mémoire historico-culturelle du site mais également en tenant compte de l'aspect de la cité (la ville) telle qu'elle se présente aujourd'hui.
Des préoccupations qui n'ont, certes, pas échappé aux experts italiens qui se sont attelés depuis la fin de l'année 2002, date à laquelle ils ont entamé leurs premières investigations et contacts avec les représentants locaux des pouvoirs publics et des personnes agissant ès qualité ou ayant autorité en la matière, à l'enseigne des universitaires.

D'emblée, Med Nadir Hamimid a demandé à «voir» les variantes retenues dans le cadre du studieux travail des experts de Roma III. Tour à tour défileront les différents intervenants sur l'étude ayant consisté en une collecte minutieuse du «plus petit indice», selon l'expression utilisée, un travail approfondi de recherches archivistiques auprès d'institutions parisiennes, et pour cause, pour aboutir, enfin, à une esquisse virtuelle de ce que pourrait être la Médina si la proposition était agréée par l'Etat algérien. L'un des experts italiens dira même que «parmi la ou les variantes présentées, il pouvait ne pas y avoir la meilleure ; toutefois, toutes les données définitives sont là pour pouvoir livrer un travail achevé et qui tienne compte de la complexité de l'ouvre en matière de respect de l'environnement extérieur à la vieille ville. Néanmoins, compte tenu de l'état de dégradation de certaines structures, il paraît inévitable de faire procéder à certaines transformations, lesquelles, toutefois, n'en défigureraient pas pour autant leur aspect initial tout en préservant les fibres affective, culturelle et historique auxquels tiennent légitimement les citoyens et les autorités locales».
Il faut rendre hommage au travail de fourmi des experts de l'université italienne de Roma III qui sont parvenus à obtenir des documents d'archives, très souvent des croquis faits main parfois au trait grossier, remontant à 1846 et qui ont permis d'avancer très sérieusement sur la politique d'urbanisation projetée par les forces d'occupation colonialistes. Certaines informations relevaient déjà du «Confidentiel-Défense», compte tenu de la ferme opposition du ministère de la Guerre de l'époque à leur exploitation.
Cela étant, il faut souligner, ici et maintenant, la particulière exhumation du dossier de la Médina qui a toutefois commencé à prendre une dimension d'«affaire d'Etat» au début de l'été de l'année en cours quand une systématique et tout autant sauvage opération de démolition d'une partie de la vieille ville a été décidée, sinon étrangement tolérée, par et la wilaya et l'APC de Constantine. Une levée de boucliers sans commune mesure du mouvement citoyen avait permis l'arrêt du massacre de près d'une cinquantaine de bâtisses, exhortant Mme Toumi à déployer beaucoup de verve pour obtenir le classement du site et la préservation des lieux à la lumière d'une batterie de dispositions réglementaires contenues dans le décret exécutif n°05-208 du 4 juin 2005. Une intervention qu'elle confortera par une visite d'inspection dans la ville des Ponts et dans la Médina même les 13 et 14 octobre dernier.
En conclusion, les représentants du gouvernement ont été unanimes à dire le grand souci du président de la République à préserver tout ce qui pourrait être préservé et surtout protéger l'identité nationale algérienne, quelles que soient ses ramifications ou spécificités. Au cours de l'après-midi, la délégation, en plus de la Médina, devra se déplacer à El Khroub où est prévue la réalisation d'un village numide autour du tombeau de Massinissa.
A. Lemili



7 décembre 2005

DEUX MINISTRES A CONSTANTINE
Un plan italien pour la vieille ville

La réhabilitation de la vieille ville a fait couler beaucoup d'encre et elle continue à le faire. D'autant plus qu'elle opposait dès le départ ceux qui ambitionnent de conserver intact un héritage historique qui constitue l'un des plus précieux repères de la ville des ponts et ceux qui veulent opérer des changements à même de donner une touche contemporaine à un patrimoine qui souffre énormément des stigmates du temps. Hier, au siège de la wilaya, la polémique ne semblait pas pour autant s'estomper lors de la présentation du «Master plan» ou si l'on veut le plan directeur de rénovation par des experts italiens de l'université Roma III, devant le ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme et celui de la Ville, le secrétaire général du ministère de la Culture et l'ambassadeur d'Italie M. Verdeame Gionabati. Le ministère de la Culture allait donc faire valoir l'inscription de la vieille ville dans le patrimoine national pour denier au «Master plan» toute modernisation arguant de l'impérative nécessité de conserver les vestiges de la Médina dans leur schéma originel. Le ministre de l'Habitat ne semblait pas de cet avis et insistait à dire que ce dossier est largement engagé depuis la visite du président de la République Abdelaziz Bouteflika en Italie en 1999.

Autant dire que ce plan directeur de rénovation de la vieille ville de Constantine relève directement de la plus haute hiérarchie du pays. En dernier ressort, le souci du ministre, Mohamed Nadir Hmimid, n'était autre que la concrétisation dans les meilleurs délais du «Master plan». Et ce n'est pas la représentante de l'université qui dira le contraire en insistant sur le fait que ce «Master plan» est un processus qui doit être concrétisé. Et de rappeler la fameuse étude de l'Urbaco pour la restauration de la vieille ville qui a été inexplicablement mise sous le coude, pour souhaiter que le «Master plan» ne suive pas le même chemin. Le représentant de la DLEP interviendra alors pour dire qu'après l'expérience de Souika basse, le passage vers l'application du «Master plan» demande beaucoup de temps. Répondant à l'intervention du représentant du ministère de la Culture, il dira que tout le monde est interpellé à oeuvrer pour la conservation du patrimoine de la ville. «Nous sommes d'accord pour la concrétisation du 'Master plan', mais il faudra toutefois respecter certaines conditions», conclura-t-il. Le ministre de l'Habitat et de la Construction tranchera quant à lui dans le vif en soulignant que le «Master plan» doit être engagé dans une phase concrète. Reste, ajoutera-t-il, le côté archéologique et culturel qui sera confié plus tard au ministère de la Culture. «Il ne faut pas donner l'occasion à certains de créer des blocages», avertira Mohamed Nadir Hmimid. M. Abderrachid Boukerzaza, ministre de la Ville, dira que ce projet constitue un apport certain pour la ville de Constantine, pour la région et pour tout le pays, dans le cadre de la coopération algéro-italienne.

Ce projet est une mission gouvernementale et pour cette raison, soulignera-t-il, il faut être vigilant quant à la cohérence entre les études techniques et les instruments juridiques. Ce sont là quelques aspects d'un débat qui promet d'être aussi passionnant que peut l'être la volonté des uns et des autres à sortir la vieille ville de l'ornière des tergiversations qui ont trop duré pour en consumer à petit feu des pans entiers.

M. S. Boureni



7 décembre 2005
Les ministères de la Culture et de
l'Urbanisme affichent leur désaccord !
L'exposé du master plan de l'université italienne Roma 3, programme devant permettre la réhabilitation de la vieille ville de Constantine, présenté hier au siège de la wilaya, a donné lieu à une confrontation verbale entre le secrétaire général du ministère de la Culture et le ministre de l'Habitat et l'Urbanisme, M. Nadir Hamimid, et cela, en présence de l'ambassadeur italien.
En effet, alors que le secrétaire général du ministère de la Culture, ainsi que ses proches collaborateurs, exigeaient que le master plan soit conforme aux décrets et lois régissant le classement de la vieille ville comme patrimoine national, M. Hamimid a rétorqué que ce travail de classification du site de la médina de Constantine aurait dû être établi en premier, puisque ce projet a été lancé depuis 24 mois, et qu'il fallait plutôt s'enquérir des contours de ce programme de réhabilitation de la vieille ville établie par le ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme.
Toutefois, M. Hamimid a laissé entendre que le projet en question n'était modifiable que dans la mesure du possible. S'agissant de la présentation proprement dite du master plan, les universitaires italiens proposent une série de mesures échelonnées sur quatre phases.
La première consiste en la collecte et le traitement des données concernant la ville, la deuxième est relative à la définition des caractéristiques urbanistiques et architecturales, alors que la troisième est consacrée à la formalisation du master plan. Quant à la quatrième phase, elle consiste en la réalisation d'un manuel à caractère documentaire et opérationnel.
La partie documentaire du manuel comportera l'ensemble des analyses historiques, sociales, et techniques. La seconde partie contiendra des projets d'exécution en matière de réhabilitation et de restauration, ainsi que la définition des lignes de conduite générale applicables pour les zones caractéristiques de la médina.
Au cours du débat, bon nombre d'intervenants se sont interrogés sur le coût de ce projet, la procédure de montage financier, la date de lancement réel de la réhabilitation, car, unanimes, les architectes, archéologues et autres représentants de la société civile ont signalé l'urgence de la prise en charge réelle de la médina.
Il convient de rappeler, enfin, que c'est lors de la visite effectuée en 1999 par le président Bouteflika à Rome, que les grandes lignes de ce projet de réhabilitation de la médina de Constantine ont été esquissées, et cela, dans le cadre d'un dispositif dénommé Master plan, financé par des fonds au titre des textes de loi italiens.
Moza D.



8 décembre 2005

La restauration de la vieille ville à l'ordre du jour

Le projet de restauration de la vieille ville de Constantine est en bonne voie. En effet, dès hier matin une importante délégation est arrivée à Constantine pour faire un état des lieux en vue de la restauration de la vieille ville, notamment le quartier Souika.

C'est là la principale étape qui était inscrite en bonne place dans le programme officiel.
Deux ministres de la République, en l'occurrence Mohamed Nadir Hamimid, ministre de l'Habitat et de l'urbanisme et Abderrachid Boukerzaza, ministre de la Ville étaient à la tête de cette délégation qui comprenait entre autres, Son excellence, l'ambassadeur d'Italie en Algérie ainsi que le secrétaire général du ministère de la Culture.

La présence du diplomate italien s'explique par le fait que la restauration de la vielle ville a été confiée à des experts universitaires italiens et l'on sait que l'année dernière, l'université «Roma III» avait signé un contrat de coopération dans le cadre du «Master Plan». La matinée a été réservée à l'exposé de ce plan qui doit être immédiatement mis en application. Dans l'après-midi, deux visites ont été organisées, l'une de la vieille ville et l'autre de la Medersa Ben Badis.

Mohamed Nadir Hamimid, ministre de l'Habitat et de l'urbanisme avait un programme plus chargé, puisqu'il s'est rendu à la Nouvelle-ville Ali Mendjeli, où il a inspecté plusieurs chantiers de construction d'un ensemble de 1 800 logements.

Cet important projet concernant le vieux et historique bâti de Constantine sera suivi par celui baptisé «Constantine la blanche» qui doit être lancé dans la deuxième quinzaine du mois de janvier 2006.

C'est le wali, lui-même, qui l'a annnoncé lors d'une rencontre avec les journalistes locaux.

H. Benmessaoud


14 décembre 2005
Réhabilitation de Souika
L'association du Vieux-Rocher engage le débat

La réhabilitation du patrimoine architectural et culturel de Constantine, notamment à travers le Master plan italien, subit la critique de l'association de défense du Vieux-Rocher et celle regroupant les propriétaires.
S'il faut saluer les initiatives ciblant la restauration et la réhabilitation des sites historiques, l'association conduite par Ahmed Benyahia, tente de calmer les ardeurs et apporte un bémol à l'élan pris par l'administration et les élus dans la conduite des nombreux projets. Dans une conférence de presse organisée lundi dernier, M. Benyahia a déclaré que son association n'a pas été invitée à l'exposé du Master plan qui a eu lieu la semaine dernière en présence de deux ministres et de l'ambassadeur italien. Par contre, d'autres représentants de la société civile étaient présents, ce qui confirme, selon lui, la mise à l'écart de son association d'autant que toutes les demandes d'audience sont restées lettre morte, exception faite d'une rencontre avec le nouveau wali. Le même sort, c'est-à-dire le silence, est réservé à toutes les propositions faites aux élus pour permettre le déplacement des ambassadeurs de l'Union européenne, de l'Espagne, de l'Allemagne, du Japon, de la France, du Maroc et de la Tunisie et la possibilité d'aide financière et technique avancée par tous ses partenaires potentiels en plus de l'ONU et de la Banque mondiale. Cette association dérange-t-elle ? On est tenté de le croire en l'absence d'un débat transparent et devant la persistance de politiques réfractaires à l'idée même de préserver ce patrimoine. L'un des chantres de cette curieuse Ksentina n'a-t-il pas défendu récemment la démolition de 34 vieilles maisons de Souika ?
Concernant l'étude présentée par les Italiens, Mme Benabbès, urbaniste et membre de l'association a précisé qu'il ne faut pas surévaluer le Master plan d'autant que l'université Roma III n'est pas spécialisée dans la restauration. Selon elle, « cette étude n'apporte rien de plus que le travail réalisé en 1984 par L'Urbaco, si ce n'est une informatisation des données ». « Ce qui manque aux Algériens, poursuit-elle, se situe au niveau de la technicité. Mais les Italiens ont refusé des universitaires des propositions qui allaient dans ce sens avant que le Master plan ne deviennent un secret d'alcôve protégé par la complicité de la DUC et la cellule de réhabilitation. »
Par ailleurs, les conférenciers ont posé le problème des prérogatives qui se posent entre les deux départements ministériels, à savoir celui de l'habitat qui a commandé le Master plan et engagé le projet et celui de la culture qui se trouve en retrait, alors que la loi le tient responsable de tout projet qui touche au patrimoine classé et la vieille ville de Constantine est, en effet, classée depuis juin 2005. Les réserves formulées par l'association tiennent au fait que les travaux engagés sur la base du Master plan doivent obligatoirement se faire dans le cadre du plan de sauvegarde rejoignant ainsi les remarques faites par les représentants du ministère de la Culture lors de l'exposé. Dans la foulée, les conférenciers ont déclaré leur opposition à la démolition de la prison du Coudiat tout en soulignant l'importance du projet du tramway. Idem pour les projets de construction des hôtels Accor, prévue sur le site protégé du Vieux-Rocher et qui doit obéir à des préalables exprimés par la loi.
N. Nesrouche


27 décembre 2005
Constantine : la vieille ville au cœur de la tempête
Quand la vieille ville de Constantine ou Souika est évoquée, il ne peut être évidemment imaginé autre chose que sa disparition progressive sous la pression d'événements naturels ponctuels en raison de l'érosion des matériaux composant les structures d'habitation datant de plus de deux siècles.
Sa préservation totale ou partielle ne pouvait obligatoirement, par conséquent, que revêtir un aspect historique, d'une part, et culturel, d'autre part. Si cette vision des choses a échappé, passez-nous l'expression par trop galvaudée, à ses enfants, ce n'a pas été le cas pour des instances internationales à l'image de l'Unesco qui dépêchait, comme à titre prémonitoire, Mme Minja Young, collaboratrice directe du directeur général de ladite organisation internationale. En plus de Souika, l'émissaire de l'Unesco fera le constat sur place d'autres sites susceptibles de faire partie du patrimoine culturel de l'humanité, tels le palais du Bey et la Grande Mosquée. Et même si elle était accompagnée d'élus de la municipalité, l'avenir allait démontrer qu'ils n'étaient là que pour faire tapisserie ou pour les besoins de la photo. Et pour se justifier, ils se lamenteront dans le giron de Mme Minja Young avec, comme argument essentiel, l'absence de financement spécifique pour la sauvegarde de la vieille ville.

En même temps, une équipe de spécialistes italiens planchait sur les moyens techniques de réhabilitation du bâti. La délégation relevant de l'université Roma III arrivera à Constantine vingt jours après l'émissaire de l'Unesco pour y séjourner six jours, recueillir des données, diagnostiquer l'immédiate réalité de la situation et, enfin, faire part de ses propositions aux pouvoirs publics quant à l'éventuelle feuille de route du projet tel que les spécialistes en percevaient les possibles conceptions. Cette mission entrait dans le cadre d'un programme financé par le gouvernement italien et le Master plan devait fournir des variantes harmonieuses de la gestion des espaces a posteriori, autant pour ceux sur lesquels resteraient préservées les bâtisses, que ceux libérés.
Et comble de l'ironie, quinze jours après allaient être entamées, tous azimuts, les premières démolitions décidées par les autorités locales au motif que les habitations concernées présentaient un réel risque pour ceux qui y habitaient, d'autant plus que ces derniers étaient des squatters (plus de 100 familles). Encore une fois, tous les arguments pouvant justifier un tel acharnement sur Souika étaient allègrement avancés : indus occupants, personnes interlopes (prostituées, dealers, homosexuels ). Alors à quoi servait la police pendant toutes ces années alors que le siège de l'une de ses Sûretés urbaines était situé à 100 mètres pour prendre en charge cette partie de la ville. Sans extrapoler, l'argumentaire avancé par le chef de daïra, chargé de piloter l'opération, ne tenait pas la route comme en témoigneront des scènes désolantes et dramatiques de familles vivant, en pleine période hivernale, dans des abris de fortune (tentes, cartons, tôles) à proximité de leurs anciennes habitations.
Enfin, l'intérêt du ministère de la Culture
Au cours de cette hystérique opération de démolition, un site ancestral classé patrimoine national sera rasé, scandalisant de nombreuses associations activant dans le cadre de la sauvegarde et de la préservation du patrimoine architectural de la médina et ce, d'autant plus, affirmeront leurs animateurs, que cette action a été unilatéralement et arbitrairement décidée par les représentants des pouvoirs publics qui ne les ont à aucun moment consultés. Pis, les démolitions relèveraient de l'abus d'autorité et de passe-droits, bafouant toutes les règles protégeant la propriété privée, ce qui était le cas pour nombre de familles propriétaires de maisons de maître. Or, diront-ils encore, la médina revêt, au même titre que la Casbah, un intérêt particulier aux yeux du président de la République qui avait obtenu de l'Etat italien une étude de réhabilitation dans le cadre du Master plan, un projet qui excluait dans l'immédiat toute démolition avant un diagnostic dûment confirmé.
Et c'est sans doute l'une des raisons qui ont justifié le déplacement à la limite de l'incognito de deux cadres supérieurs du ministère de la Culture, en l'occurrence une inspectrice et le directeur général de l'Agence nationale du patrimoine. Et au-delà du constat in situ recherché et de l'intention de ramener la sérénité et de calmer le jeu parmi tous les acteurs impliqués entre mouvement associatif, élus et cadres de l'exécutif, acteurs directs des dépassements de l'administration, les deux émissaires ont, vaille que vaille, tenté de recoller les morceaux, mettant en avant l'entière disponibilité du secteur à dégager des pistes de nature à constituer les possibles solutions de préservation du site ou du moins les parties les plus menacées.

Au cours de la rencontre qu'ils auront avec les premiers édiles de l'APC, l'APW et le wali, le premier responsable de la wilaya avancera l'argument peu convaincant de la démolition dans l'intérêt public. En plus clair, les habitations détruites mettraient en péril la vie de leurs occupants (sic).
Le jeu trouble du mouvement associatif
En tout état de cause, le déplacement des deux cadres aboutira à l'arrêt des démolitions, d'une part, et à la désignation d'une commission (une autre) pilote pour mener à terme un programme de travail consistant à proposer des solutions visant à la réhabilitation des lieux.

Il y a lieu de souligner l'extraordinaire engouement pour ne pas dire les gesticulations suscitées par cet événement au sein du mouvement associatif, sorti de son hibernation pour pousser des cris d'orfraie mais sans que ses animateurs se soient à aucun moment réellement intéressés aux violences qui étaient faites depuis la nuit des temps à la vieille ville. Et dans cette foire d'empoigne, le Club de réflexion et d'initiative, comme d'habitude, a été le premier à tirer les marrons du feu en organisant une rencontre impromptue du nec plus ultra de la société, à savoir intellectuels, représentants du mouvement associatif, journalistes, qu'il conviera à assister à la projection d'un documentaire sur l'état de la vieille ville avec la récurrente et imparable réaction a posteriori qui veut que chacun se lamente sur ce qui était et qui ne l'est plus, mais sans apporter en réalité de solutions, s'engager sérieusement ou préconiser un exutoire. Et après les petits fours, tout le monde s'égaie dans la nature pour attendre le prochain événement «dramatique». En fait, le documentaire était des plus racoleurs et attentait plus à la dignité d'êtres meurtris dans leur chair, exhibés pour les besoins de la caméra qu'il ne palliait le réel besoin de dénoncer l'irréparable.
La part de l'administration
Dans tout l'embrouillamini autour des démolitions, le wali aurait-il été abusé par ses collaborateurs ? D'aucuns l'affirment sans ambages et dans la foulée, il fallait nécessairement rétablir l'équilibre de ce wali dont l'exercice de funambule aurait déjà porté ombrage à sa carrière et réduit son temps de présence dans la ville des Ponts. Sa mutation, quelques mois plus tard, dans la deuxième ville d'Algérie ne serait en réalité qu'une promotion/sanction de nature à brouiller les pistes et sauver la face de l'administration. En tout état de cause, la campagne de soutien «spontanée» d'un parti politique l'a beaucoup plus desservi que servi, confirmant ainsi que la vieille ville continuait de servir de fonds de commerce à n'importe quel moment de l'actualité. Et ce soutien était encore plus gauche parce qu'il s'est manifesté, comme par hasard, au moment même où la délégation du ministère de la Culture faisait ses investigations à Constantine.
Le déplacement de la délégation ministérielle aboutira quelques semaines plus tard au classement de la vieille ville au titre de patrimoine national. Entre-temps, les experts italiens avaient pratiquement finalisé leur étude et s'apprêtaient à livrer leurs premières conclusions au cours de l'été. Cette visite sera reportée au mois de décembre et, effectivement, face à un parterre d'universitaires locaux associés au projet, les élus, les directeurs de l'exécutif et plus particulièrement le ministre de l'Habitat et de la Construction, le ministre délégué à la ville, un représentant de celui de la culture, les membres de la délégation italienne présenteront leurs conclusions et des types de variantes d'aménagement de la vieille ville qui gardera son cachet historique et culturel tout en étant adapté à ce qui fait son environnement, assorti de toutes ses spécificités.
A. Lemili 


24 janvier 2006
VIELLE VILLE : Le cri de détresse
de treize familles de Sidi Djeliss
Treize familles qui comptent une cinquantaine de membres et qui vivent dans des conditions précaires exposent leurs problèmes de vie difficile, caractérisée par un danger permanent.
Selon des habitants du vieux quartier de Sidi Djeliss dans la vieille ville, il y a d'abord huit familles qui se sont regroupées, il y a une douzaine d'années, et ont habité dans les ruines de vieilles bâtisses. Elles ont construit des maisons de fortune avec de la tôle et des parpaings, pour obtenir un abri provisoire. Depuis, disent-ils, il y a eu des mariages et des enfants, augmentant ainsi le nombre. Elles vivent depuis, dans des conditions précaires et assez dangereuses car outre la crainte de l'effondrement de leurs propres habitations, il existe à proximité des murs branlants d'autres ruines qui risquent, elles aussi, de leur tomber sur la tête, disent-ils. Ceci en plus de la précarité quotidienne car il n'y a pas d'eau et d'électricité, si ce n'est des branchements de fortune faits auprès de voisins. En plus, il y a les maladies qui touchent régulièrement les enfants. «Chaque jour qui passe est un miracle pour nous», disent-elles, tant la crainte est forte. Pourtant, soulignent nos interlocuteurs, les autorités sont venues enquêter chez nous et des promesses de relogement nous ont été données, mais nous attendons toujours...
Même cas pour les cinq autres familles voisines qui habitent, elles, en tant que locataires dans de vieilles maisons qui menacent de s'effondrer à tout moment. Elles ont plaidé leur cause avec les mêmes arguments et les mêmes craintes. Elles aussi, affirment avoir reçu la visite des autorités qui leur ont tenu le même langage et les mêmes promesses. Elles attendent également un relogement qui devient de plus en plus urgent. «Depuis 2002, les autorités ont pris en charge des citoyens qui habitaient des logements en ruine. Certaines opérations se sont faites après effondrement de leurs logements et des blessures aux locataires. Et ils se demandent s'il ne faut pas attendre encore des effondrements et éventuellement des blessures, pour nous reloger ? Cela fait des années que nous attendons...»
Du côté des autorités locales, nous dit-on, le problème se pose pour l'ensemble de la vieille ville et sera pris en charge dans le cadre de la réhabilitation dont l'étude a été engagée à travers le master plan. Concernant les familles habitant le bidonville, elles seront prises en charge dans le cadre de l'éradication de l'habitat précaire qui se fait selon un programme établi et qui tient compte, toutefois, de l'urgence quand la vie du citoyen est en danger.
Abdelkrim C.
5 février 2006
La principale artère de la médina ciblée
Les premières opérations de réhabilitation
Les premières opérations de réhabilitation de la vieille ville viennent d'être lancées avec l'engagement de deux entreprises tandis qu'une troisième est attendue pour renforcer ce chantier. Selon M. Zetili Mohamed, le directeur de la culture de la wilaya de Constantine, le projet doit débuter par la remise en état de la principale artère qui parcourt la vieille ville au niveau de la Souika. Il s'agit d'une première tentative de pénétration d'une médina qui a particulièrement souffert ces dernières décennies «des coups de pioche plus que des insultes du temps». «La situation était complexe parce que l'on ne savait pas par où commencer bien que des études approfondies furent réalisées quant à cette rénovation. En vérité, chaque secteur d'activité veillait à la préservation de ce qu'il considérait comme essentiel faisant valoir la nécessité de respecter l'âme de la cité».
C'est le premier projet sur lequel un consensus fut trouvé, dira M. Boumaouche, directeur de la cellule de réflexion sur la vieille ville. Ce projet, après l'aval du wali de Constantine, se propose de remettre en état la principale artère de Souika ainsi que les maisons et locaux commerciaux de part et d'autre de cette artère. «La rénovation de celle-ci démarrera à hauteur du pont de Sidi Rached, traversera la rue Mellah, puis El-Chatt pour déboucher à proximité de l'ex-Médersa convertie en annexe universitaire où furent regroupés un certain nombre de bureaux d'étude et de réflexion». Selon la même source, il est prévu la construction d'un réseau de collecte des eaux usées et pluviales de manière à éviter les risques de cross-connexion des eaux polluées avec celles de l'AEP. Il est précisé par ailleurs que l'ancien caniveau en pierres de taille sera conservé en tant qu'ouvrage témoin. Dans le même temps, seront renouvelés les branchements d'une dizaine de ruelles perpendiculaires à la rue Mellah Slimane, chaque maison particulière bénéficiera d'un réseau rénové. Cette opération d'assainissement est lancée et concerne tout l'axe Mellah Slimane, soit sur une distance de 900 mètres.
En ce qui concerne la rénovation des locaux et des maisons, notre interlocuteur indiquera que les crédits ayant été débloqués, il est prévu que les frais seront supportés à raison de 60% par l'Etat et 40% par le propriétaire. Ce dernier pouvant contracter un prêt bancaire pour les rénovations. Enfin, il est précisé que la phase actuelle concerne 115 maisons et 150 locaux commerciaux devant bénéficier des opérations de rénovation. Le cas des propriétaires qui refuseraient cette rénovation ne s'est pas encore présenté, dira notre interlocuteur, puisque les dossiers continuent d'être déposés et étudiés par la cellule mise en place à cet effet. En tout état de cause, «l'adhésion à ce projet de rénovation de la médina est libre et sans contrainte aucune», conclut notre interlocuteur.
A.Benkartoussa



26 février 2006
Algérie: La problématique de la sauvegarde de la Médina suscite des controverses
Constantine : une modernisation
soluble dans le patrimoine ?
Il est des cités dont le pittoresque, même enseveli dans la valse des siècles qui passent, ne peut être altéré. Il est certainement des dommages qui sont comptés çà et là et dont l'intérêt serait de les rattraper avant que la négligence de l'homme n'atteigne d'autres proportions plus importantes. Le désintérêt total de la «chose» patrimoniale. La vieille cité antique Cirta a de quoi être sauvegardée. L'ancienne ville résiste malgré tout à tout ce qui nuit à sa mise, et à sa «remise en valeur». Puisque Constantine, dans ce qu'elle présente encore à travers l'histoire architecturale qui la singularise du reste du pays, se heurte à une incompréhension devant les changements qui s'imposent par la force de la restauration, donc de la sauvegarde. A Souiqa, par exemple, c'est le cas de plusieurs bâtisses auxquelles s'imposent l'introduction de la modernisation dans ce qui reste d'architecture traditionnelle, la sauvegarde par le changement sans transformer l'âme de la ville en pleine expansion. «Le Master plan» est l'étude «type» dont on entoure les travaux de réfection en remise en question des uns et des autres, les responsables de l'administration, les architectes, les associations de sauvegarde, les protecteurs du patrimoine et les inconditionnels amoureux de Constantine Tout un débat à suivre. Repères
Mardi 6 décembre. Salle du conseil de l'APW de Constantine. Chacun sait que le moment est important et que la réunion qui se tient ce jour a tout pour faire événement et d'abord la qualité de ceux qui sont rassemblés autour des autorités de la wilaya et de la ville. Deux ministres -celui de l'Habitat, lui-même ancien wali de Constantine et familier de ses problèmes, celui de la Ville dont chacun sait les attaches personnelles avec Constantine-, un haut fonctionnaire représentant la ministre de la Culture et, en invité de marque, l'ambassadeur d'Italie dont le travail d'expertise, par des spécialistes de son pays, sur les épineux problèmes de réhabilitation et/ou de restauration, de la Médina est au centre de la rencontre.
La question est d'évaluer ce qu'il est convenu désormais de nommer, dans les querelles constantinoises, le «Master Plan», de dire s'il est la réponse attendue à ce qu'il faut définir comme la quadrature du cercle constantinois. Comment concilier les exigences, souvent contraignantes, d'une relance d'un développement urbain à la fois en phase avec l'immensité de la demande sociale de logement, de transport, d'emploi, d'éducation et de loisirs et qui tienne compte à la fois d'un site particulièrement typé, difficile et de la préservation de la dimension patrimoniale de la vieille cité numide ?
Un tournant dans l'histoire locale
Dénouer le casse-tête était d'autant moins évident que le passif de destruction de trente-huit bâtisses de Souiqa, à l'automne 2004, était forcément présent dans tous les esprits. Il faut s'arrêter à cet épisode car il marque d'une certaine manière un tournant dans l'histoire locale et il aura notamment, pour la première fois, vu l'émotion de quelques-uns se transformer en inédit mouvement d'opinion que la presse aura efficacement relayé.
Au-delà de protestations d'associations attachées à l'histoire et la culture de Constantine comme l'Association des amis du vieux Rocher ou celle des Amis du Musée Cirta, de l'Association des propriétaires ou encore du Cercle de réflexion et d'initiative qui, toutes sur un registre particulier, ont décliné l'émergence d'une société civile moins docile ou, en tout cas, qui a su trouver dans la défense du patrimoine de la Médina le socle d'une plus grande visibilité.
A demi-mots, Ahmed Benyahia, artiste peintre et président de l'Association des amis du vieux Rocher, donne à entendre que la décision de mettre fin aux destructions de Souiqa viendrait du président de la République, lui-même «ému par ces atteintes au patrimoine de la Médina ». S'il fallait encore un signe de l'impact de cette émotion sur la conduite des affaires de la ville, c'est Abdelmalek Boudiaf, tout nouveau wali de Constantine, qui le donnera en réservant sa première sortie publique à Souiqa qu'il parcourra à pied, se mêlant aux gens et affirmant sa volonté de réhabiliter le patrimoine de Constantine. C'est aussi cette même volonté qu'il affichera lors de sa première rencontre avec les représentants de la presse, affirmant qu'il en ferait l'une des priorités de son action à la tête de la wilaya.
C'est donc à interpréter une illisible, mais perceptible ligne rouge qu'étaient aussi invités, ce mardi de décembre, les participants au consulting sur le Master Plan. L'édition du lendemain du quotidien El Acil n'hésitait pas à titrer «Une vieille ville, otage des divergences» des responsables. Les débats, rapporte le journaliste du quotidien local, ont été «houleux» qui ont vu, en particulier, le représentant de la ministre de la Culture rappeler l'obligation de tenir compte du classement de Constantine en « zone protégée» et d'inscrire le Master Plan dans le plan de sauvegarde de la Médina. Se tenait-il alors dans la stricte traduction des fortes positions exprimées, en conseil du gouvernement, par Mme Khalida Toumi, ministre de la Culture, plaidant la protection de Constantine.
Fruit de vingt-quatre mois d'études, le Master Plan visait à «collecter des données, définir les caractéristiques architecturales de la Médina et il en fut en particulier retenu qu'il n'écartait pas l'idée de destruction de vingt à trente-cinq bâtisses.
En charge des questions de l'urbanisme au niveau de l'APC de Constantine et membre de la cellule de réhabilitation -véritable carrefour de la problématique de la restauration-,Tewfiq Benelbedjaoui revient avec amertume notamment sur l'épisode de Souiqa, «je n'ai pas envie de rappeler ici mon ascendance ni la place de ma famille dans l'histoire de ma ville, mais je refuse que l'on me conteste mon attachement à Constantine et son patrimoine. Il est vrai que nous nous sommes particulièrement mal pris dans cette affaire et que notre communication a été particulièrement défaillante. Sans doute des bâtisses n'auraient-elles pas dues être touchées, mais faut-il pour autant perdre de vue la responsabilité des pouvoirs publics dans la garantie de la sécurité des personnes ?»
Les nécessaires expertises
Existe-t-il alors une voie royale pour mettre Constantine à l'heure du siècle sans rien renier ni blesser sa mémoire ? Et cette voie doit-elle forcément porter les marques de l'urgence, se demande Ahmed Benyahia, président de l'Association des amis du vieux Rocher : «Que ce soit Souiqa ou d'autres sites, le sentiment est toujours le même d'un refus de se donner le temps et les moyens d'une action durable et crédible, associant architectes, historiens, plasticiens, experts qui garantissent la qualité de la restauration et on sait, partout ailleurs, que ce travail est toujours de longue haleine et qu'il demande du temps.» Il cite, entre autres exemples, le cas de la restauration de l'emblématique «Djamaa El Kébir», la plus vieille mosquée de la cité construite aux confins du XIIème siècle. Les réserves de Ahmed Benyahia sont par ailleurs confortées par Hadj Adlane Bousseboua, animateur de l'Association des riverains de «Djamaa El Kébir», toujours en attente d'agrément, qui déplore, quant à lui, l'absence de concertation des pouvoirs publics et estime que «les travaux entrepris demeurent en-dessous de nos ambitions au regard de la valeur archéologique et historique de cet édifice considéré, à juste titre, parmi les plus anciens de la vieille ville de Constantine».
De la même façon, l'association souligne toute l'importance de l'appel non pas à des entrepreneurs ordinaires, mais à des experts susceptibles de préserver les caractéristiques architecturales de la Médina.
L'idée est en tout cas dans l'air du temps à Constantine et elle ne pouvait pas ne pas être saisie au vol par les partenaires du jumelage Constantine-Grenoble et notamment par les architectes rassemblés, depuis un mois maintenant, au palais de la culture Malek Haddad à l'enseigne explicite de «Constantine, 2 000 ans d'architecture», exposition de photos et projection de films copilotées par l'institut d'architecture et d'urbanisme de l'université de Constantine et l'école d'architecture de Grenoble.
Les gisements culturels et urbanistiques de la Médina
Mahieddine Kheraouata, lui-même architecte et enseignant à l'université de Constantine, avait d'abord des raisons toutes personnelles de s'impliquer dans le débat sur le patrimoine et particulièrement le patrimoine immobilier. Associé à la cellule de réhabilitation et l'un des animateurs de l'exposition «Constantine, 2000 ans d'architecture», il est en même temps l'actif secrétaire général de l'Association des amis du vieux Rocher et, de son point de vue, l'un des risques d'une indifférence aux enjeux actuels «est de produire une population amnésique». Sans crispation, il défend l'idée que des travaux peuvent s'envisager qui tiennent compte, «d'une part, de la loi, d'autre part, des gisements culturels et urbanistiques que représente la Médina». Aujourd'hui, le résultat indéniable de débats et controverses parfois obliques est que, désormais, nul ne peut tout à fait ignorer, du moins à Constantine, la place de ces préoccupations dans les mutations projetées de la métropole constantinoise.
Au niveau de la direction de wilaya de la culture, c'est Abdelkrim Benamar qui suit le dossier et participe, à ce titre, aux travaux de la cellule de réhabilitation : «Notre responsabilité en tant que ministère de la Culture est d'intervenir dans toute action visant à la restauration ou la sauvegarde du patrimoine classé, et de manière plus large, notre visa est requis pour toute opération touchant l e b âti ancien.»
Si Souiqa est le cœur historique de la Médina et a été l'indéniable catalyseur de nouvelles préoccupations liées à l'idée de sauvegarde, il faut bien rappeler qu'au-delà des destructions qui avaient servi de déclic au mouvement protestataire, ce n'est pas d'aujourd'hui que les questions de recasement des occupants, de ses habitations classées administrativement comme «menaçant ruine» et de la destination du bâti se sont posées sinon que, liées à la problématique globale d'éradication des bidonvilles, des constructions illicites, elles n'avaient pas encore la charge patrimoniale qu'elles ont désormais acquises. Ainsi, il n'est pas possible d'isoler ces questions de la politique d'ensemble d'aménagement du territoire d'une agglomération dont les déclinaisons semblent échapper à la volonté des pouvoirs publics ou alors s'établir sur la puissances des pesanteurs politiques qui ont longtemps enserré Constantine. Le sentiment existe chez nombre de nos interlocuteurs que Constantine a été d'une manière ou d'une autre victime d'une forme d'ostracisme qui la met quelque part à la traîne de ses anciennes périphéries.
La difficile gestion de la croissance de la ville
L'une des plus manifestes et des plus récentes illustrations de la difficile gestion des effets de croissance de la ville, notamment en matière de transport, tient, d'une part, aux récentes réalisations de trémies du côté de l'université Emir Abdlkader et de la cité Zouaghi -dans l'ensemble accueillies avec un certain soulagement-, d'autre part, au dégagement houleux de la station Kerkri ou aux difficiles négociations visant à la libération du souterrain du centre ville. D'évidence, sur ce registre, c'est encore le projet de réalisation d'un tramway traversant presque l'agglomération qui a suscité le plus de réactions. Son tracé, tel que communiqué par les autorités, prévoit, en effet la destruction, partielle des tribunes du stade Benabdelmalek, du siège du commandement de la gendarmerie et surtout de la célèbre prison du Coudiat.
Dans une correspondance adressée à la ministre de la Culture, Ahmed Benyahia note qu'«alors que la blessure de Souiqa est encore béante, un autre pan de l'histoire du nationalisme, la prison du Coudiat, se trouve menacée de destruction malgré son classement au patrimoine culturel national». Des universitaires -historiens en particulier- s'émeuvent et une pétition est mise en circulation sur le Net et même des politiques comme Abderraz ak Bouhara, vice-président du Conseil de la nation, qui avait consacré des pages sensibles à la ville dans son ouvrage les Viviers de la libération, s'inquiètent qui considèrent que «dans la mémoire du nationalisme, la prison du Coudiat est à l'égal de celle de Serkadji à Alger». Lors d'un récent conseil du gouvernement, le projet de tramway de Constantine a été reconnu «d'utilité publique», selon un communiqué officiel ; sur place le wali multiplie les garanties à l'intention des riverains et on en est là sur ce nouveau sujet de discorde.
Des opérations qui demandent du temps
Si nul ne peut contester le fait que Constantine est condamnée à moderniser ses équipements collectifs, à se mettre en quelque sorte en accord avec son ambition de retrouver toute sa place de grande métropole, il est de notoriété publique qu'aucun espace n'est ouvert qui permette des confrontations, des échanges et lorsque ceux-ci ont lieu, c'est le plus souvent dans le cadre relativement étriqué des sessions des instances électives et avec un faible impact sur l'opinion. L'APW, du fait même de ses missions, se trouve au carrefour de l'évaluation et de la décision et a eu ordinairement à connaître un ensemble de questions. Sociologue, Kamel Bounah, son président, veut d'abord se fonder sur l'analyse sociale de la formation de l'agglomération.
Il se veut alors au plus près de la vie quotidienne en matière de commodités, d'assainissement -conduites de gaz , AEP, électricité-, y compris de la vieille ville dont il relève que «sa restauration devra viser à une réelle relance de la vie collective, ouverte au tourisme, aux activités de proximité. Les opérations de restauration et de réhabilitation sont complexes, demandent du temps et de la patience». L'APW a l'expérience de quelques opérations telles que la restauration de l'Institut Benbadis ou de la mosquée d'El Kettania.
Dans les semaines à venir, les autorités auront aussi à trancher, last but not least, dans le dossier du fameux projet de construction de l'ensemble hôtelier de l'ancien square Panis, défendu par un promoteur algérien en relation avec le groupe international Accor qui, lui aussi, soulève une vague de protestations. L'aspect le moins visible des controverses constantinoises tient aussi de l'inextricable fouillis juridique du foncier urbain.
«Il y a bien sûr les droits des propriétaires, mais aussi les obligations imparties aux pouvoirs publics en la matière et rien n'interdit de rêver d'une Médina retrouvée, véritable musée à ciel ouvert», dit Mme Ali Khodja, vice-présidente de l'APW chargée des finances.
Ce qui est sûr, c'est que la nécessaire jonction entre les valeurs patrimoniales de la vieille cité et les impératifs de modernisation du cadre de vie des Constantinois qui, pour paraître à tous égards souhaitable n'est, selon toutes apparences, pas pour demain.
Entre ceux qui campent sur leurs certitudes et ceux qui restent enfermés dans les bulles de leur pouvoir administratif ou technique, l'urgence, mal comprise encore, serait de restaurer le dialogue et la concertation, seules voies d'une réhabilitation des valeurs intellectuelles et morales qui faisaient, il y a quelques décennies encore, la fierté de Constantine.
Sur le terrain, c'est sans surprise du côté de Souiqa que se sont engagées, ces jours-ci, les premières opérations visant principalement la rue Mellah Slimane. Viabiliser la z one, consolider les fondements du bâti, restaurer les façades. Le challenge, auquel sont associés à hauteur de quarante pour cent des coûts les riverains, pour les entreprises retenues est forcément rude et chacun sait qu'il s'agit là d'un véritable test grandeur nature qui sera suivi avec vigilance autant par les pouvoirs publics que par les défenseurs du site.
Meriem Merdaci



15 mai 2006
LA VILLE CRAINT LA PLUIE
Une vingtaine de familles à la rue
Depuis une semaine, presque sans discontinuer, de violents orages mettent à mal toute la ville de Constantine et ses environs immédiats. Mais ce sont surtout les habitants du vieux bâti qui en souffrent le plus. Ces violents orages, annoncés par la météo, éclatent pratiquement à la même heure, entre 17 et 18 heures. Ce sont des trombes d'eau qui se déversent sans discontinuer sur la ville, rendant la majeure partie des chaussées impraticables, glissantes et dangereuses. Mais ce sont surtout les effondrements de ces vieilles toitures, sommairement rafistolées, qui suscitent désarroi et colère de certains habitants touchés de plein fouet par ces intempéries.
Ce sont plusieurs incidents relativement inquiétants que signalent les responsables de la cellule de communication de la protection civile, en état d'alerte tout au long de ces derniers jours.
Samedi vers 20 heures, rue Bounab, à quelques encablures du cinéma Rhumel (ex-Olympia), le toit d'une vieille bâtisse s'est partiellement effondré, mettant pratiquement à la rue trois familles et blessant légèrement à la tête une vielle femme. Une demi-heure plus tard, alerte du côté de la rue Kitouni Abdelmalek où l'on nous signale également l'effondrement partiel d'une toiture, sans blessures corporelles, mais qui jette à la rue pas moins de neuf familles.
Pour la dernière intervention de cette soirée de samedi, nouvelle alerte du côté de la rue Boudra Salah, plus exactement au niveau du terrain Beghali, avec les mêmes effets mais avec pas moins de dix familles touchées par le déluge, soulignent les responsables de la protection civile.
Comme l'ont annoncé à plusieurs reprises des urbanistes en charge du dossier du vieux bâti à Constantine, ce serait plus de 40% des habitations qui demandent restauration urgente pour cause de vétusté.
Des quartiers entiers menacent ruine, malgré tous les efforts déployés par les responsables locaux.
Rahmani Aziz


15 mai 2006
Rue Abdallah Bey
SOS, bâtisse en danger !

Les vieilles bâtisses menaçant ruine dans l'ancienne médina continuent de hanter le quotidien des habitants. Après l'effondrement, l'année écoulée, d'une maison à la rue Mellah Slimane, sans faire heureusement des dégâts humains, une autre bâtisse sise à la rue Abdallah Bey risque de connaître, un jour, le même destin.
Considérée parmi les vestiges de la médina, cette bâtisse, à l'architecture arabo-mauresque, n'a toujours pas fait l'objet du moindre intérêt de la part des autorités, à l'instar de toute la vieille ville d'ailleurs qui n'a pas bénéficié de travaux de réhabilitation que depuis quelques semaines, et encore faudra-t-il attendre longtemps avant de passer à l'étape de révision des conduites d'AEP et d'évacuation des eaux usées. Située à la rue Abdallah Bey, en contre bas de la mosquée Essaïda Hafsa, à quelques pas de celle de Sidi Moghrof, la bâtisse en question dont l'unique accès est du côté de l'impasse à moitié voûtée, de Benbadis, est dans un état de délabrement très avancé. Connue surtout par les vieux du quartier sous l'appellation de Dar Bendali avant de devenir Dar Benbakir, elle présente une dégradation à l'intérieur au point que des pans entiers du pavé se sont extirpés sous l'effet des infiltrations des eaux des canalisations endommagées. Les murs extérieurs aux revêtements écorchés présentent déjà des fissures trop béantes pour passer inaperçues, alors que l'inclinaison de la façade principale devient de plus en plus menaçante. L'état des lieux ne cesse d'inquiéter sérieusement les riverains, d'autant plus qu'aucune mesure préventive n'a été envisagée. Seul un pauvre madrier, posé depuis plus de trois ans en guise de support entre deux murs, commence lui aussi à subir les supplices du temps. On imagine déjà l'ampleur de la catastrophe au cas ou l'immeuble cède un jour sur une artère à forte circulation.
 
S. Arslan 




14 juin 2006
Vieux bâti
800 familles en danger
Le centre de la ville de Constantine donne des signes de détresse, particulièrement au niveau de la Casbah et de la «vieille ville». Si l'on se réfère au bilan de la protection civile, rien que pour le mois de mai, l'on peut mesurer l'ampleur du phénomène.
En effet, la cellule de communication de la protection civile fait état, pour la période allant du 3 au 30 mai, de la reconnaissance de 210 habitations sous la menace d'effondrement. On saura de ces mêmes sources que ces opérations de reconnaissance ont été effectuées à la suite de fortes chutes de pluies. Ces 210 habitations comptabilisent près de 800 familles qui vivent sous la menace d'un danger. Et il faut savoir, en ce sens, que certaines familles, faute de pouvoir déménager, vivent encore sous des toits à moitié effondrés et parfois des escaliers désarticulés qui peuvent céder à tout moment, sous le poids des locataires.
La cellule de communication nous informera que les agents de la protection civile, à chaque intervention, établissent des rapports dont la mairie est régulièrement rendue destinataire. Les responsables de l'APC de Constantine, quand ils sont interpellés sur des cas qui nécessitent un recasement, répondent invariablement que le relogement se fera en fonction de la disponibilité des quotas affectés à la «vieille ville. Pour ces 210 habitations qui menacent de s'effondrer, il y a lieu de signaler qu'aucune famille n'a été relogée. Pour celles dont les maisons, essentiellement situées à la vieille ville et qui sont devenues inhabitables, c'est la solidarité familiale ou encore celle du voisinage qui agit.
Sur un autre plan, ce chiffre qui appelle d'autres comptabilisés durant les derniers mois de l'hiver et qui peut révéler la gravité de la situation de la «vieille ville» interpelle les autorités locales. Surtout sur l'énorme retard qui est pris dans la réhabilitation de la Médina. En effet, on parle beaucoup de la prise en charge de cette Médina à travers le fameux Master plan mais jusqu'à présent rien n'indique qu'il sera mis en branle à temps.
En attendant, Sidi Djelisse, Sidi Bouanaba, Rahbat Souf ou encore Souika sont en train de se consumer comme une bougie. Alors que par ailleurs et à quelques centaines de mètres, le centre-ville constitué du bâti colonial bénéficie régulièrement d'opérations de réhabilitation. Faut-il souligner que la «vieille ville» est classée patrimoine national. Mieux encore, le ministère de la Culture a constitué un volumineux dossier à l'intention des services de l'UNESCO pour inscrire la Médina dans le patrimoine universel.

R.C.


26 août 2006
Les premiers travaux de rénovation bientôt achevés
La réhabilitation de Souika en bonne voie
Parallèlement aux travaux de chantier, la cellule chargée du suivi du projet de réhabilitation a entamé une campagne de sensibilisation en direction des habitants et des commerçants du quartier pour les impliquer dans la restauration et la préservation de Souika
La vieille ville de Constantine, Souika comme l'appelle les Constantinois, est un petit joyau architectural et culturel de la ville que l'action du temps, des éléments et, surtout, de l'homme ont terni et transformé en ruine hideuse et insalubre. Mais si beaucoup parmi les citoyens et responsables qui se sont succédé n'en avaient cure, il s'est trouvé une poignée d'hommes que l'état de la Souika ulcérait et, ne pouvant se résigner à ne rien faire en voyant tout un pan de l'histoire de la ville partir, ils réagirent et se mirent en campagne pour la sauvegarde de la Souika. Multipliant les appels et les contacts, ils réussirent à attirer l'attention des premiers responsables locaux et du ministère de la Culture qui ne tardèrent pas à s'impliquer activement dans la sauvegarde de la vieille ville.
La Souika bénéficiera d'un projet de réhabilitation qui, lancé, ne tardera pas à produire ses premiers résultats sur le terrain.
C'est ainsi qu'est déjà enregistrée une avancée des travaux de réhabilitation de l'avenue Mellah Slimane de la vieille ville qui, selon un responsable du projet de réhabilitation de Souika cité par l'APS, sont sur le point d'être achevés. Ces travaux portent sur l'assainissement et la rénovation des conduites d'alimentation en eau potable et des eaux usées tout le long de cette avenue qui traverse de part en part la partie supérieure de la vieille ville.
En rénovant ces conduites, les trois entreprises en charge du chantier procèdent à l'élimination de toutes les fuites d'eau, ce qui diminuera sensiblement les infiltrations qui fragilisent le terrain en aval, aggravant la menace d'un glissement de terrain dont les conséquences seraient pour le moins catastrophiques.
Parallèlement aux travaux de chantier, la cellule concernée a entamé une campagne de sensibilisation en direction des habitants et des commerçants du quartier pour les convaincre de l'importance et de la nécessité de s'impliquer activement dans la restauration de Souika et sa préservation. Car, au final, c'est d'abord à eux que profitera le projet qui, s'il est mené à terme et dans les meilleures conditions, redonnera au quartier son lustre d'antan et en fera un site touristique et culturel attractif, donc économiquement rentable. Les exemples de casbah et vieilles villes qui, restaurées, sont devenues de véritables mines d'or sont légion. Evidemment, il ne s'agit pas de se contenter de restaurer et d'attendre que les touristes se bousculent pour visiter et acheter. Un site touristique et/ou culturel est un produit qu'on doit, comme tout autre produit commercial, promouvoir, faire connaître et vendre. Et c'est là le travail de tous, citoyens et pouvoirs publics. Aussi la réhabilitation de Souika ne peut-elle être considérée comme une fin en soi.
Mais cela ne doit pas non plus être un frein pour la restauration qui doit coûte que coûte récupérer ce qui peut encore l'être, et la préservation qui maintiendra le site en bon état en attendant des jours meilleurs pour son exploitation culturelle et économique.
La vieille ville de Constantine s'étend sur une superficie totale de 86 hectares et 39 ares.
Sa population est estimée, selon le dernier recensement, à 24 653 âmes qui vivent dans 1 438 habitations dont 46% sont de style traditionnel et le reste de conception européenne ou hybride.

Néanmoins, il est relevé que cette population est en constante diminution en raison du programme social de relogement entamé par les pouvoirs publics aux deux nouvelles villes Ali Mendjeli et Massinissa.
En outre, le site compte 3 163 locaux à usage commercial, 118 autres utilisés à des fins administratives et financières et 23 établissements scolaires.

Reda Cadi




30 septembre 2006

Réhabilitation de la rue Mellah Slimane : Les travaux piétinent

La pierre ordinaire a remplacé le pavé, poli et bien taillé, à la rue Saïd Bentchicou, prolongement de la rue Mellah Slimane (ex-Perrégaux).
Le lieu, qui demeure la principale artère de Souika, a été choisi pour lancer l'opération de réhabilitation de la vieille médina, classée patrimoine national en juin 2005. Des travaux entamés après une longue polémique et deux campagnes de démolition menées par les autorités contre des vestiges vivants de l'histoire de la ville. Divisé en trois lots, le projet lancé en mai dernier pour un délai de quatre mois prévoit de revoir de fond en comble le réseau d'assainissement, vétuste et complètement dégradé. Selon le directeur de l'urbanisme, l'opération a nécessité la mobilisation d'une enveloppe de cinq millions de dinars, dont deux réservés à la reprise des conduites des eaux usées et des avaloirs et trois iront à la réfection des routes et à la réhabilitation des façades des maisons. Confiés à trois entreprises privées, les travaux piétinent toujours.
Les commerçants et riverains ne semblent pas apprécier les travaux sur la partie située à quelques mètres de la rue Chekarli Medjdoub. « On n'a pas pris le soin de prévoir un dégagement des eaux pluviales qui se déversent directement sur les trottoirs et pénètrent dans les magasins », nous dira un épicier. Au rythme où vont les choses, les délais seront largement dépassés, surtout que la cadence à proximité de la rue Abdellah Bey et dans la rue Sellahi Tahar est trop lente, gênée en sus par le mouvement de la foule dans une rue commerçante. Chose qui a poussé les commerçants à demander au wali de Constantine la suspension des travaux durant le mois de Ramadhan pour leur permettre d'activer dans des conditions favorables.
De leur côté, les habitants des vieilles maisons, abandonnées durant des décennies, devront attendre encore avant d'assister à la réhabilitation de leurs demeures à moins qu'on se contente de replâtrer les murs.
 S. Arslan
15 octobre 2006
Nuits ramadhanesques à Constantine :
Nostalgie à Souika !...
Les anciens et tous ceux qui ont vécu l'âge d'or de Souika, le plus mythique des quartiers érigés au cour de la vieille ville, sur l'un des versants les plus escarpés du Vieux-Rocher, disent aujourd'hui qu'il a perdu son âme et toute la magie qu'il dégageait d'antan, notamment durant le mois sacré du Ramadhan où l'on y vivait au rythme envoûtant des us et coutumes indissociables de ce mois de jeûne.
Baptisée après l'indépendance rue Mellah Slimane, ce morceau de la Ville des Ponts porte aujourd'hui tous les stigmates liés à la décrépitude de son habitat livré à l'usure et à l'action corrosive du temps et à la dégradation des hommes. Ce quartier chargé d'histoire, partie intégrante du patrimoine bâti de la ville et de surcroît classé patrimoine national, est défiguré par des travaux de rénovation du réseau d'assainissement qui n'en finissent pas, perdant au passage quelques-uns de ses repères parmi les plus marquants. Entre autres, ses pavés séculaires.
Ex-bastion de l'artisanat local riche d'un savoir-faire remontant à l'époque arabo-bèrbère et ottomane et transmis de génération en génération aux mains expertes de tanneurs, teinturiers, passementiers, selliers, fabricants de tamis et autres, le quartier de Souika n'est plus aujourd'hui que l'ombre de lui-même. Les bâtisses menacent ruine, mais la plupart sont vidées de leurs habitants et de toute leur substance.
Donc, les centaines d'échoppes et d'étals qui abondent dans les venelles très accidentées de ce tissu urbain fortement chargé d'histoire ont changé d'enseigne. Autre temps, autres mours. Le quartier se distingue aujourd'hui par une succession interminable de minuscules boucheries, près d'une quarantaine. Certaines ne présentent pas plus de 3 à 4 m2. Disséminés çà et là, quelques torréfacteurs, vendeurs d'épices et quincailliers font tache d'huile dans un décor entièrement dédié aux produits de boucherie.
La boucle est bouclée avec ces nombreux vendeurs à la sauvette proposant sur des étals crasseux des abats et des quartiers de viande rouge à la qualité plus que douteuse, provenant de l'abattage clandestin. Faisant l'affaire des petites bourses, ces étals fleurissent à chaque coin en période du mois de Ramadhan. En dépit des gros risques sanitaires générés par ce business informel, ces étals du pauvre comme on les appelle sont pris d'assaut dès les premières heures de la matinée et ne désemplissent pas de la journée.
Des étalages crasseux
Le soir, changement total de décor. Les ruelles sont désertes et chichement éclairées. Pour certaines, c'est le black-out total. Glissades assurées au milieu des innombrables cratères et nids-de-poule qui parsèment le chemin. De Koucht Ziet à Sabat Bouchiba et à la rue des tanneurs, en passant par les venelles escarpées de Seïda et Zanket Amamra, le quartier de Souika est envahi par des colonies de rats qui ripaillent au milieu de tonnes d'immondices et d'ordures amoncelées tout au long du parcours.
A mains nues, sans aucune protection contre les objets contondants et les déchets infectieux, plusieurs agents de la voirie s'échinent à nettoyer le secteur et à transporter par la force des bras les ordures sur plusieurs centaines de mètres, jusqu'à une benne où ils déversent leurs cargaisons avant de retourner à leur labeur et remettre ça jusqu'à une heure avancée de la nuit. Des travaux de forçat réservés habituellement à des mulets. « Il faut croire qu'on coûte moins cher à la commune », nous dit avec une pointe d'humour, Hocine, 45 ans, un agent qui traîne comme un boulet 13 années de service. L'usure et la lassitude se lisent sur son visage. « C'est mon gagne-pain et j'ai une famille nombreuse à nourrir », ajoute-il en guise de conclusion. Préposé en bout de chaîne, en raison de son âge (57 ans) et de ses 30 années de service, Messaoud Bahi nous prend également à témoin. Aucun des agents de son équipe n'est pourvu ni de gants ni d'aucun autre équipement censés les protéger conformément à la réglementation en vigueur. Mais qui se soucie de ces hommes de peine qui prennent à peine le temps de rompre le jeûne avant de rejoindre leur lieu d'affectation.
D'après les chiffres affichés par un bureau d'études du Vieux- Rocher, le quartier de Souika et ses îlots avoisinants génèrent à eux seuls 15% des cartons, papiers et autres détritus produits au niveau de la commune de Constantine. No comment ! Un tableau hallucinant, bien loin de l'image d'Epinal toujours ancrée dans la mémoire des citadins, anciens habitants et riverains de Souika. Face aux images moroses d'aujourd'hui, ils aiment à évoquer avec une grande nostalgie Souika d'antan. Le jour, une vitrine extravertie ouverte sur des venelles colorées et une ambiance bon enfant et le soir introvertie et quelque peu refermée sur elle-même comme un cocon. Les maisons sont adossées les une aux autres dans un agencement où le patio représente pour les femmes l'espace de regroupement privilégié.
Loin du regard des hommes de la maison, occupés de leur côté à faire dans le café maure du coin une partie de double blanc ou à méditer dans la zaouïa voisine (Zaouiet Abdelmoumen, en l'occurrence) en attendant l'heure du s'hour. Qualifié de Souk Enssa par la gent masculine en raison des papotages et des potins colportés de bouche à oreille, le patio était à plus d'un titre l'endroit le plus convivial dans ces bâtisses pourvues de minuscules chambres aux murs aveugles ou agrémentés, dans le meilleur des cas, de minuscules jalousies qui laissent difficilement passer le soleil. C'est dire toute l'importance accordée par nos mères, tantes et grands-mères à ces moments conviviaux passés à l'air libre, sur le patio.
Les belles Guaâda d'antan !...
Après la rupture du f'tour et une fois achevé le cérémonial du départ des chefs de famille et jusqu'au dernier mâle en âge de raison, elles s'y regroupaient autour d'une table basse regorgeant de friandises au miel. Le rituel était toujours le même. Assises sur des peaux de moutons ou des nattes en raphia, elles dégustaient du café très fort ou un thé à la menthe, en papotant ou en racontant des contes et légendes du terroir. Certaines à l'eau de rose, d'autres plutôt terrifiantes pour leur progéniture agglutinée à leurs pieds et dont les nuits seront longtemps hantées par les personnages sanguinaires évoqués par les narratrices.

Des moments privilégiés regorgeant également d'histoires de cour et de rencontres furtives le plus souvent platoniques, ayant pour cadre les chicanes et les terrasses des maisons. Tout un monde, ces patios et « skifas ». Ils ont inspiré tant d'histoires et de chroniques. Dans les décors spartiates mais néanmoins bucoliques de ces modestes bâtisses, pendaient aux murettes des terrasses des guirlandes de piments et de poivrons rouges. Dans les coins les plus sombres des chambres, les femmes veillaient jalousement à leurs provisions d'hiver (laâoula), essentiellement de la viande salée et séchée emballée dans des sacs de jute (guedid) ou encore, pour les moins démunis, des quartiers de viande précuite macérées dans une jarre au milieu d'une mixture composée d'huile d'olive et de graisse végétale.
Tout un monde, ces patios et ces « skifas » comme on les appelait. Ils ont inspiré tant d'histoires et de chroniques et ont longtemps nourri notre imaginaire. Nostalgie, quand tu nous tiens.

Ahmed Boussaid