jeudi 1 septembre 2011

Pour défendre Souika

En hommage à Najia Abeer (Benzeggouta)
Des maisons de la Médina vues du pont Sidi Rached
Vue aérienne de Constantine
(Souika est située en bas de la photo)
La Souika est un lieu de mémoire qui doit être conservé, réhabilité, restauré et maintenu vivant. Une solution doit être trouvée pour défendre efficacement La Souika.
Il est nécessaire d'être crédibles. Les défenseurs de la Souika ne le seront qu'au prix d'une prise en compte scrupuleuse de la réalité qui est multiforme et complexe :

  •  patrimoine historique à protéger,
  •        quartier particulièrement touché par les réalités géologiques locales,
  •        dangerosité d'un certain habitat donc protection des personnes,
  • nécessité d'assurer la vie de ce qui est possible
  • impérativement restaurer ce qui doit l'être sans dénaturation,
  • pas de spoliation des propriétaires et s'interdire les exils, notamment des personnes âgées,
  • empêcher les trafics de toutes sortes ayant trait à exploitation de la situation.
Souika vue du ciel (Yan Artus Bertrand)
Nous sommes devant quelque chose de longue haleine qui nécessite notre vigilance et notre lucidité.
Nous devons être aussi attentif à ce que font ou pas les pouvoirs publics et les particuliers de tous poils.
Notre action doit se situer en dehors des polémiques et des sombres calculs, avec les institutions, les associations.
Inch'Allah Souika !

Des photos récentes de Souika

Photos de Fodil Bouchedja (récentes)





Des photos de quelques rénovations de Souika
Avril 2010




Un Album de Djamel Allal : Visite de la vieille ville de Constantine

Une visite de la vieille ville
de Constantine (Saha Djamel Allal !)

samedi 27 août 2011

Association des Propriétaires de la Vieille Ville - Constantine -

Souika vue du ciel (Google Earth)
C'est avec plaisir que je publie ci-dessous la lettre de l'Association des Propriétaires de la Vieille Ville que vient de m'adresser son président : Fodil Bouchedja.

« LA SAUVEGARDE de la MEDINA,
REHABILITATION des ESPRITS et
RESTAURATION de la MEMOIRE »

Monsieur Fodil BOUCHEDJA
Président de l’Association des Propriétaires de la Vieille Ville – Constantine-
Membre Assesseur de l’Association Défense du Vieux Rocher.

L’association des Propriétaires de la Vieille ville de Constantine fut créée sur l’initiative de quelques personnes qui voyaient l’héritage laissé par leurs aïeux partir doucement mais sûrement et c’est pour s’imposer comme interlocuteur légal et légitime  vis-à-vis des autorités de la ville qu’une action structurée et organisée s’imposa d’elle-même.

La médina  constantinoise est, en plus d'être pour nous un patrimoine, aussi un  héritage, des racines, les lieux de notre naissance, de notre enfance, de nos premiers jeux, des odeurs, des bruits, des traditions et des souvenirs indélébiles.      

Malheureusement, la maison constantinoise, en particulier et la médina en général subissent, en silence mais très dignement les ravages du temps et l’injustice des hommes.

Une  forte   surpopulation, et  cela  malgré les  innombrables opérations de relogements, dont les conséquences sont : une insalubrité, une promiscuité, une insécurité totale due à l’absence de tout contrôle à l’intérieur de la vieille ville.

Et enfin une dégradation totale des lieux,  due à l’ignorance et à l’inconscience des résidents aidés et encouragés, parfois, par les pouvoirs publics.

Ceci, nous incite à dire que l’une des solutions les plus préconisées, pour sauvegarder la médina de Constantine, reste la dé densification au niveau de la vielle ville.

S’estimant avoir été mise, pendant des décennies, en marge des décisions prises au niveau de la vieille ville, notre association pense qu’aucune tentative pour l’amélioration du cadre de vie sur le vieux rocher et dont la réhabilitation du bâti en est l’atout majeur, ne pourrait être prise sans la consultation et l’adhésion des premiers concernés, à savoir les propriétaires, car nous nous battons, non seulement pour la protection de ce joyau architectural, classé patrimoine national en espérant qu’il le soit, bientôt universel, mais aussi en tant que bien personnel et propriété privée, construit à la sueur des fronts de nos grands-parents, mais malheureusement détruit par une idéologie barbare ainsi que la cupidité de certains, aidés et encouragés par le laxisme et l’incompétence de quelques responsables

Pour ce faire, nous pensons que la pérennité de la maison constantinoise, en particulier et de la médina en général, doit d’abord obéir à certains critères, à savoir :

I) LA REHABILITATION des ESPRITS.
II) LA RESTAURATION de la MEMOIRE.

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I) LA REHABILITATION des ESPRITS :

La première question que nous posons, en ce qui concerne ce point, est pour les autorités de la ville :

- Est-ce que les pouvoirs publics ont réellement la volonté politique pour sauver la vieille ville ???
Si la réponse à cette question est ‘oui’, nous estimons que la réalité sur le terrain demeure très loin de nos espoirs, car le ciblage pour la restauration de quelques bâtisses, ne répond pas a une réelle solution rationnelle pour la sauvegarde de la vieille ville.
La seconde question, est pour les habitants de la vieille ville :

- Est-ce que le citoyen habitant la médina mesure et reconnaît l’importance Architecturale et Historique des lieux qu’il occupe ???
Pour nous, d’emblée la réponse est négative, car ce même habitant qui pour avoir un logement décent pour lui et sa famille, pense que la seule manière d’y accéder, serait de saccager des résidences d’une inestimable valeur, œuvres séculaires du génie humain ayant résisté à l’usure du temps pour nous raconter l’histoire de l’humanité à travers un héritage précieux, pour les uns mais sans aucune importance pour d’autres.

La détérioration volontaire que subit la vieille ville, paradoxalement classée patrimoine national. Susceptible d’accéder au statut de patrimoine universel dont la protection relèverait de l’U.N.E.S.C.O, pour peu que les associations et les actions citoyennes de sauvegarde  des richesses architecturales, culturelles et historiques s’opposent vigoureusement aux décisions bancales, tortueuses qui semblent obéir à des considérations obscures.

II) RESTAURATION de la MEMOIRE :

Le but de la réhabilitation de la vieille ville doit être, aussi, celui de la réconciliation des habitants avec leur cadre de vie. Sans occulter que ceci permettrait la réconciliation de ces derniers avec leur identité et leur mémoire.

L’âge de la vieille ville a été approximativement déterminé en fonction des nombreuses civilisations ayant laissé leurs empreintes sur le site.

C’est précisément, autour de cette question que les travaux doivent être poursuivis, car n’oublions pas, que le colonialisme  a rasé une grande partie des édifices historiques, compris entre la SOUIKA et la CASBAH pour édifier la rue Ben-m’hidi (Ex rue Nationale), la rue du 19 juin (ex rue de France), le Boulevard Zighoud Youcef (ex Bd de l’abîme). Beaucoup de sites archéologiques n’ont pas livré tous leurs secrets, les recherches post indépendance ont étés privés des moyens adéquats afin d’aller au delà de ce que les chercheurs et archéologues Français ont entrepris dans ce domaine.

En tout état de cause la médina de Constantine contient indéniablement les traces d’une imbrication architecturale et historique qui remonte à bien plus que les deux mille cinq cents ans qui sont retenus comme référence pour définir l’âge de Constantine.

Pour conclure, la médina de  Constantine, patrimoine matériel et immatériel, est un précieux trésor, elle constitue un livre d’histoire que nous sommes tenus de conserver, de préserver et de transmettre aux générations futures, car il y va de notre citoyenneté et de la leur ainsi  qu’au delà, de cette ville, celle de mémoire collective de tout un peuple et celui de l’humanité toute entière.

vendredi 26 août 2011


Le Ramadhan, ses saveurs et ses attraits


le 13.08.11 | 01h00

Ammi Mahmoud entame sa journée tôt le matin. Du haut de ses 60 ans, ce retraité, enfant de la médina de Constantine, n’a rien perdu de sa verve et de sa bonne humeur. « Même durant le mois de Ramadhan, je ne change pas mes habitudes », dit-il d’un ton jovial.
Dès 7h, ammi Mahmoud prend le bus du centre-ville à partir de la cité Sakiet Sidi Youcef où il habite depuis les années 1980, après avoir quitté la maison de ses parents à Souika. « Je garde toujours des liens avec mon quartier natal que je visite tous les jours », relève-t-il. Comme pour une escapade, il commence par une virée à la rue Mellah Slimane. « Chaque Ramadhan a un cachet inédit et inusité dans ce vieux quartier où les gens de la ville, quel que soit leur statut social, viennent même de loin faire leurs emplettes ici, où ils trouvent de la marchandise à bon prix, notamment la viande, mais aussi tous les ingrédients et les produits alimentaires pour faire des plats à la saveur typiquement constantinoise, même si les traditions et les mœurs ont beaucoup changé », assure-t-il. Il est vrai que certains profitent aussi de ce mois pour faire des affaires au gré des « humeurs du ventre ». L’image des ces vendeurs de petit-lait, servi dans des bouteilles en plastique ou même des sachets de congélation, confirme les clichés qui collent encore à ce mois, durant lequel certains consommateurs, assommés par le jeûne, n’hésitent pas à «ramasser» toutes sortes d’abats exposés aux poussières et visités par des nuées de mouches.
Des vendeurs de djawzia (nougat au miel et aux noix), de loukoum (halwet halkoum), de halwet turque et autres confiseries sorties de nulle part occupent les petits espaces qui restent entre les petites échoppes ne laissant qu’un infime passage aux piétons. Après les salamalecs d’usage à l’endroit des vendeurs de fruits secs, pruneaux et abricots séchés, l’on se dirige tout droit vers la place d’El Batha, en empruntant la rue Sidi Nemdil. Le local de Chabani Abdelaâdhim, maître incontesté de la fameuse harissa au miel, ne désemplit guère. La canicule de ce mois d’août n’a pas dissuadé une foule qui assaillit les lieux comme les abeilles, une ruche. « Tu me donnes une snioua (un petit plat dans lequel on sert la harissa) bien arrosée au miel, car celle d’hier, était presque sèche », s’écrie une dame voilée dont le corps a pris la moitié du comptoir. La harissa de ammi Chabani, succulente et fondant dans la bouche, est très célèbre même en dehors de Constantine. « C’est devenu presque une marque que certains commerçants véreux ont exploité à leur propre compte en prétendant vendre la harissa d’El Batha un peu partout dans la ville et même dans des wilayas voisines », dira ammi Mahmoud. Le patron des lieux a même collé un avis sur le devant de sa boutique. Une sorte d’avertissement pour ces clients afin d’éviter d’acheter « une fausse harissa d’El Batha », chez un commerçant « chinois ». Comme quoi, on n’hésite pas à usurper la fonction d’un préparateur de harissa. A 11h, le mercure monte, la chaleur devient insupportable dans ces venelles où l’on se dispute le moindre petit bout d’ombre.
Des vagues humaines à Trik Djedida
Sur le chemin vers la rue Larbi Ben M’hidi, plus connue par Trik Djedida (ex-rue Nationale), le passage par la rue Sellahi Tahar, dans le quartier de Sidi Bouannaba, du nom d’un saint de la ville, est inévitable. Difficile de se frayer un chemin entre une nuée de vendeurs proposant des bouteilles de jus et de « gazouz », du pain sous toutes ses formes et ses couleurs, des galettes maison, du «matloû» et des feuilles de bourek. Parmi les piétons, il y a plus de curieux que d’acheteurs.
Les rues à Constantine ont beaucoup plus d’importance que les édifices et les logements. « Les gens, regardez-les, sont des maniaques de la déambulation ; ils tournent en rond comme dans une cour de prison ou un camp de concentration. Que deviendraient-ils si l’on n’avait pas ouvert dans la ville toutes ces artères, bien qu’elles soient étroites et sinueuses ?», est-on tenté de paraphraser cheikh Abdelmadjid Boularouah, héros du roman Ezilzel (le Séisme) de Tahar Ouettar. Ammi Slimane évite de s’attarder sur les lieux. Il a d’autres chats à fouetter. « Je dois faire un saut à Rahbet Essouf (la place de la laine), ex-place des Galettes, où je dois passer voir mon ami Hadj Rabah, celui qui prépare la fameuse zlabia, format Boufarik », lance-t-il. Il faut jouer des coudes pour traverser la rue Kadid Salah, ex-rue Combes, devenue un souk spécial où l’on vend tout ce qui est féminin, de la petite lingerie, aux gandouras, en passant par le cosmétique. « C’est un véritable souk enssa (souk des femmes) qui occupe une partie importante du vieux quartier de R’cif ; les seuls hommes qu’on y trouve sont les commerçants », ricane ammi Slimane. Après un raccourci par le quartier El Djezzarine, qui abrite les petites échoppes des tripiers, on arrive devant le sabat (passage voûté) de la mosquée Sidi Lakhdar, qu’on traverse à la hâte pour se retrouver à Rahbet Essouf.
Téléphérique
Curieusement, il n’y a pas assez de monde devant le vieux local de ammi El Hadj Rabah. Ce dernier, la soixantaine bien entamée, garde toujours sa forme. Assis tranquillement face à un grand poêle, vêtu d’un tablier blanc, une chéchia sur la tête, une serviette mouillée autour du cou, il manie la pâte avec dextérité. Sans jamais s’arrêter, il joue avec un ustensile en forme d’entonnoir pour dessiner des morceaux de zlabia grand format, qui prennent une couleur dorée une fois plongés dans une bassine de miel. «Malgré le poids des années et les tentations du commerce lucratif, El Hadj Rabah n’a jamais pensé délaisser un métier qu’il exerce avec passion et patience», explique ammi Slimane. Ce dernier, après avoir acheté deux kilos de zlabia dorée, reprend le chemin du retour après une journée harassante. A quelques encablures de là, il y a la station du téléphérique, juste à proximité du vieux quartier Echaraâ, dans le temps celui des juifs de Constantine. « J’adore prendre ce moyen de transport, histoire de contempler le rocher et ses merveilles avant de rentrer chez moi », dit-il.
 Arslan Selmane